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ondamné & puni, comme une injure arroce faite à lui-même : Je vous ai préservé de pécher CH. VIV. CONTRE MOI. La feule lumiére naturelle en - faifoit connoître, à Abimélech toute la noirceur. Et des chrétiens s'en font un jeu : ils vont jufqu'à en tirer vanité; & ce crime depuis qu'il s'eft revétu du nom de galanterie, ne fait plus d'horreur : tant les paflions déré-glées ont étouffé les plus vives lumiéres de la : nature, après avoir éteint celles de la foi. [Seigneur, punirez-vous de mort l'ignorancela bonne foi de l'innocent?. Je l'ai fait avec fimplicité de cœur.... Dieu lui dit : Jefçai •que vous avez agi avec un cœur fimple. ] On eft. en danger d'abufer de cet endroit, fi on ne - l'entend bien. Car on confondra ce que Dieu ⚫ excufe dans la conduite d'Abimélech, avec ce qu'il y condamne: & parce que l'ignorance où étoit ce roi, l'a exempté de péché, on voudra en conclurre que l'homme n'eft point coupa ble devant Dieu, toutes les fois qu'il péchè par ignorance..

I. Diftinguons donc deux chofes dans le fait d'Abimélech, l'enlèvement de Sara, & le motif de cet enlévement, qui étoit le deffein de "lá prendre pour femme.

De ces deux chofes, la premiére ne peut s'excufer. Faire enlever fubitement & d'autorité une perfonne qui vient fur la foi publique chercher une retraite dans fon royaume, c'eft une vio-lénce contraire aux loix de l'hofpitalité: c'eft un abus intolérable du pouvoir fuprême; & -Dieu l'en punit par les maux dont il l'afflige, lui & toute fa maison. Inftruisez-vous par cet exemple, Grands de la terre, qui ne connoiffez fouvent d'autre régle de juftice que l'étendue. de votre puillance; & qui croyez que tout vous

eft permis à l'égard des autres hommes, passe C XIV. que vous n'en avez rien à craindre. Souvenezvous qu'il y a un Dieu yengeur des injures faites aux plus petits && craignez d'autant plus fa juftice, que votre rang vous met plus à couvert de celle des hommes.

La feconde, qui eft le deffein d'époufer Sara, eft très-innocente, parce qu'Abimelech eft à cet égard dans l'ignorance & dans la bonne foi. Dans de pareilles circonftances où topt moyen de connoître la vérité manque à un homme, qui n'a point d'ailleurs une mauvaife" volomé, l'ignorance l'excufe de péché. C'eft pour cela que Dieu lui dit : Je fai que vous, qvex agi avec un cœur fimple.

II. Il n'en feroit pas de même, & ce Prinse avoit fait amener Sara dans fon palais, fanss'informer de rien; ou fi, étant averti. qu'elle étoit la femme d'Abraham, mais ignorant que l'adultére für un crime, il avoit formé le deffein de l'époufer. L'ignorance dans ces deux cas ne le rendroit point excufable. C'eft. ce que je vais tâcher d'expliquer en peu de mots.

Il y a des faits qui ne peuvent nous être con- -nus que par le rapport des autres, comme-letat de Sara, dont Abimelech n'avoit pas d'aytre moyen d'être informé que par elle & Abra ham. Il y a même des véritez, des loix, des devoirs, que l'homme ne peut connoître que par la voye, de l'inftruction extérieure. Telles étoient dans l'Ancien Teftament les loix touchant les facrifices, & les cérémonies du culte divin: tels font dans le nouveau les devoirs impofez aux chrétiens par les Commandements. de l'Eglife: telles font les véritez de la for que l'homme ne peut croire s'il n'en a en endu Gap 10, 17. parler. Si l'homme ignore quelqu'une de com

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chofes, parce qu'il n'a pu en être inftruit quelque bonne volonté qu'il ait pu avoir; il CH. XIV. eft innocent à cet égard; & Dieu ne lui impate ni la faute, ni l'ignorance qui la lui a fait faire. C'est ce qui rend excufable le deffein qu'avoit Abimélech d'époufer Sara: c'eft ce qui fait que Jefus Chrift dit des Juifs incrédules, Joan., 1,22 Si je n'étois point venu, & que je ne leur eusse point parlé, ils ne feroient point coupables de ne pas croire les véritez que j'annonce. Mais celui qui a des moyens d'être inftruit, & qui les rejette, ou les néglige, eft coupable, & des fautes qu'il fait par ignorance, & de l'ignorance même où il eft, parce qu'il n'ignore que parce qu'il n'a point voulu apprendre.

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Mais il y a des véritez & des loix, que l'hom me ne peut jamais ignorer fans péché: ce font celles que Dieu a gravées dans le cœur de tous les hommes, en les créant avec la lumiére de la raifon. Cette lumiére leur a été donnée pour connoître Dieu, & leurs devoirs envers lui,, envers eux-mêmes, envers leurs femblables. S'ils ne connoiffent point Dieu; s'ils ignarent leurs devoirs, & qu'ils manquent à les remplir; leur ignorance peut bien les rendre moins coupables que ceux à qui ces, chofes ont

é annoncées; mais elle ne peut les rendre innocents; parce qu'elle vient de leur afferviffement aux paffions injuftes, qui formant dans leur ame comme un nuage épais, lui dérobent la vue de la lumière. Ainfi un homme préten-.. droit vainement, s'excufer devant Dieu de ne Pavoir point adoré, fous prétexte qu'il ne l'a pas connu, ou d'avoir commis l'adultére, parce qu'il ignoroit que la Loi naturelle le condamne. L'ignorance à ces égards a fa fource.. dans le déréglement de fon coeur. Il n'eft ave

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gle, que parce qu'il eft corrompu. Il fera moins CH. XIV. puni qu'un autre qui aura péché contre les lumiéres de fa confcience: mais il fera puni, Luc. 12. 47. felon cette parole de Jefus-Chrift: Le ferviteur qui fachant la volonté de fon maître, n'aura point exécuté fes ordres, fera battu rudement : mais celui qui ne la fçachant pas, aura fait des chofes qui méritent châtiment, fera moins battu. [C'est pour cela que je vous ai préservé de péExplic. de la cher, &c.] Dieu apprend ici à ce Prince unc Gen, to. 3. vérité d'une extrême conféquence pour tous les hommes. C'eft fa m féricorde qui met des obftacles à leurs défirs, quand ils font injuftes. C'eft lui qui les garde, lorfqu'ils ne s'obfervent pas; qui veille fur leurs périls ; qui les atrête fur le penchant du précipice; qui fait naître des incidents qui fufpendent l'exécution de leurs deffeins; qui préfide à leurs penfées & à leurs délibérations; qui tourné leur volonté vers le parti le plus fage & le plus für, fans" qu'ils connoiffent fouvent la main invifible qui les conduit. Nous devons à Dieu des actions de graces de tous les péchez que nous n'avons pas commis, de tous les mauvais confeils que nous avons évitez, des obftacles qu'il a mis à tous les deffeins qu'il n'approuvoit pas.

[C'eft un Prophéte c. J'c'eft-à-dire un homme jufte, à qui je révéle mes fecrets, dont j'exauce les vœux, & à la prière duquel je vous accorderai le pardon."

Etant fille de mon pére, quoiqu'elle ne foit pas fille de ma mére. Le mot de fille fignifie fouvent dans l'Ecriture petite fille; & c'est en ce fens qu'il fe prend ici. Sara étoit fille d'Aran frére d'Abraham, & par conféquent petite fille de Tharé mais elle n'étoit pas petite fille de la mére d'Abraham; parce qu'Aran fon pére. étoit d'une autre mére.

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Afin qu'en quelque lieu que vous alliez, vous ayez un voile fur les yeux devant tous,&c.] Les CH. XIV. femmes mariées portoient apparemment un voile, qui les diftinguoit de celles qui ne l'étoient pas; & Sara pour ne point paroître femme d'Abraham, ne l'avoit pas porté dans Gérare. Il fen.ble donc qu'Abimélech veuille lui dire. Fai donné mille piéces d'argent à celui que vous appellez votre frére, afin que vous en achetiez un voile qui cache votre beauté ; & qui montrant que vous êtes mariée, préserve ceux qui vous verront, du péril auquel j'ai été moi-même exposé.

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qua

Explic. de la
Gen. to. 3

22.

On s'étonne avec raifon que Sara cût à tre-vingts dix ans une beauté & un air de jeuneffe, qui la faifoit regarder avec admiration, & qui pouvoit faire croire qu'elle étoit encore fille. Quelques-uns en donnent pour raison, que la vie des hommes étant alors plus longue, fa vieilleffe auffi venoit plus tard. D'autres mieux fondez regardent la beauté de Sara à cet âge, comme un miracle ; & une fuite de celui que Dieu avoit fait en la rendant féconde. De plus, cette fainte femme étoit comme nous le dirons au chapitre fuivant après S. Gal. 4. Paul, la figure de l'Eglife chrétienne, que Je- Eph. 5. 27. fus-Chrift a lavée dans fon fang, & qu'il a rendu fi belle, qu'elle eft fans tache & fans ride. Le même Apôtre met cette différence éntre l'ancienne alliance, & la nouvelle, que l'ancienne vieillit, & que ce qui vieillit approche de fa fin: au lieu que la nouvelle figurée par Sara, eft toujours jeune, pour ainfi dire & ne vieillit jamais, parce qu'elle ne doit jamais finir. En appellant cette alliance Heb. 8. une alliance nouvelle,il a montré que la premiére fe paffoit & vicilliffoit.Or ce qui fe paffe & vieil

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