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ce qui y eft conforme. Rébecca eft en votre pouvoir: emmenez-la avec vous, CH. XVII. afin qu'elle foit la femme du fils de votre maître, felon que le Seigneur l'a ordonné. Le ferviteur d'Abraham ayant entendu cette réponse, fe profterna, & adora Dieu. Enfuite il fit de riches préfents à Rébecca, à fa mére, & à fes fréres ; & on fe mit à table pour fouper.

Le lendemain matin le ferviteur leur dit: Permettez-moi, s'il vous plaît, de m'en retourner vers mon maître. Les fréres & la mére de Rébecca, lui répondirent: Que la fille demeure encore quelques jours avec nous.: après cela elle partira. Je vous prie, dit le serviteur, de ne point me retenir plus longtemps, puifque Dieu a donné un heureux fuccès à mon voyage: permettez-moi d'aller retrouver mon maître. Ils dirent donc Appellons la fille, & fçachons d'elle-même fon fentiment. Ils appellérent Rébecca, & lui dirent:

Voulez vous bien aller avec cet homme-là? Je le veux bien, répondit-elle. Ils la laifférent donc partir, accompagnée de fa nourrice, & lui fouhaittérent toutes fortes de profpéritez, difant: Vous êtes notre four: croiffez en mille & mille générations, & que votre poftérité demeure victorieuse de ses enne

mis. Rébecca & fes filles montérent fur CHAP. V. des chameaux ; & le ferviteur s'en retourna en diligence vers fon maître. Comme ils approchoient du lieu où demeuroit Abraham, Ifaac qui étoit forti fur le foir pour méditer dans la campagne, vit de loin venir les chameaux, & alla au-devant. Rébecca ayant apperçû Ifaac, dit au ferviteur, Qui eft cet homme-là qui s'avance vers nous ? C'est mon maître, répondit-il. Auffitôt elle defcendit de deffus fon chameau, & fe couvrit de fon voile. Le ferviteur raconta à Ifaac tout ce qui s'étoit paflé dans fon voyage. Ifaac fit entrer Rébecca dans la tente de Sara fa mére, & la prit pour femme; & l'affection qu'il eut pour elle tempéra la douleur que la mort de fa mére lui avoit caufée.

ECLAIRCISSEMENTS ET RE'FLEXIONS.

Ce chapitre eft un des plus beaux de la Genéfe, & peut fournir la matiére de plufieurs réflexions trés-édifiantes. Mais elles se présentent fi naturellement à l'efprit, que je me contenterai d'éclaircir les principales difficultez, laiffant au lecteur chrétien le foin de recueillir lui-même le fruit de cette hiftoire, & de remarquer avec une religieufe attention la candeur, l'ingénuité, la fimplicité de mœurs, la droiture de coeur, la vie innocente & laborieufe qui y éclattent de toutes parts. Je le

prie furtout d'obferver dans toutes les démarches du ferviteur d'Abraham cette piété folide CH. XVII. & éclairée, qui ne perd jamais Dieu de vûe, qui lui attribue tout, qui attend tout de lui, qui lui demande tout, qui le remercie de tout. [Abraham étant fort avancé en âge; ] Il avoit cent quarante ans, & Isaac en avoit quarante. [Il dit au plus ancien de fes domestiques. ] L'Ecriture ne le nomme point: mais on croit avec raifon que c'eft Eliezer dont il a déja été

parlé ch. 10.

[Furez-moi par le Seigneur &c.] Abraham étoit trop religieux pour obliger fon ferviteur de prendre le nom de Dieu en vain, en jurant fans néceffité. Mais la chose dont il s'agit ici, étoit de la derniére importance pour les raifons qu'on apportera dans un moment. Abraham vouloit que fes ordres fuffent ponAtuellement exécutez; & il pouvoit craindre que des vûes différentes des fiennes ne portaffent fon ferviteur à y changer quelque chofe. Pour en affurer l'exécution, il exige de lui le ferment, qui ne lui laifle plus rien à faire que de fe dégager par une prompte & fidelle obéif

fance.

[Que vous ne prendrez aucune des filles des Chananéens c. 1 Les Chananéens étoient idolatres, adonnez à toutes fortes de vices, maudits de Dieu, & deftinez à être un jour exterminez par les defcendants d'Abraham. Il ne falloit pas attacher Ifaac par des nœuds auffi forts que le mariage, à une nation que Dieu regardoit avec horreur, ni l'expofer au danger de fe pervertir.

De plus, Abraham, Ifaac & Jacob, les prin

cipaux dépofitaires de la promeffe, devoient Explic. de la mourir fans en avoir reçû aucun effet vifible, Gen. to. 3,

CHX. VII.

Mat. 22. 3.

& 6.

afin qu'il fût clair qu'elle regardoit une autre vie. Or le moindre établiffement dans la Terre promife, obfcurciffoit infiniment la promeffe; & il n'auroit pas été au pouvoir, ni d'Abraham, `ni d'Ifaac, de ne pas entrer dans les villes, & de ne pofféder pas quelques héritages à la câmpagne, s'ils avoient contracté des mariages avec les filles des Chananéens.

Enfin Abraham tient ici la place de ce Roi de l'Evangile, c'est-à-dire de Dieu même, qui veut célébrer les nôces de fon fils: Ifaac, celle de Jefus-Chrift: Eliezer, celle des Apôtres : comme Rébecca, celle de l'Eglife. Il a fallu d'abord choifir une époufe à Jefus-Christ parmi les brebis d'Ifrael, & dans fa propre nation. Il a été deffendu aux difciples d'aller dans Mat. 10. 5. les premiers temps aux Gentils. N'allez point vers les Gentils, & n'entrez point dans les villes des Samaritains: mais allez plûtôt aux brebis de la maison d'Ifrael qui font perdues. [Mais que vous irez dans mon pays c.] Il parle de Haran, ou Charan en Méfopotamie, qu'il nomme fon pays, parce qu'il y avoit demeuré quelque temps avec Tharé fon pére, & que Nachor fon frére & fa famille y étoient établis. Abraham préfére fa famille à toutes autres pour le choix d'une époufe, parce que les bonnes mœurs s'y étoient confervées ; & que la vraie religion, quoique mêlée d'idolatrie, y étoit moins défigurée, & l'ancienne tradition plus pure que partout ailleurs. Il ne pense, comme on voit, ni aux richesses rien de tout ce que les hommes confidérent dans les alliances. Il ne regarde que Dieu, la religion, la vertu. Tout ce qu'il défire, c'eft de donnner à fon fils une femme qui ait comme lui la crainte de Dieu. S'il croyoit trouver

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ni à

cette

Cette vertu dans une autre famille, il l'y cher

cheroit. Telles font les vûes que la foi infpire CH, XVII. Abraham & fi tant de chrétiens n'en ont que de baffes, d'intéreffées & toutes payennes dans l'établiffement de leurs enfants; c'eft qu'il a très-peu de chrétiens qui ayent de la foi, & qui connoiffent le prix de la piété..

[Gardez-vous bien de remener jamais mon fils dans ce pays-là. ] L'ordre de Dieu attachoit la famille d'Abraham au pays de Chanaan, jus qu'au temps où elle devoit paffer en Egypte fous la conduite de Jacob. Mais le retour en Chaldée ou en Méfopotamie lui étoit absolument deffendu, parce qu'il étoit à craindre que l'éloignement n'affoiblît peu à peu fa foi, & ne lui fit enfin oublier les promeffes.

[Dieu d'Abraham.... affiftez-moi aujour d'hui Que la fille à qui je demanderai,&c. foit celle que vous avez deftinée à Ifaac.] Rien n'eft plus édifiant que la piété de ce ferviteur. Il ne compte ni fur fa prudence, ni fur fon difcer nement, mais fur Dieu feul; & c'eft cette ad mirable difpofition, qui eft l'ame de fa prière, comme elle est la régle de toutes fes démar ches. Il entre d'ailleurs fi bien dans les vûes d'Abraham, qu'il ne prend ni la beauté, ni les ticheffes, pour le figne qui doit lui faire conBoître l'époufe que Dieu a choifie pour Ifaac, mais un office de charité.

On peut néanmoins former fur la demande particuliére qu'il fait ici à Dieu, deux difficultez dignes d'attention.

I. Il ne fe contente pas de prier Dieu qu'il l'éclaire, & le conduife par la direction de fon cfprit dans le choix qu'il a à faire : mais il lui demande un figne, & lui marque en particu lier le figne qu'il demande. Une telle prière: Tom. I M

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