Imágenes de páginas
PDF
EPUB

eft-elle dans l'ordre & n'eft-ce pas tenter CH. XVII. Dieu, que de lui demander un miracle qui paroit inutile, puifqu'Eliezer pouvoit connoître par des moyens naturels, aufquels Dieu auroit toujours préfidé également, celle qui étoit digne d'Ifaac? N'eft-ce pas en quelque maniére abandonner la chofe à la décision du fort, & vouloir obliger Dieu fans néceffité de s'expliquer par cette voie ?

Cencf, to. 3.

Je réponds premiérement que la foi & la piété éclairée d'Eliezer, & le fuccès de la prière, montrent affez qu'elle étoit dans l'ordre, & l'effet d'une inspiration divine.

Secondement, ce ferviteur agit dans toute cette affaire au nom d'Abraham : il eft chargé de fes intérêts, & de ceux de fon fils unique: il s'agit de trouver une perfonne, qui puisse par les bonnes qualitez de l'efprit & du cœur faire le bonheur d'Ifaac, & la confolation d'Abraham, & entretenir dans cette fainte famille le goût de la piété ; en un mot, qui foit en tout femblable à Sara. Eft-il étonnant que dans une occafion fi importante, fi délicate, où le choix eft fi difficile, & où la méprife auroit eu de si fâcheufes fuites, ce ferviteur, fidelle difciple & imitateur d'Abraham, s'adreffe à Dieu avec la même familiarité, fi je l'ofe dire, qu'auroit fait Abraham lui-même; & qu'il le prie de lui par ler clairement, comme il avoit coutume de parler à fon maître? Or Dicu pouvoit s'expliquer en deux maniéres; ou en marquant diftinctement par le miniftére d'un Ange celle qu'il deftinoit à Ifaac, ou en manifeftant fa volonté par quelque figne demandé. De ces deux maniéres, Eliezer s'arrête à la feconde, donnant en cela un exemple que les Apôtres fuivirent depuis dans une occafion très-importante.

Cetant mis en priére, ils dirent : Seigneur, vous

qui connoiffez le cœur de tous les hommes, faites CH. XVII. Connoître lequel de ces deux vous avez choisi.

[ocr errors]

A&. 1. II. Eliezer demande que celle qui lui donnera à boire, & qui lui en offrira pour fes chameaux, foit celle que Dieu a choisie. Eft-il raisonnable dira quelqu'un, d'attacher une décifion de cette conféquence à une action paffagére, qui ne découvre point le fond du cœur, & qui peut être dans une perfonne fans aucune des qualitez effentielles que ce ferviteur défire d'y trouver, comme le bon efprit, la modeftie, la pudeur, la crainte de Dieu ?

[ocr errors]

Je réponds que ce ferviteur défiroit en effet de trouver toutes ces qualitez; mais qu'il les faifoit dépendre d'une autre, qui étoit la pour maifon d'Abraham d'une extrême conféquence, & qui ne pouvoit être parfaite, fans enfermer toutes les vertus. Cette qualité précieufe & effentielle étoit une inclination bien faifante, & une difpofition prompte & généreuse à exercer l'hofpitalité envers les étrangers & les inconnus. La raifon éclairée par la foi avoit perfuadé à Eliezer que dans une maison comme celle d'Abraham où l'on alloit au devant des étrangers, & où l'on regardoit comme un gain les occafions de donner il falloit une femme à qui Dieu eût mis les mêmes fentiments dans le cœur ; & que rien ne feroit plus capable d'en éloigner les bénédictions de Dieu, qu'une économie qui fous prétexte de modérer les largeffes & les aumônes, iroit enfin jusqu'à en tarir la fource. C'eft par cette raifon qu'il demande pour figne du choix de Dieu, une action de générofité qui lui découvre d'abord dans la perfonne choific ce qu'il défire le plus d'y trouver.

[ocr errors]

ph. r.

II.

[Le Seigneur a déclaré lui-même sa volonté Cн. XVII. nous ne pouvons vous répondre autre chose &c. Prenez-la avec vous, afin qu'elle foit la femme du fils de votre maître, felon que le Seigneur l'a ordonné.] Ces deux hommes, dont les lumiéres & la vertu étoient fi fort au-deffous de celles d'Eliezer, reconnoiffent comme lui la main de Dieu dans un événement, où tout paroît être l'effet du hazard. Ils ne parlent ni de hazard, ni d'heureuse rencontre, expreffions fi communes parmi nous mais ils rendent gloire à Dieu, & remontent tout d'un coup jufqu'à celui qui fait toutes chofes felon le deffein & le confeil de fa volonté. Le Seigneur, difent-ils, a déclaré lui-même fa volonté... le Seigneur l'a ordonné. Et c'eft le refpect qu'ils ont pour la volonté divine, qui forme leur réfolution, & qui régle leur réponse. Le Saint-Efprit a voulu que tout ce détail fut confervé jufqu'à nous › pour former fur ces fentiments notre foi à l'égard de Genef. to. 3. la Providence. L'Eglife adore ces précieux monuments de la foi de fes péres. Elle n'a depuis rien entendu dire à Jefus-Chrift & à fes Apôtres, qui ne fortifie ces anciennes véritez. Qu'on eft injufte après cela, qu'on eft malheureux de n'en être pas perfuadé !

[ocr errors]

[Le ferviteur d' Abraham ayant entendu cette réponse, fe profterna, & adora Dieu. ] Il n'eft occupé dans ce premier moment que du foin. de lui rendre graces, comme à la véritable cause de tous les biens : & il ne fe contente pas de l'adorer dans le fond de fon cœur, ou de le bénir en public par quelque difcours; il fe profterne devant tout le monde fur le vifage, pour rendre fa reconnoiffance plus refpectueuse, & plus éclatante. On ne peut s'empêcher, en li fant cela, de déplorer l'infidélité, l'ingratitude, la mauvaise honte de la plûpart de ceux qui

Fortent le nom de chrétiens, qui ne voient rien de divin dans les événements qui marquent CH. XVII. -plus le doigt de Dieu; qui font comblez de fes biens, fans regarder jamais la main qui les diftribue; & qui craindroient de fe rendre méprifables, s'ils témoignoient en public leur recon noiffance & leur foi:

:

[Et que votre postérité demeure victorieufe de fes ennemis à la lettre, pofféde les portes de fes ennemis.] Dieu avoit promis dans les mêmes termes à Abraham ce qu'on fouhaite ici à l'époufe de fon fils: & il conduit de telle forte, felon la remarque de S. Chrifoftome,l'efprit & la langue Hom. 4. des frères de Rebecca, qu'il leur fait dire, fans fur la Gen qu'ils le fçachent, ce qui doit arriver à fa poftéFité. Car il est le maître des penfées & des fentiments des hommes, plus qu'ils ne le font euxmêmes;& il les porte fouvent à dire & à faire des chofes dont ils ne comprennent ni le bur ni l'étendue.

[ocr errors]

[Ifaac qui étoit forti fur le foir pour méditer dans la campagne : ou, pour prier. ] Le mot He- Genes ̧ 10; 3、 breu fignifie un genre de prière à voix basse une attention de l'efprit à des chofes qui l'occupent & le nourriffent, une méditation intérieure avec des réflexions. C'étoit là une des plus douces occupations d'Ifaac. Il fortoit à la campagne le foir,& il nourriffoit fa piété de mille faintes réflexions, qui étoient une continuelle priére. Il marchoit feul,à l'écart, fans témoins,' pour être plus libre dans fes pensées, & dans les paroles que fa ferveur tiroit quelquefois de fa bou che, fans qu'il pût les retenir. Il vivoit ainfi,fépa ré du commerce des hommes,& de leurs paffions, dans l'innocence & dans la paix. L'Ecriture qui parle peu de fes actions, les abbrége toutes par ce ful mot,il prioit,& fe retiroit pour prier.

CHAPITRE XVIII.

Mariage d'Abraham avec Cethura. Sa mort. Naiffance d'Efan & de Jacob. Efau vend fon droit d'aîneffe. Gen. 25.

DEPUIS la mort de Sara, Abra

ham épousa une autre femme appellée Cethura, dont il eut plufieurs enfants. Le plus connn eft Madian pére des Madianites. Ifaac fut fon unique héritier fes autres enfants n'eurentque des préfents; & de fon vivant i les éloigna de fon fils Ifaac, en les envoyant dans d'autres pays où ils s'établirent. Tout le temps de la vie d'Abraham fut de cent foixante-quinze ans. Ses forces étant venues à défaillir, ik mourut dans une heureufe vieilleffe après être parvenu à la plénitude de fes jours ; & il fut réuni à fon peuple. Ifaac & Ifmael l'enterrérent auprès de Sara dans la caverne du champ qu'il avoit Eccli. 4 acheté d'Ephron. Ce grand homme a été le pére de la multitude des nations; & il n'y a jamais eu perfonne dont la Sag. 10. 5. gloire ait égalé la fienne. La Sageffe qui le connut dans le temps que les nations avoient confpiré ensemble pour s'aban

An du mon

de 21830

10. &c.

« AnteriorContinuar »