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ainez car tous les hommes naiffent pécheurs avant que de renaître juftes. La guerre entre CHAP. Xh cux eft éternelle ; & l'on tentera toujours en vain de les réconcilier. Il n'y a point de milieu, & il ne peut y en avoir. La haine des deux côtez eft égale : les deux peuples ne peuvent fe fouffrir. Les juftes ont en abomination Prov.19. les méchants, les méchants ont en abomination ceux qui marchent dans le droit chemin. La victoire est toujours du côté des juftes, lors même qu'ils paroiffent opprimez & écrafez par les méchants. Ceux-ci peuvent bien comme les Iduméens, avoir quelques avantages paffagers fur les vrais Ifraélites: mais ces avantages ne vont point au-delà de la vie préfente. Les Réprouvez ne peuvent rien fur les Elûs après la mort. Ce moment rétablit tout dans l'ordre il délivre & fait triompher les uns, & précipite les autres dans une éternelle captivité. Les méchants feront la pâture de la mort ; & les juftes PS 4860 deviendront leurs maîtres, lorfque le point d jour paroîtra. Ils verront tout d'un coup paroî tre ces hommes fi méprifez ici, & fi souvent opprimez, brillants de lumiére, affis fur des thrônes, revétus du pouvoir du jufte Juge, les. citant à leur tribunal, & prononçant contre eux une Sentence terrible 2. à laquelle le ciel & la terre applaudiront, & que toutes les créatures mettront à exécution dans tous les fiécles.

[L'aîné fera affujetti au plus jeune. ] S. Paul fe fert de ces paroles, & de la préférence que Dieu fait de Jacob à Efali, pour nous faire admirer la profondeur impénétrable de fes jugements dans le difcernement des uns à qui il deftine la vie éternelle, & des autres qu'il en exclut. Cela ne fe voit pas feulement, dit-il, Ro. 9:10. dans Sara,mais auffi dans Rebecca, qui ent deux &

enfants tout à la fois d'Ifaac notre pére. Car CH.XVIII. avant qu'ils fuffent nez, & qu'ils euffent fair aucun bien, ni aucun mal; afin que le décret de Dieu demeurat felon son élection, non à caufe de leurs œuvres, mais par la volonté de celui qui appelle, il lui fut dit, L'aîné fera affujetti au Mal. 1.2. plus jeune, felon qu'il est écris, J'ai aimé Jacob, & j'ai hai Efau.

à ce

L'Apôtre venoit de montrer par l'exemple: d'Ifmael & d'Ifaac que ceux qui defcendent d'Abraham felon la chair, ne font pas tous enfants de Dieu, & qu'il n'y a que ceux qui font nez, comme Ifaac, en vertu de la promeffe, qui aient part bonheur. Mais comme fon deffein étoit auffi de prouver que le bonheur d'être du nombre des héritiers de la promeffe, vient d'un choix de Dieu tout gratuit, & fondé fur fa feule volonté, il lui falloit un autre exemple, où la gratuité de ce choix parût plus évidemment que dans Ifaac & Ifmael. On auroit pû trouver du côté d'Ifaac des raisons de préférence. Ifmael étoit fils d'une étrangère & efclave: Ifaac étoit né d'une mére libre, & premiére épouse d'Abraham. Mais l'exemple de Jacob & d'Efau ne laiffe voir aucune autre raifon du choix de Dieu, que fa volonté & fon bon plaifir. Les deux fréres font jumeaux, enfants de l'unique époufe d'Ifaac: ils font dans lé fein de leur mére, & n'ont encore fait ni bien ni mal. Cependant Dieu aime l'un, & hait l'autre ; & celui qu'il aime eft le cadet, & non pas l'aîné. L'amour de Dieu éternel & gratuit eft donc l'unique motif de la prédestination des faints. Qu'aimoit Dieu dans Jacob finon le don gratuit de fa miféricorde? Et que haïffoit-il dans Efau, finon le péché dans le-quel il étoit né? Il met dans l'un le bien qu'il

veut aimer: mais il trouve dans l'autre le mal qu'il y condamne.

par

[ il fut nommé Jacob. ] Ce nom fignifie supplantateur, dont l'artifice confifte à obtenir la rufe, ce qu'on ne peut avoir par la force, & à vaincre, en s'abbaiffant, celui dont on veut devenir le maître.

CH.XVII.

7

[ Efaï devint babile chasseur, & il étoit toujours dans les champs : mais Jacob, homme fimple, & paifible, demeuroit à la maison. ] Quelle oppofition de mœurs & d'inclinations dans ces deux jumeaux ! & quelle différence entre le jugement que Dieu & les hommes font de ces deux fortes d'occupations! Nemrod, Ifmael, Genef, to, 3 Efau, chaffeurs, puiffants, audacieux, habiles à la guerre, & redoutables à leurs voifins, font des héros aux yeux des hommes ; & Jacob n'est à leur égard qu'un particulier fans talent & fans mérite. Le fiécle eft digne de cette double erreur. Mais devant Dieu ces hommes extraor dinaires font des injuftes & des infenfez; & Jacob eft l'Elû & l'oint du Seigneur, la tige d'une fainte poftérité, & digne avec Abraham.. & Ifaac, qu'il a imitez dans l'amour de la vie fimple & paftorale, de faire connoître par fon nom le Dieu vivant & véritable: le Dieu, d'A- Exod. 3. braham, le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob, [Ifaac aimoit Efau, parce qu'il lui faifoit manger de fa chaffe Rebecca aimoit Jacob. ] Ce n'étoit pas le plaifir de manger de ce qu'Efaui prenoit à la chaffe, qui touchoit Ifaac; mais l'application qu'il remarquoit dans fon fils aîné à lui plaire en cela, & à lui rendre service. Peut-être même qu'Ifaac, plein de charité com me il étoit, & connoiffant l'efprit altier & fu- perbe d'Efau, lui donnoit, par une fage condefcendance, des marques plus fenfibles de tes

dreffe, afin de lui gagner le cœur, & de le CHXVIII. difpofer ainfi à écouter fes avis. Rebecca de forr côté, qui fçavoit les deffeins de Dieu fur Jacob, régloit fes fentiments fur ceux de la fou→ veraine & éternelle juftice, & ne pouvoit refufer à l'innocence des mœurs de fon fils les témoignages d'affection dont il étoit digne.

[Un jour que Jacob avoit apprêté un plat de Genef. to. 3. Lentilles, &c.] Ify avoit fans doute beaucoup de chofes à dire de la vie des deux fréres fi différents, & en particulier de la piété de Jacob.. Mais l'Ecriture fupprime des faits importants, qu'un hiftorien conduit par les feules lumiéres de la raifon cût écrits avec foin; & elle nous arrête fur une circonftance en apparence trèslégére, parce que l'Esprit de Dieu y avoir caaché un grand myftére, & une grande inftru&tion. Nous tâcherons de les y découvrir, aprèsavoir fait quelques réflexions fur la lettre de cette hiftoire.

de

Efai céde à Jacob fon droit d'aîneffe pour un peu de lentilles. Cette action paroît d'abord une folie, dont perfonne ne feroit capable, quand Efaii n'auroit renoncé qu'aux priviléges ordinaires des aînez, qui étoient une double part dans la fucceffion du pére, & une autorité prefque paternelle parmi leurs frères. Mais on eft tout autrement furpris du peu cas qu'il fait de fes droits, quand on fe fou vient qu'il y avoit dans la famille d'Abraham une bénédiction particuliére, qu'on croyoit appartenir à l'aîné des enfants d'Ifaac. Cette bénédiction regardoit principalement la naiffance du Meffie. Dieu avoit promis à Abraham que le Sauveur naîtroit de lui par les descen dants d'Ifaac; & l'on étoit perfuadé que ce könneur étoit réfervé à l'aîné de la famille.

Ainfi Efau, en vendant fon droit d'aînesse **enonçoit de délibéré au bonheur inefti- CHAP. XL propos mable de donner la naiffance à celui en qui toutes les nations, de la terre devaient être benies: il renonçoit aux promeffes, au Messie même, & à l'unique efpérance de l'Univers. C'est pour cela que S. Paul l'appelle un profane, Heb. 12. 15 d'avoir mis à prix, & à un fi vil prix une chofe auffi fainte que le privilége attaché à sa qualité d'aîné.

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De là naiffent deux difficultez, dont l'une tegarde Jacob, & l'autre Esaüi.

I. Si Efau eft coupable d'avoir vendu une chofe fainte, Jacob qui lui en a le premier fait la propofition, & qui a exigé de lui le ferment, peut-il être innocent?

35.

Ifa. 20.

Of. 20. 2.

Je réponds que dans les chofes vifiblement, Genef. to. 3 mystérieuses, comme celle-ci, & qui cachent fous des voiles de grandes véritez, il faut être moins attentif à ce qui paroît au dehors, & qui n'eft que la furface, qu'à ce qu'il a plû à Dieu de cacher fous ces apparences. Ainfi la audité d'Ifaïe, le choix qu'Ofée fit d'une proftituée; le commandement que fit un prophéte 3. Rois. 20. à l'un de fes confréres de le frapper avec violence, & plufieurs chofes de cette nature, qui bleffent certaines régles par l'extérieur trent dans l'ordre par le myftére qu'elles renferment. Nous devons donc alors nous appliquer uniquement à pénétrer le mystére que Dieu nous découvre, & profiter de l'instruction qu'il nous préfente fous ces images: mais il nous eft auffi peu permis de prendre ces actions pour des régles de conduite, que de condamner ceux qui les ont faites par un ordre ou une infpiration particuliére de Dieu.

II. Quelque affamé qu'on fuppofe Efai

ren

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