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qu'ils avoient bû, on la remettoit fur CH. XXI. l'ouverture du puits. Jacob s'adreffant aux bergers qui étoient là; Mes frères, leur dit-il, d'où êtes-vous ? Ils répondirent. Nous fommes de Haran. Il leur 'dit: Connoiffez-vous Laban, fils de Nachor? Oui, dirent-ils, nous le connoiffons. Se porte-t-il bien, reprit Jacob? Ils répondirent: Il fe porte bien; & fa fille Rachel va venir ici avec fon troupeau. Jacob leur dit : Il eft encore grand jour; & il n'eft pas temps de remener vos beftiaux dans l'étable. Faites-les boire, & enfuite vous les ménerez paître. Ils répondirent: Nous ne le pouvons, jufqu'à ce que tous les troupeaux foient affemblez: alors on ôtera la pierre de deffus le puits, & nous ferons boire nos brebis. Comme ils parloient encore, Rachel arriva avec les brebis de fon pére: car elle gardoit elle-même le troupeau. Jacob l'ayant vûe, s'approcha du puits, ôta la pierre qui en fermoit l'entrée, & fit boire les brebis de Laban fon oncle: puis ayant déclaré à Rachel qu'il étoit frère de fon pére, & fils de Rébecca, il la baisa en verfant des larmes. Rachel alla auffi

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tôt avertir fon pére. Laban apprenant que le fils de fa fœur étoit venu, accourut au devant de lui, l'embraffa &

V

le baifa, & le mena chez lui, où Ja

cob lui raconta ce qui lui étoit arrivé, CH. XXI. & le fujet de fon voyage. Après quoi Laban dit à Jacob: Certainement vous êtes ma chair & mon fang.

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

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[Jacob partit de la maison de fon pére. ] Le voyage de Jacob, & tout ce qui fe paffe depuis fon départ jufqu'à fon retour chez fon père, représente comme en racourci tout le mystére de Jesus-Christ. Je me contenterai, pour éviter la longueur, de remarquer les plus grands traits de cet admirable tableau. C'eft fourtout dans l'hiftoire de Jacob, qu'il eft nécessaire de faire ufage de cette belle régle de S Auguftin Non feulement les paroles, mais encore la vie, les mariages, les enfants, & les actions de ces Saints qui ont précédé la naissance de Jefuis Chrift ont été des prophéties de ce que nous voyons arriver dans ce temps-ci, où l'Eglife eft formée des Gentils par la foi en Fefus Chrift. Sans cet ennobliffement, & cette mystérieuse élévation, les actions & les circonftances que l'Ecriture nous apprend dans un fi grand détail n'auroient rien ni de grand, ni de férieux, ni d'utile pour le falut; & je ne voi pas comment on pourroit appliquer à ces fortes d'événements ce principe du même S. Auguftin, Que l'Ecriture ne commande que la charité, & qu'elle ne condamne que la cupidité ; puifqu'il s'y trouveroit plufieurs chofes qui ne tendroient point à cette fin, & qui fembleroient conduire à une fin toute contraire.

De catech. rud. n. 33

'CH. XXI.

2. Cor. 8. 9.

Régle. 7.

[Il partit.... feul, à pied, & un bâton & la main. ] Eliézer étoit parti pour le même voyage avec dix chameaux chargez de chofes précieufes, accompagné de plufieurs ferviteurs, quoiqu'il fût ferviteur lui-même. Jacob, fils & héritier d'un père très-riche, dont il étoit tendrement aimé, fort de fa maison, & entreprend un long voyage fans voiture, fans ferviteur, fans provifion. Qui eft-ce qui ne fent pas que rien de cela n'eft naturel; & que toutes ces circonftances étoient néceffaires pour figurer celui, qui étant le Fils unique du Pére, maître de tous fes biens, & infiniment riche par fon propre fonds, s'eft rendu pauvre pour nous, afin que nous devinffions riches par fa pauvreté.

[Ayant pris une pierre qu'il mit fous fatête, il s'endormit.] Dieu avoit donné à Abraham & à Ifaac la terre où dormoit Jacob. Lui-même venoit d'en être établi le Seigneur par ces paroles d'Ifaac, Que Dieu vous faffe poffeder la terre où vous demeurez comme étranger, & que Dieu a donnée à Abraham. Mais perfonne ne fçavoit qu'il en fût le maître. Il étoit au milieu de fon royaume comme un étranger, comme un inconnu, comme un ferviteur; & cet héritier des promeffes & du monde entier, n'a pas où repofer fa tête. C'est ainsi que Jefus-Chrift a été traité. Toutes les Nations lui étoient promises : l'Univers étoit fon ouvrage : le monde étoit fon empire. Cependant il y a vécu, non-feulement fans éclat & fans autorité, mais fans y trouver même de retraite. Il étoit dans le monde ; le monde a été fait par lui; & le monde ne l'a point connu. Il eft venu chez foi; & les fiens ne l'ont point reçu. Mat, 8. 20. Les renards ont des taniéres, & les oiseaux du

Joan. 1. 10.

II.

ciel ont des nids: mais le Fils de l'homme n'a

pas où repofer fa tête.

[Durant fon fommeil il vit une échelle &c. julqu'à ces mots, ce que je vous ai dit. L'extrême laffitude avoit arrêté Jacob au milieu d'une campagne. Son lit étoit la terre, & une pierre foû tenoit fa tête. Le voilà fugitif, délaissé, privé de tout de la part des hommes. Mais c'eft alors que Dieu paroît oublier le monde entier, pour ne s'occuper que de lui. Il lui parle, le raffure, le console, & lui déclare qu'il sera fon guide & fon protecteur. C'est ce qui arrive dans tous les temps aux ferviteurs de Dieu, qui font, comme Jacob, dans l'affliction & le délaiffement. La Providence de Dieu n'en eft que plus appliquée à eux. Elle établit pour eux une étroite communication entre le ciel & la terre. Elle veille fur eux pendant leur fommeil. Les Anges font commis à leur garde & à leur deffense: ils montent pour préfenter à Dieu leurs gémiffements & leurs priéres; & ils defcendent pour leur rapporter fes confolations & fon fecours.

CH. XXI

Mais Jacob repréfente ici quelque chofe de Régle. 7. plus augufte que les fimples juftes; & il est l'image du Julte par excellence, qui s'étant humilié jufqu'à notre chair, n'a point quitté le fein de fon pére; mais eft devenu le lien de Ja terre & du ciel, le réconciliateur de Dieu & des hommes, le médiateur qui est au dernier degré de l'échelle mystérieufe, parce qu'il eft auffi bas que nous ; & qui eft encore au premier degré, puifqu'il eft une même chofe avec fon Pére. C'eft fur la tête que montent & defcendent les Anges, comme Jefus Chrift le dit en s'appliquant la vérité de cette figure. En Joan, 17 54 vérisé, en vérité je vous le dis; vous verrez le ciel ouvert, & les Anges de Dieu monter & def

cendre fur le Fils de l'homme. Il eft dans fon CH. XXI. fommeil, c'est-a-dire dans fa mort, l'objet uniRégle 7. que de l'attention de Dieu, qui ne voit les hommes qu'en lui. Il eft dans fa pauvreté & fa nudité, la fource de toutes nos bénédictions & dans le temps où il paroît abbaissé au desfous des Anges, il en eft le maître, & ils font tous appliquez à le fervir comme fes miniftres.

Gen. to. 4.

2

J

[Que ce lieu eft redoutable &c! Tous les lieux font remplis de la majefté de Dieu. Les adorateurs du Pére l'adorent partout; & les juftes élévent leurs mains pures vers le ciel de tous les endroits de la terre. Mais Jacob nous apprend par fon exémple avec quel respect & quel tremblement nous devons approcher de ces faints lieux, où Dieu fe rend particuliérement préfent pour nous parler & nous écouter; d'où les priéres font plus fürement & plus promptement portées à fon thrône, où les graces fe répandent avec plus d'abondance; où le ciel enfin paroît ouvert. L'Eglife n'a rien vù de plus propre que les fentiments & les paro les de ce faint homme , pour imprimer dans le cœur de fes enfants la profonde vénération qui eft due aux temples qu'elle a confacrez aux exercices publics de la Religion. Mais au lieu que Jacob, dans un champ, fut pénétré d'une religieufe frayeur en la préfence de Dieu, comme dans le lieu du monde le plus faint & le plus redoutable; trop fouvent les chrétiens, par un aveuglement déplorable, font dans l'Eglife, & à la vue des plus faints mystéres, avec la même irrévérence, & les mêmes égarements d'efprit, que s'ils étoient dans un champ.

[Facob... prit la pierre qui lui avoit fervi de chevet il l'érigea en monument, verfant de buile deffus. ] Cette pierre étoit comme une

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