Imágenes de páginas
PDF
EPUB

C1XXIV.

Thumilité d'un ferviteur : tout fon bien eft à hi, s'il veut le prendre; & il borne tous fes dears à mériter fa protection & fa faveur. Tel est le défintéreffement des Saints. Ils ne pensent point à troubler le monde dans la recherche des biens terreftres. Ils ne font avares & ambitieux que pour le ciel. Ils déclarent qu'ils ne veulent point d'autres richeffes que la vertu, d'autres plaifirs que de parler à Dieu, & de l'écouter; d'autre grandeur que de lui être foumis; que toutes leurs vûes & leurs projets regardent une autre vie ; & qu'enfin ils font prêts a tout céder, & à tout perdre, pourvû qu'on leur laiffe la poffeffion de Dieu.

[Efau courut au-devant de lui, l'embrassa c.] Son cœur ne put tenir contre les fou miflions fi refpectueufes d'un frére. Les fentiments de la nature fe réveillérent; ou, pour parler d'une maniére plus digne de la religion, celui qui tient en fa main les cœurs de tous les hommes, & qui les incline où il lui plaît felon les deffeins de fa Providence, fit tout d'un coup paffer celui d'Efau de la colére à la douceur, & de la haine la plus furieuse à l'amitié la plus tendre. Quiconque met en Dieu fa force, ne peut être vaincu; & le jufte qui n'oppofe aux deffeins des méchants que la douceur, Je défint éreffement, l'humilité, aura toujours l'avantage; foit que Dieu change les fentiments de leur cœur à fon égard; foit qu'il leur ôte les moyens de lui nuire. Quand même il permettroit qu'il fût opprimé & écrasé, il lui fera remporter fur eux une victoire complette Far la charité & la patience.

{Marchons, & je vous accompagnerai. ] Tout ce qui eft dit ici d'Efau, joint à ce qui a été rapporté de Laban, cache un grand mystére,

que nous nous contenterons d'indiquer légèrement, laiffant aux lecteurs le foin d'en ap- CH.XXIV. profondir & d'en appliquer toutes les circon

tances.

Les deux plus redoutables ennemis de l'Eglife & de Jefus-Chrift ont été les Juifs rebelles à l'Evangile, & la puiffance féculiére armée pour foutenir l'idolatrie, & exterminer les chrétiens. Les deux ennemis de Jacob & de fa famille, font Laban & Efai. L'un eft l'image des Juifs premiérement perfécuteurs, & enfuite réconciliez par un traité, dont le témoignage élevé fur les montagnes ne peut être ignoré, mais qui regarde plus les fiécles futurs, que ni Laban, ni la famille préfente. L'autre, c'eft-àdire Efau, eft clairement l'image de la puiffance féculiére, premiéremenr irritée, & ne refpirant que le fang; devenue enfuite favorable, offrant fa protection & fa compagnie & mettant l'Eglife & fes pafteurs en fureté par l'afflurance de fes bonnes intentions, & par une mutuelle intelligence. Jacob qui représente les Pasteurs de l'Eglife, profite de la furcté & du repos que lui donne l'heureux changement d'Efaui mais il fe garde bien d'accepter fà compagnie. L'amour qu'il a pour fon troupeau le retient: il craint de tout perdre, s'il veut mesurer fa marche fur celle de cet homme puiffant, & de fa nombreuse fuite. Il apprend ainfi à tous les Pasteurs à ne mêler jamais le fafte & les maniéres impéricufes de la puiffance féculiére, avec l'autorité fpirituelle qu'ils ont reçûe.

[ocr errors]

[Si je les fatigue en les pouffant....tous mes troupeaux périront. ] Réponse digne d'un pasteur plein de tendreffe pour fes brebis, qui se rend attentif à leurs befoins; qui les ménage avec beaucoup de douceur & de patience, qui s'ac

Gen. to,

*.Thell.2, 7.

[ocr errors]

commode à leur foibleffe ; & qui croiroit les

CH.XXIV. expofer à périr, s'il les traitoit avec dureté. On croit entendre, en lifant cette admirable ré ponse, ce que difoit S. Paul aux Theffaloniciens: Nous nous fommes rendus petits parmi vous, comme une nourrice pleine de tendreffe pour ses enGen. to, 4 fants On le trompera toujours, en employant. d'autres moyens pour conduire les brebis de Jefus-Chrift, Elles font confiées à la charité, à la patience, à la douceur, à l'humilité. L'orgueil, la domination, un zéle amer & indifcret les feront périr,

[Que mon Seigneur marche, s'il lui plaît, devant fon ferviteur &c.] Voilà l'explication deMat. 10. 41. ce falutaire avis de Jefus-Chrift à fes Apôtres : Vous fçavez que ceux qu'on regarde comme les maitres des peuples, les traitent avec empire, & que leurs princes ont fur eux un pouvoir abfolu.· Il n'en eft pas de même parmi vous. Au contrai re, quiconque voudra devenir le plus grand, qu'il foit votre ferviteur; & quiconque voudra devenir le premier, qu'il foit l'esclave de tous. Il n'eft pas poffible d'ôter de l'Evangile cette di ftinction, Il n'en est pas de même parmi vous, Les Pasteurs cefferont de l'être, quand ils affeteront d'être Princes, Les deux autoritez ne fe mêleront jamais, fans que l'une faffe tort à l'au & celle qui eft plus conforme à la nature, étouffera prefque toujours les fentiments de celle qui n'eft fondée que fur la foi, la patience & T'humilité,

tre;

CHAPITRE X X V.

Enlèvement de Dina, & fes fuites. Idoles enterrées. Jacob va de Sichem à Béthel. Mort de Rachel & d'Ifaac. Gen. 34. 35.36.

PENDANT que Jacob habitoit près

de 2273

de Sichem, Dina fa fille fortit pour voir les femmes de ce pays-là. Sichem An du monfils d'Hemor l'ayant vûe, l'enleva. Après l'avoir déshonorée, il tâcha de la confoler, & de la gagner par fes ca reffes; & fon cœur demeurant fortement attaché à elle, il preffa fon pére de la lui faire époufer. Jacob apprit l'outrage qu'on avoit fait à fa fille : mais comme fes enfants étoient alors aux champs avec leurs troupeaux, il ne parla de rien jufqu'à ce qu'ils fuffent de retour. Dès qu'ils fçûrent la nouvelle, ils revinrent des champs irritez de l'action honteufe que Sichem avoit commife contre la maifon d'Ifrael, & réfolus d'en tirer vengeance.

Hemor avec Sichem fon fils étant venu trouver Jacob & fes enfants, leur dit: Sichem mon fils a conçû un grand amour pour votre fille. Donnezla lui, je vous prie, pour époufe: al

liez-vous avec nous donnez-nous vos CH. XXV. filles en mariage, & prenez les nôtres. Habitez avec nous: le pays eft à vous: cultivez la terre, trafiquez-y, & acquérez-y des fonds. Sichem de fon côté difoit au pére & aux frères de la fille: Que je trouve grace devant vous ; & je donnerai tout ce que vous voudrez. Augmentez le douaire; demandez des préfents: j'accepterai de bon cœur toutes les conditions que vous m'impoferez. Donnez-moi feulement la fille en mariage. Les enfants de Jacob diffimulant leur reffentiment dans le deffein de les tromper, répondirent: Nous ne pouvons donner notre four à un homme incirconcis: c'eft une chofe deffendue parmi nous. Mais fi vous voulez devenir semblables à nous, & faire circoncire tous les mâles qui font parmi vous; nous vous donnerons nos filles en mariage, & nous prendrons les vôtres nous habiterons ensemble, & nous ne ferons plus qu'un peuple. Si vous ne voulez point recevoir la Circoncifion, nous reprendrons notre fille, & nous nous retirerons. Hemor & Sichem acceptérent l'offre fort volontiers, & allérent de ce pas en faire la propofition au peuple de la ville. Tous y confentirent, & furent circoncis. Trois

« AnteriorContinuar »