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ABBREGE DE L'HISTOIRE

le miniftére des defcendants de ceux qui fuf CH. XXV. prêtent aujourd'hui leurs mains criminelles pour faccager une feule ville. Ils les feront périr par le fer, & profiteront de leurs depouilles. Mais alors les enfants d'Ifrael feront autorifez par des ordres de Dieu exprès & connus; au lieu qu'ici, quoiqu'ils exécutent ce qui eft arrêté dans le confeil de Dieu, ils font néanmoins très-coupables, parce qu'ils tirent l'épée de leur propre autorité, fans penser à autre chofe qu'à fatisfaire leur ressentiment & à venger leurs injures.

C'eft dans ce point de vue, qui eft celui de la foi, qu'il faut nous placer, pour voir utilement les événements les plus tragiques, & les injuftices les plus criantes. Tout eft jufte, & de la part de Dieu qui ordonne tout, & de la part des hommes fur qui fes ordres s'exécutent. Les miniftres de cette volonté peuvent être injuftes mais leur injuftice ne fçauroit empê eher que ce qu'ils font ne foit jufte à l'égard de ceux qui le fouffrent.

:

fon

[Ils tuérent tous les mâles, entre autres Hemor Sichem, & emmenérent leur fœur.] Qui auroit crû, en voyant Dina fortir de la maifon de Jacob pour aller à Siehem, , que imprudente curiofité dût avoir de fi déplorables fuites? Mais qui connoît le caractére des paffions humaines, n'eft étonné de rien. La moindre étincelle peut caufer un grand embrafement. La curiofité de cette fille ne paroît rien: mais elle donne occafion à une passion plus violente d'éclatter; & celle-ci en excite d'autres, qui ne peuvent être affouvies que par les plus horribles cruautez. Les paffions s'irritent & s'enflamment les unes les autres; & fi Dieu, felon les desseins de fa. Providence, n'en mode ojt lès

faillies, & n'y oppofoit des barriéres; il n'y a

point d'excès, fi énorme qu'il pût être, dont CH. XXV. on ne vît tous les jours des exemples.

[Vous m'avez jetié dans le trouble &c.] Jacob dans la réprimende qu'il fait à fes enfants, ne paroît occupé que des malheurs que leur action pouvoit attirer à fa famille, & il n'en touche point le fonds. Mais ce qu'il dit plufieurs années après à Simeon & à Eevr, étant au lit de la mort, fait bien voir quelle horreur il en avoit, puifque tant d'années n'avoient pû en affoiblir l'impreffion.

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[Ils fe ligueront contre moi. & je périrai avec toute ma famille. ] En parlant ainfi Jacob n'a aucun doute fur la certitude des promeffes: mais il reprend fes fils de ce que par heur conduite ils en empêchent, autant qu'il eft en eux, l'accompliffement, en l'exposant, lui & fa famille, à la haine & au reffentiment des peuples du pays.

[Otez du milieu de vous les dieux des étrangers.] Les idoles de Laban fubfiftoient peutêtre encore, quoiqu'elles ne fuffent point honorées. Mais ces termes, les dieux des étrangers, donnent lieu de penfer que Jacob entend les idoles de matiére précieufe, qui s'étoient trouvées parmi le butin de la ville de Sichem & qui auroient pû devenir dans la fuite un pié ge pour les foibles, & infecter fa famille d'ido latrie.

[Ils lui donnérent toutes les idoles &c.] Ja cob exigea qu'on les lui remît toutes. Aucune ne fut réfervée, fous quelque prétexte que ce fût. En cela il étoit l'image de Jefus-Chrift, & des premiers pafteurs de fon Eglife, qui la puriférent de toute idolatrie, n'excuférent aucune Gen, to fuperftition, déteftérent jufqu'au moindre ve

ftige d'un culte profane, & s'efforcérent d'e CH. XXV, abolir la mémoire, en ne réfervant rien qui pût faire fouvenir les Gentils de leur premier

Gen, to.

Genese to. 4.

état.

[Facob les enterra fous un chêne. ] Il ne vouJut ni fondre, ni convertir en aucun usage la matiére des Idoles : mais il les enfevelit, & les cacha fous la terre. C'étoit tout ce qu'il y avoit 4. à faire. Et plût à Dieu que l'Eglife eût été aflez heureuse pour pouvoir enterrer ainfi l'idolatrie, & faire perdre la mémoire des fauffes divinitez, & de tout ce qui avoit fervi au culte impie qu'on leur avoit rendu. La beauté des figures en fit réferver une partie ; & les villes ne confentirent qu'avec peine qu'on abolît ce qui paroiffoit faire leur ornement; jufqu'à ce que Dieu purifia lui-même l'Univers en envoyant des Barbares infenfibles à la beauté de l'art, qui briférent ce que de foibles chrétiens avoient épargné; en renverfant par des tremblements de terre l'Afie mineure & la Gréce, où les anciennes ftatues étoient trop eftimées ; & en foumettant les nations policées de l'Orient, gypte, l'Afrique, & toutes les provinces Grec ques de l'Europe, aux Mahométans ennemis de toutes les images.

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[Facob les enterra. ] Il eft difficile de ne pas s'étonner après cela, du foin qu'on prend de tirer de deffous les ruines qui ont enseveli l'idolatrie, quelques reftes de cette ancienne impiété, de l'admiration qu'on a pour des ftatues. que le Dieu vivant regarde avec indignation; & du prix qu'on donne à des chofes qui ont fait périr tant de nations, & féduit tant de peuples. Il est difficile de ne pas s'affliger de ce qu'on orne les palais & les jardins par des originaux ou des copies, par des ftatues ou des

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peintures, que notre religion détefte, & que la victoire de Jefus-Chrift avoit anéanties. Mais CH. XXV. il eft digne de l'idolatrie, & du démon qui en eft l'auteur, de contribuer à embellir des édifices où éclattent l'ambition, le fafte & le luxe, & de faire l'ornement des lieux deftinez aux délices, à la molleffe, à la profufion, à la volupté. On doit fe fouvenir de l'idolatrie, dès qu'on oublie Jesus-Christ. On mérite d'estimer ce qu'il condamne, dès qu'on le méprise : & l'on ne peut avouer plus clairement que la pompe, la magnificence, & la volupté font ennemies de fa croix, qu'en rétablissant en leur faveur ce qu'elle avoit renverfé.

[Ruben déshonora Bala &c.] Un fi grand crime, commis dans fa maifon par fon fils aîné, dût affliger infiniment un pére auffi faint que Jacob. L'Ecriture ne dit rien de la conduite qu'il tint alors envers Ruben : mais en mourant, il lui reprocha fon incefte, le maudit, & le deftitua de son droit d'aînesse.

Le Saint-Efprit, en faisant paffer la mémoire de ce crime à la postérité, a voulu nous apprendre que tous les foins & toute l'attention d'un pére vigilant & plein de vertu, ne fuffifent pas pour l'inspirer à fes enfants. Il a vouJu qu'on n'oubliât jamais que nul afyle n'est für en cette vie; & qu'on peut fe perdre, quoiqu'on ait devant les yeux de très-faints exemla moples. Enfin il a voulu nous avertir que deftic & les précautions font toujours néceffaires; que les perfonnes en apparence les plus éloignées du mal, peuvent y être conduites par Fimprudence; & que le refpect des perfonnes,, & la fainteté des devoirs, ne font pas toujours d'affez fortes barriéres pour arrêter les effets de: a corruption du cœur.

Gen, to

[Ifaac mourut dans la plénitude de fes jours,

CH, XXV. & fut réuni à fon peuple.] Ce font les mêmes expreffions dont l'Ecriture s'eft fervie à la mort d'Abraham. Elles ont été expliquées. Mais je croi devoir ajoûter que ces expressions appli quées par le Saint-Esprit à Ifaac, nous donnent un nouveau dégré de lumiére pour connoître ce qui fait devant Dieu la plénitude des jours de l'homme. Rien n'a été ni plus uniforme, ni plus obfcur que la longue vie de ce faint Patriarche. On n'y voit qu'une feule action mémorable, qui eft fon facrifice : encore demeura-t-elle alors dans le fecret. Dieu & Abraham furent les feuls témoins d'une obéiffance fi parfaite, & d'un détachement de la vie fi admirable dans un jeune homme. Du refte Ifaac demeura comme enfeveli dans la retraite, occupé des foins de la vie pastoralė, rant que fon âge & fes forces le lui permirent. Les infirmitez de la vieilleffe le tinrent pendant plus de quarante-trois ans renfermé dans fa tente, & hors d'état d'agir; & l'extinction de fa vûe le fépara entiérement de toutes les chofes vifibles. Qu'une telle vie eft trifte & ennuyeuse aux fens ! & que des jours paffez comme ceux d'Ifaac paroiffent vuides aux yeux de F'homme terreftre!

Mais Ifaac vécut de la foi, de la prière, de la foumiffion à la volonté de Dieu, de l'efpérance des biens futurs. Il partagea fon temps entre les devoirs de la Religion, & les foins domeftiques. Il ne chercha point à fe produire dehors, content de poffèder Dieu dans l'obité de la retraite ; & craignant le grand prefque toujours funefte à l'humilité. If fes longues infirmitez avec une paours égale, & dans une continuelle

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