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[Putiphar le fit prendre, enfermer dans

CHAP. La prifon &c.] Voilà la calomnie victorieufe, & XXVII. l'innocence tellement opprimée, qu'il ne lui refte aucune voie pour fe deffendre. Toutes les apparences font contre Jofeph, & il ne peur rien produire pour convaincre de faux, ou rendre au moins douteufe l'accufation qui le noircit. Il eft innocent: mais tout dépofe contre lui; & il paroît fi certainement coupable, qu'il y auroit eu, ce femble, de la témérité à vou Joir prendre fa deffenfe, & une fcrupuleufe délicateffe à n'ofer rien prononcer. Combien, après un tel exemple, devons-nous être réservez à condamner notre prochain, lors même que nous ne voyons pas de jour à le justifier! 2. Cor. 4. 5. Ne jugez point avant le temps, dit S. Paul, jusqu'à ce que le Seigneur vienne › qui produira dans la lumiére ce qui eft caché dans les téné bres, découvrira les plus fecrettes pensées des

cœurs alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui fera due..

[On lui mit les fers aux pieds, & on le charGenele to: 5. gea de chaînes. ] Il eft mis aux fers, & jetté dans un cachot comme un ingrat & un perfide ; comme ayant voulu déshonorer son maître, & outrager fa maîtreffe; comme un hypocrite démafqué; comme un homme qui cachoit un cœur très-corrompu fous une apparence affectée de vertu. Perfonne ne prend pi tié de lui, parce que tous le jugent digne d'un fupplice encore plus grand que celui qu'il fouffre. Sa confcience parle feule en fa faveur : au dehors tout l'humilie & le confond. Il eft le martyr de la vertu ; & il effuye toute la honte & l'ignominie que le feul vice mérite. Dieu le permet ainsi, pour confoler tous ceux qui goûteront une partie des amertumes dont il eft

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mais CHA P.

affafié; & qui apprendront de fon exemple à confentir, non feulement de fouffrir d'être déshonorez pour la vertu. Car la vie des XXVII. Juftes eft remplie d'occafions, où, pour continuer à être jufté, il faut confentir à ne le paroître plus, où la piété fincére ne peut être confervée que par la patience avec laquelle on fouffre l'accufation d'hypocrifie; où la vraie humilité périra, fi l'on refufe de paffer pour orgueilleux; où l'on ne défendra la vérité qu'en endurant la calomnie qui l'accufera d'érreur, & qui triomphera après l'en avoir accufée.

[Mais le Seigneur fut avec Jofeph. ] Tout paroiffoit l'avoir abandonné: mais Dieu étoit avec

lui. La Sageffe éternelle defcendit avec lui dans Sap. 10. 13 le cachot, & ne l'abandonna point dans les chaînes. Elle adouciffoit ces longues nuits paffées à Genef. to. § fouffrir & à veiller. Elle éclairoit ces ténébres

que

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la lumière du foleil ne pouvoit percer. Elle toit à la folitude & à la captivité ce poids terrible de l'ennui, qui renverfe les plus fermes & elle répandoit dans fon cœur la douceur inef fable de fes confolations. Ainfi Joseph ne pou vant juftifier fon innocence devant les hommes, fouffroit en paix & en filence un fi rude & fi injufte châtiment content d'avoir Dieu pour témoin de la pureté de fon cœur ; & attendant fans inquiétude le moment où il lui plairoit de délivrer fon innocence de l'oppref fion. Ne femble-t-il pas que le Saint Efprit ait eu particuliérement en vûe l'exemple de ce faint, dans les avis qu'il nous donne par la bouche du Sage? Mon fils, lorsque vous entrerez au fervice de Dieu, préparez votre ame à l'é- Eccli. 2. 1. preuve des afflictions. Hum liez votre cœur, prenez patience......N'ayez point d'empreffe

من

&

ment & d'impatience au temps de l'obscurité.

CHAP. Souffrez les retardements de Dieu :demeurez uni XXVII. à lui; & ne vous laffez point d'attendre: attachez-vous à la justice : persévérez dans la crainte & ne vous découragez point.... Acceptez de bon cœur tout ce qui vous arrive ; & confervez la patience au temps de votre humiliation. Car l'or & l'argent s'éprouvent par le feu ; & les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des fiens, s'éprouvent dans la fournaife de l'affliction.

[Il répandit fur lui les effets de fa bonté, & lui fit trouver grace devant le Gouverneur de la prifon.] C'eft une chofe admirable comment les afflictions & les confolations que Dieu envoie à Jofeph, font tempérées les unes par les autres. Il a adouci les rigueurs de son esclavage par la confiance que Putiphar avoit prifet en lui. Mais ce repos, & cette efpécè de bonheur dont il jouiffoit, l'auroit enfin amolli, s'il eut toujours duré. Dieu qui a fes deffeins fur lui, le met à de plus rudes épreuves. La paffion & les artifices d'une femme changent tout à coup la bienveillance de fon maître en une haine implacable, le couvrent d'infamie, & lè réduifent à une trifte captivité, d'où il ne voit aucune iffue, parce que fon ennemi eft fa partie & fon Juge. Dieu, par la bonne volonté qu'il infpire au Gouverneur, apporte quelque foulagement à fes maux : mais il ne lui en montre pas la fin ; & malgré la distinction avec laquelle il est traité, cette incertitude fi pénible à la nature, tient long-temps le prifonnier dans une hamiliation falutaire. C'eft un tableau de la conduite ordinaire de Dieu envers fes ferviteurs. Les afflictions leur font néceffaires. Un repos & une profpérité fuivie leur feroit funefte. Mais auffi de continuelles amertumes les

rebuteroient. La foiblesse humaine, pour per

févérer dans la patience, a befoin de refpirer CHA P. par quelques adouciflements. La bonté de Dieu X X VIL vient donc à leurs fecours; & fa fagefle met une telle proportion entre les afflictions & les confolations; qu'ils font humiliez fans être abbattus, & relevez fans perdre le fentiment de leur foibleffe. Vos confolations, Seigneur, ont Pf. 93. 12 rempli mon ame de joie, à proportion des douleurs qui ont accablé mon cœur.

CHAPITRE XXVII L

!

Deux Officiers de Pharaon, le grand Panetier & l'Echanson, en prison avec Jofeph Il interpréte leurs fonges. L'événément confirme fes prédictions. L'E chanfon eft rétabli, & oublie Jofeph.

Gen. 40.

PENDANT que Jofeph étoit en pri- An du monfon, deux des premiers Officiers de de 2287. la cour de Pharaon, le grand Echanson & le grand Panetier, ayant offensé leur feigneur & leur roi, y furent enfermez par fon ordre. Le Gouverneur les confia à Jofeph comme tous les autres prifonniers ; & il prenoit foin d'eux. Quelque temps après, ils eurent tous deux dans la même nuit un fonge, qui les jetta dans de grandes inquiétudes. Jofeph en les vifitant le matin, s'apperçut,

la

qu'ils étoient triftes, & leur en deman CHAP. da le fujer. Ils lui dirent qu'ils avoient XXVIII. eu un fonge, & qu'il n'y avoit perfonne pour le leur expliquer. N'eft-ce pas à Dieu, répondit Jofeph, qu'il appartient d'interpréter les fonges? Ditesmoi ce que vous avez vû. Alors l'Echanfon lui dit: Il me fembloit que je voyois un fep de vigne qui avoit trois branches, d'où fortoient des boutons, & enfuite des fleurs, & des raifins murs, & qu'après avoir preffé ces raifins dans couppe du Roi, je lui donnois à boire. Jofeph lui dit que ce fonge marquoit que dans trois jours il feroit rétabli dans l'exercice de fa charge. Et il ajoûta Souvenez- vous de moi, je vous prie, quand ce bonheur vous fera arrivé; & faites-moi la grace de fupplier le Roi qu'il me tire d'ici : car j'ai été enlevé par fraude & par violence du pays des Hébreux; & j'ai été renfermé dans cette prifon fans être coupable, Le grand Panetier voyant qu'il avoit expliqué le fonge de l'Echanfon, lui raconta le fien, & lui dit: Il me fembloit que je portois fur ma tête trois corbeilles, & que dans celle de deffus il y avoit de toute forte de pâtifferie, que les oifeaux venoient manger. Jofeph lui dit que ce songe

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