Imágenes de páginas
PDF
EPUB

d'y remettre leur argent, & de leur donner avec cela des vivres pour leur CHA A voyages. Ces ordres furent auflitôt exé- XXX. cutez, & ils partirent avec leurs ânes chargez de bled.

L'un d'eux ayant ouvert fon fac dans l'hôtellerie pour donner à manger à fa bête, trouva fon argent à l'entrée du fac. Il le dit à fes frères, qui en furent fort étonnez; & ils fe difoient l'un à l'autre Qu'est-ce que ceci que Dieu : nous a fait Mais leur étonnement fut bien plus grand, lorfqu'étant arrivez chez leur père, ils trouvérent tous à l'entrée de leurs facs l'argent qu'ils avoient donné. Ils racontérent à Jacob tout ce qui leur étoit arrivé, l'emprifonnement de Siméon, & l'ordre exprès qu'ils avoient reçû de mener Benjamin en Egypte. Alors Jacob leur dit : Vous m'avez réduit à être fans enfants. Jofeph n'eft plus; Siméon eft en prifon; & vous voulez encore m'enlever Benjamin. Ruben lui répondit: Confiez-le-moi : je vous le rendrai certainement. Si je ne vous le ramène, faites mourir mes deux enfants. Non, dit Jacob, mon fils n'ira point avec vous. Car s'il lui arrivoit quelque malheur comme à fon frére, vous accableriez

ma vieilleffe d'une douleur qui m'em

CH. XX. porteroit dans le tombeau.

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

Nous fuivons dans cette feconde partie de l'hiftoire de Jofeph, la même méthode que dans la premiére. La lettre de l'histoire nous fournira d'abord quelques fujets de réflexions fur chaque chapitre. Enfuite nous tâcherons d'en pénétrer l'efprit, & d'y découvrir la fuite du myftére de Jefus-Chrift."

[ocr errors]

[Ils parurent devant Jofeph, & l'adorérent. ] Adorer, dans le langage de l'Ecriture & de l'Eglife, fignific fimplement fe profterner, quand il fe rapporte aux créatures. C'étoit alors, & c'eft encore aujourd'hui l'ufage des Orientaux de fe profterner le vifage contre terre devant les personnes à qui l'on veut marquer un profond refpect & une humGenef. to. 3. ble foumiffion, ou demander quelque grace. Les frères de Jofeph l'adorérent de cette forte. Et voilà ce qu'ils avoient tant appréhendé, ne fçachant pas l'intérêt qu'ils avoient de le reconnoître pour maître. Plus ils fe font efforcez de s'en rendre indépendants, plus ils ont contribué à l'établir fur leurs têtes. Ils n'ont pû cn fupporter la vûe quand ils l'avoient dans leur famille; & ils vont le chercher en Egypte, pour fe profterner à fes pieds. Ils l'ont renoncé, & lui ont voulu ôter la vie, quand fon pére l'a envoyé vers eux; & ils font contraints de paroître devant lui, pleins de crainte & de tremblement. Nous l'avons déja dit plus d'une fois : mais ne nous laffons point de le dire, parce que c'eft une vérité dont retentiffent toutes

[ocr errors]

Ifa. 55.11.

les pagés de l'Ecriture. En vain l'homme s'oppofe aux deffeins de Dieu. Tout ce qu'il a ré- CHA P. folu, arrivera, parce que fa parole est toutepuiffante; & qu'aucune créature, ne peut ni en empêcher, ni en retarder l'effet. Ma parole qui fort de ma bouche, dit le Seigneur, ne retournera point à moi fans effer; mais elle fera tout ce que je veux; & elle produira l'effet pour le quel je l'ai envoyée.

[Jofeph repartit: Vous êtes des efpions. ] Le deffein de Jofeph, en accufant fes frères d'être des efpions, étoit de les obliger à lui dire des nouvelles de leur pére & de Benjamin, qui étoient abfents, & dont avec raison il étoit en peine.

.... "

a

[Nous fommes douze fréres, tous enfants d'un mêne homme le dernier de tous eft avec notre pére.] C'étoit ce que Jofeph defiroit d'apprendre. Mais comment fe fier à leur parole? Il eft vrai que leur difcours a un air d'ingénuité & de candeur, que l'artifice auroit peine à imiter. Mais après la maniére cruelle dont ils ont traité Jofeph, l'absence de Benjamin donne de juftes inquiétudes. Ils avoient mérité leur ancienne perfidie, de n'être crûs que fur des preuves manifeftes; & toute autre preuve que la venue de Benjamin même ne peut contenter Jofeph.

par

[ Envoyez l'un de vous pour l'amener. En at¬ tendant, vous demeurerez prifonniers .... Il les fit donc mettre en prison pendant trois jours.] Il leur propofoit de députer l'un d'entre eux. Et comme ils ne pûrent s'y réfoudre, il les fit tous mettre aux fers, comme il les en avoit menacez d'abord. Son deffein étoit de leur prouver que fes paroles n'étoient pas de fimples menaces, & que leur vie dépendoit de la venue de leur frére Benjamin.

Tiij

[ocr errors]

XXX.

[Et ils fe difaient l'un à l'autre : C'est avec CHA P. juftice que nous fouffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frére. ] Ce crime, long-temps oublié, eft tout d'un coup rappellé à leur mémoire, & d'une maniére fi vive, qu'il femble qu'ils ne viennent que de le commettre. Tous fe le reprochent: aucun ne s'excufe ; & tous conviennent qu'il eft jufte qu'ils en foient punis. Telle eft la force de la confcience dans des hommes d'ailleurs vicieux, mais qui n'ont point été jufqu'à en étouffer la lumiére, quoiqu'ils n'y aient pas toujours été fidelles; & qui ont refpecté la Loi qui condamnoit leurs

Genefe to. 3.

actions.

[ Nous le voyions accablé de douleur, lorsqu'il nous prioit d'avoir pitié de lui.] Nous apprenons ici des coupables une circonftance de leur crime, qui n'eft point dans le récit de l'Ecriture. On en a fait ufage dans l'applica tion de la premiére partie de l'histoire de Jofeph à Jefus-Chrift.

[C'est pour cela que ce malheur nous eft arriv.] Les hommes n'effaceront jamais de leur cœur le fentiment que Dieu y a imprimé de fa préfence & de fa juftice. Ils ne réuffiront jamais à fe perfuader que le crime n'eft rien, ou qu'il n'a pas été vû, ou qu'il demeurera impuni. Ils feront quelquefois raffurez par la patience & par le filence de leur Juge, ou par la multitude de leurs complices. Mais lorfque la vengeance commencera à éclatter, ils feront les premiers à avouer qu'ils l'ont mérité.

CHAPITRE XXXI.

Facob contraint par la famine, renvoie fes fils en Egypte, & Benjamin avec eux. Ils font bien reçus par Fofeph, & mangent avec lui. Gen. 43.

CEPENDANT la famine continuoit

d'affliger tout le pays. Jacob voyant que les vivres commençoient à manquer, dit à fes enfants: Retournez en Egypte, & achetez-nous un peu de bled. Juda lui dit: Celui qui commande en Egypte nous a déclaré expreffément fa réfolution, difant : Vous ne paroîtrez plus devant moi, fi votre frére n'eft avec vous. Si donc vous voulez l'envoyer avec nous, nous partirons, & nous irons vous acheter des vivres. Si vous ne l'envoyez pas, nous n'irons point. Car ce Seigneur nous a dit, Vous ne paroîtrez plus devant moi, que votre frére ne foit avec vous. De quoi vous êtes-vous avifez, reprit Jacob, de lui dire pour mon malheur que vous aviez encore un frère ? Ils répondirent: Il nous a fait plu fieurs queftions fur nous & fur notre famille: Votre pére vit-il encore?

« AnteriorContinuar »