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feul connoît. Il entend principalement le crime commis contre Jofeph. Cette pensée de Juda CHA P. & de fes frères dans la plus trifte conjoncture X X X I L où ils fe fuffent trouvez de leur vie, nous apprend avec quelles vûes nous devons regarder les accidents fâcheux qui nous arrivent, & en particulier les maux que l'injuftice des hommes nous fait fouffrir. Rappellons-nous alors ces paroles, Dieu s'eft fouvenu de nos péchez; & foyons perfuadez que les afflictions qu'il nous envoie, en font les juftes peines. Nous ne les oublions que trop fouvent: mais il s'en fouvieni ; & il nous frappe par miféricorde, pour nous en faire fouvenir nous-mêmes, & nous exciter à les pleurer. Et lorfque les hommes, ou fauffement prévenus, ou animez par l'ef prit de calomnie, nous imputent des crimes que nous n'avons pas commis; pensons aux péchez dont nous fommes réellement coupables aux yeux de Dieu, & que les hommes ne connoiffent pas. Ils font injuftes : mais nous ne fommes pas innocents. Si le témoignage de notre confcience nous raffure par rapport aux fauffes accufations du dehors; nous avons de quoi nous humilier & trembler devant Dicu par les reproches très-véritables qu'il nous fait au fond du cœur & dont nous ne pouvons nous délivrer autrement qu'en acceptant dans un efprit de foumiffion & de pénitence, ce que la malice des hommes nous fait fouffrir ordre fecret de fa juftice.

par un

[Car vous jugez fouverainement aussi bien que Pharaon: à la lettre felon l'Hébreu, Tel qu'eft Pharaon, tel vous êtes. ] Juda n'eft en peine que de le fléchir, parce que fon autorité eft

femblable à celle du Roi, que ni les graces, ni fa févérité ne font point examinées à un tribu

CHAP.

XXXII.

nal fupérieur. Image de la fouveraine autorité de celui qui dit: Le Pére ne juge perfonne : mais il a donné tout pouvoir de juger au Fils, afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père.

Joan. f. 11 Le difcours de Juda, d'où font prifes les paroles qu'on vient d'expliquer, eft jugé par les plus grands maîtres un modéle de l'éloquence Gen. to. 5. la plus perfuafive & la plus touchante : & l'hiftoire entiére de Jofeph leur paroît pleine d'un art inimitable. Ces hommes habiles & judicieux ont raison. Mais il feroit dangereux de n'eftimer l'Ecriture qu'à proportion de ce qu'elle nous paroît éloquente, & qu'on y trouve les plus parfaits modéles de la maniére de toucher les hommes, & de les terminer. On s'expoferoit par là au péril de refpecter moins des endrots où elle eft plus fimple, & en apparence plus négligée; quoique dans ces endroits-là méme elle foit aufli divine dans les autres, & qu'elle y cache fouvent de plus grandes profondeurs.

que

On s'expoferoit encore à un autre danger, en admirant trop les beautez de l'Ecriture par rapport à l'éloquence, qui feroit de négliger les chofes, & de n'être attentif qu'à la maniére dont elles font dites. Le deffein de Dieu, en nous parlant, n'est pas de plaire à notre imagination, ou de nous apprendre à remuer celle des autres mais de nous purifier, de nous convertir, & de nous rappeller à notre cœur. La vérité eft le fond des faintes Ecritures; & la charité en eft la fin. Quiconque en les lifant s'arrête à y chercher autre chofe que la vérité & la charité, n'y trouve qu'un vain amufement, qui le laiffe pauvre, aveugle, & miférable; lorfqu'il fe croit riche, éclairé, & heureux par l'étude & l'intelligence des beautez de ce livre divin.

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CHAPITRE XXXIII. Jofeph fe fait connoître à fes frères, les raffure & les confole. Il les renvoie avec des prefents, & les charge d'amener fon pére en Egypte. Surprise & joie de Facob à cette nouvelle. Gen. 45.

J

OSEPH ne pouvoit plus fe retenir; & comme il étoit environné de plufieurs perfonnes, il commanda qu'on fît fortir tout le monde. Alors les larmes lui tombant des yeux, il jetta un grand cri, & dit à fes fréres: Je fuis Joseph mon pére vit-il encore? Aucun d'eux ne lui répondoit, tant ils étoient faifis d'étonnement. 11 leur parla donc avec douceur, & leur dit; Approchez-vous de moi. Lorfqu'ils fe furent approchez, il dit: Je fuis Jofeph votre frére, que vous avez vendu pour être emmené en Egypte. Ne vous chagrinez point, & n'entrez point en indignation contre vous mêmes, de ce que vous m'avez traité ainfi ; car Dieu m'a envoyé avant vous dans ce paysci, pour vous conferver la vie. Ce n'eft donc pas vous qui m'avez envoyé ici; c'eft Dieu; & c'eft lui qui m'a rendu. comme le pére de Pharaon, le maître

XXXIII.

de toute fa maison, & le Seigneur de CHAP. toute l'Egypte. Retournez promptement vers mon pére, & dites-lui, Voici ce que dit votre fils Jofeph: Dieu m'a rendu le Seigneur de toute l'Egyp te: venez me trouver fans différer. Vous demeurerez dans le pays de Gelfen: vous ferez auprès de moi avec vos enfants, & les enfants de vos enfants, vos troupeaux, & tout ce que vous poffédez; & je vous nourrirai là: car il refte encore cinq années de famine. Vous voyez de vos yeux, ajoûta-t-il, & mon frère Benjamin voit auffi, que c'est moi-même qui vous parle. Annoncez à mon père toute la gloire que j'ai dans l'Egypte, & tout ce que vous avez vû; & hâtez-vous de 'amener. Après avoir parlé ainfi, il fe jetta au cou de Benjamin fon frère, & pleura. Benjamin pleura auffi en l'embraffant. Jofeph embraffa de même tous fes fréres, & pleura fur eux. Après quoi étant revenus de leur étonnement & de leur frayeur, ils commencérent à lui parler.

Auffitôt le bruit fe répandit dans tout le palais de Pharaon, que les frères de Jofeph étoient venus. Pharaon & toute fa Cour en eurent beaucoup de joie : & le Roi donna cet ordre à Jofeph: Dites

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à vos frères qu'ils retournent au pays

de Chanaan, & qu'ils amènent de là CHAPITRE leur pére & leurs familles ; & dites- XXXIII. leur Je vous donnerai tous les biens de l'Egypte; & vous ferez nourris de ce qu'il y a de meilleur dans ce pays. N'ayez pas de regret, fi vous ne pouvez emporter tous vos meubles, parce que tous les biens de l'Egypte feront à vous. Jofeph fit donc partir fes frères avec des vivres pour le voyage, & des voitures pour amener leur pére, leurs femmes & leurs enfants. Il leur fit préfent à chacun de deux robbes mais il en donna cinq à Benjamin avec trois cents piéces d'argent. Il en envoya autant à fon pére, avec dix ânes chargez de tout ce qu'il y avoit de meilleur dans l'Egypte, & dix âneffes, qui lui portoient du bled, du pain & des vivres pour le voyage. Il congédia ainfi fes frères, en leur difant : N'ayez point de difputes dans le chemin.

Lorfqu'ils furent arrivez dans le pays de Chanaan, ils dirent à Jacob: Votre fils Joseph eft vivant, & il a une grande autorité dans toute l'Egypte. A cette nouvelle Jacob demeura tort interdit, & il n'en vouloit rien croire : mais enfin ayant entendu le récit de ce Tome I.

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