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tretien du démon avec la femme, les divers

CHAP. II. dégrez d'affoibliffement, qui la font tomber enfin dans la défobéiffance; & inftruifons-nous

par

:

fa faute de la maniére dont nous devons réfifter aux attaques d'un fi dangereux ennemi. Le tentateur cherche d'abord à lier conversation avec elle, comptant que, s'il peut 'y engager, tout eft gagné pour lui. Pour y réuffir, il lui parle d'une maniére qui la met, ce femble, dans la néceffité de répondre. Il fait femblant de croire que Dieu leur a interdit l'ufage de tous les fruits du Paradis. A ce feul trait elle auroit dû fe deffier de celui qui lui parloit, & s'éloigner: mais une fauffeté fi évidente eft comme l'amorce où elle fe laiffe prendre. Elle croit être obligée de parler pour la défense de Dieu : elle répond qu'il n'y a qu'un fruit auquel Dieu leur ait deffendu de toucher & cette démarche fi innocente en apparence, eft le premier pas qui l'avance vers le précipice. Combien de conversations parmi nous, dont l'entrée paroît légitime & permife, & qui aboutiffent à des chûtes funeftes! Le Démon n'a parlé qu'une fois par l'organe du ferpent: mais il nous parle tous les jours par des hommes dont la langue répand un venin tout autrement fubtil que celui du ferpent & de l'afpic. Il profite des moindres ouvertures. ecli.28.18. Si nous ne faifons, felon le confeil du Sage,comme une baie d'épines à l'entrée de nos oreilles ; & fi nous ne mettons à notre bouche une porte des ferrures; il aura bientôt pénétré jufqu'à notre cœur. Le Fils de Dieu dans le temps de fa centation nous a donné bien un autre exemple que la premiére femme. Il ne s'entretint pas comme elle avec le tentateur: mais il le reponffa par les paroles de l'Ecriture, com

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me par autant de traits, avec cette exécration,
Retire-toi, Satan.

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CHAP. I.

[Dieu nous a dit, N'en mangez point, & Mat. 4. 10. ny touchez point, de peur que vous ne mouriez. ] Dieu ayoit dit Vous mourrez certainement. Eve dit qu'ils fe mettroient en danger de mourir, s'ils mangeoient de ce fruit. Elle convient du commandement; mais elle doute fi la défobéissance fera punie de mort; & la parole fi précise & fi affirmative de celui qui eft la vérité, lui paroît une fimple menace, dont l'effet eft à craindre, mais non pas abfolument certain. Quel affoibliffement de foi dans un inftant: Bientôt elle paffera du doute à l'incrédulité; & l'ennemi fçaura profiter de fes avantages.

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[Vous ne mourrez point, je vous en affure. ]

Dieu affure, dit un Pere de l'Eglife; la fem- Bern. ferm.
me doute; Satan nie. Dès qu'il la voit ébran- 22. de diy.
lée, & qu'il fe fent le plus fort, il la pouffe

où fon peu de foi la fait pencher; il lui nie har-
diment ce qu'elle avoit propofé avec quelque
doute: Vous ne mourrez point; & par une
fuite de fes premiéres démarches, & un jufte
jugement de Dieu, Eve entend fans hor-
reur le Démon accufer Dieu même de fauf-
Leté.

[Mais c'eft que Dieu fçait bien qu'auffitôt que vous en aurez mangé, vos yeux feront ouverts, & que vous ferez comme des dieux, (on comme Dieu) ayant la connoiffance du bien & du mal. ] Il n'eft pas étonnant, dit-il, que Dieu vous ait deffendu l'ufage de ce fruit. La vertu qui y eft attachée, vous rendroit trop parfaits: vos efprits feroient éclairez d'une lu miére qui approcheroit de celle de Dieu : vous connoîtriez ce qu'ily a de plus fecret ; & vous feriez en état de faire par vous-même le dif

cernement de ce qui eft bon ou mauvais, CHAP. II. de ce qui peut vous rendre heureux ou malheureux. Dieu le fçait bien; & comme il veut vous tenir dans une dépendance continuelle en vous obligeant de confulter fa dumiére á chaque pas; il vous fait craindre l'afage d'un fruit qui vous tireroit tout d'un coup d'un tel affujettiffement. C'eft ainfi que le tentateur, après avoir accufé Dieu de faufseté & de menfonge, ofe encore le taxer d'une baffe jaloufie; & Eve l'écoute & le croit. Ainfi féduite par les belles promeffes du ferpent, & flattée de l'efpérance de devenir plus éclairée & plus parfaite, elle regarde avec un fecret plaifir ce qu'il ne lui étoit pas permis.de toucher: la vûe enflamme le défir: la convoitise passe du dedans au-dehors: elle en prend & en mange; & la défobéiffance eft confommée. C'est ainfi que toutes les fautes font punies à Pinftant, les premiéres par les fuivantes; & celles qui paroiffent plus légères, par d'autres plus criminelles. Le premier écart & le dernier crime paroiffent fort éloignez mais par le premier écart le Démon la pouffe jufqu'au dernier crime. Dès qu'on lui céde la moindre chofe, il en devient plus fort, & l'homme plus foible. 3.Cor.11.3. Craignons que, comme le ferpent féduifit Eve par les artifices, nos efprits de même ne fe corrompent, & ne dégénérent de la fimplicité 1. Theff. 5. chrétienne, qui confifte à s'abstenir même de tout ce qui a l'apparence du mal, & à Ro, 16, 19. ne jamais raifonner fur la deffense de Dieu. Soyons fages pour le bien, & fimples pour le mal.

@2.

:

{ Elle en donna à son mari, qui en mangea.] Adam fe laiffa entraîner, plus par complaifance que par perfuafion, dans le crime de

fa femme. Car, comme le remarque S. Paul,

Ce n'eft point Adam qui a été féduit; mais c'eft CHAP. II. la femme. Il ne fut pas d'abord perfuadé com- 1.Tim.2. 14 . me elle, que le fruit de l'arbre pût les rendre femblables à Dieu dans le difcernement du bien & du mal; encore moins, que Dieu par ja loufie leur en eût interdit l'ufage mais il ne voulut point attrifter celle qu'il aimoir comme une partie de lui-même : & n'ayant pas encore éprouvé la févérité de la juftice de Dieu, il fe fatta peut-être qu'il ne feroit qu'une faute légére & pardonnable, s'il devenoit complice de celle qui lui avoit été donnée pour compagne. Il pécha donc contre fes propres lumiéres & par foibleffe ; au lieu que fa femme étoit tombée & par foibleffe & par erreur.

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Mais comment eft-il poffible, dira-t'on qu'Adam & Eve, dont l'efprit étoit fi éclairé & le cœur fi droit, fe foient portez jusqu'à vieler ouvertement & de propos délibéré le com'mandement de Dieu, Eve par une erreur groffiére, & Adam par une foible & lâche complaifance? Dans l'état présent, où les ténébres ont pris dans l'homme la place de la lumiére, & où la volonté eft continuellement follicitée au mal, on conçoit que l'homme péche, ou trompé par de fauffes lueurs, ou entraîné fon mauvais penchant. Mais qui peut comprendre qu'Adam & Eve remplis de la connoiffance & de l'amour de Dieu, n'ayant au-dedans d'eux-mêmes aucun attrait pour le mal, & fe fentant au contraire portez à Dicu par tout ce qui étoit en cux fe foient laiffé perfuader par les raifons les plus frivoles de fe rendre coupables d'une telle désobéiffance?

par

Je réponds que l'affoibliffement & l'obscur

Tome I.

C

[Dieu appella Adam, & lui dit i Où êtes CHAP. II. vous ? &c.] Dieu qui a fur lui des deffeins de miféricorde, le prévient, & lui parle avec douceur. Mais étrange aveuglement du pécheur! Adam n'avoue fon crime que lorfque Dieu le lui remet devant les yeux. Forcé de le reconnoître, au lieu de s'humilier devant fon juge, il y cherche des excufes; vaines excuses, qui ne couvrent pas le crime, mais qui découvrent l'orgueil & l'impénitence du criminel. I rejette fa défobéiffance fur fa femme: il fembie même qu'il veuille s'en prendre à Dieu : c'eft, dit-il, la femme que vous m'avez donnée. Eve de fon côté n'eft pas plus humble, & s'excuse far ce que le ferpent l'a trompée. Que j'apprenne, ô mon Dieu, par ces funeftes exemples qui ne font que trop fuivis par les enfants d'Adam, à n'accufer jamais que moi, & non mes frères; à n'imputer mes iniquitez qu'à ma dépravation, & non à votre Providence, qui permet que je fois tenté. Quelque forte, quelque féduifante que foit la tentation qui me follicite au mal; c'eft toujours par le libre mouvement de ma volonté que je m'y laifle aller. Ainfi je fuis le feul coupable: à vous Seigneur, eft la justice; & à moi la honte & Pf. 149. 3. La confufion. Mettez donc, Seigneur, une garde à ma bouche; ne permettez pas que mon· cœur fe porte à rien dire d'injufte, pour chercher des excufes dans le péché,

Dan. 9. 7.

.....

[Dieu dit au ferpent, Comme le ferpent n'avoit été que l'inftrumcnt de la malice du Démon; c'est moins fur cet animal, que fur le Démon même , que tombe la malédiction de Dieu. C'étoit le Démon qui devoit porter tout le poids de la condamnation. Dieu s'ag dreffe à lui, non pour l'interroger, & lui des

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