Imágenes de páginas
PDF
EPUB

lés prefents du jufte Abel, &c. Que peut figniCHAP. III. fier cette priére, fi elle ne fuppofe pas tout ce que j'ai dit? Car on comprend tout d'un coup que le deffein de l'Eglife n'eft pas de comparer les victimes d'Abel avec celle qui eft fur l'autél (fa priére feroit injurieufe à Dieu & à Je-fus-Chrift) mais de fupplier le Pére de recevoir le culte qu'elle lui rend par l'oblation de fon Fils, comme il a reçû celui que lui rendoit le jufte Abel, en lui immolant des victimes. Or d'où vient que le culte rendu par Abel, étoit fi agréable à Dieu ? Etoit-ce précisément parce que fon facrifice étoit la figure de celui du Meffie? Mais cela étoit commun à tous les anciens facrifices. Ce ne pouvoit être que parce qu'Abel éclairé par la foi, voyant dans fes facrifices une image de celui de Jefus-Chrift, s'y unifloit intérieurement, & l'offroit à Dieu avec le même efprit de religion, d'amour & de confiance , que s'il l'eût vû de fes propres yeux répandant fon fang & expirant fur la croix. C'eft là ce qui faifoit le prix de fon offrande; & ce font ces excellentes & fublimes difpofitions, dont la foi eft le principe, que Eglife envifage dans les facrifices d'Abel, lorfqu'elle demande à Dieu que fon offrande foit reçue comme celle de ce premier des juftes.

[Si vous faites bien, n'en ferez-vous pas récompenfé Et fi vous faites mal, ne porterezvous pas la peine de vôtre péché?] A la lettre, le péché ne fera-t-il pas auffitôt à vôtre porte? Selon l'Hébreu, n'est-il pas couché à vôtre porte ? Ce qui fignific, ou la peine du péché, qui attend le coupable, & à laquelle il ne pourra échapper; ou le péché même, qui après avoir fédui: l'homme par fa trompeufe douceur; déviant fon bourreau par les remors qu'il lui

4

[ocr errors]

caufe. Dieu reprend ici Caïn avec

une bonté

[ocr errors]

admirable, pour le ramener à fon devoir. A CHAP. III, quoi bon, lui dit-il, cette envie qui vous déchire, & ce chagrin qui vous confume? Ce n'eft pas là ce qui me fera changer de conduite à vôtre égard. Les régles de ma juftice fofitinvariables: vous ne pouvez efpérer de récompenfe, que lorfque vous ferez le bien ; & vous n'avez que des châtimens à attendre, tant que yous ferez le mal. Si vous voulez que j'accepte vos offrandes, comme celles de vôtre frére faites les avec la même foi, & avec la même droiture que lui; & commencez par étouffer cette envie criminelle qui ne peut fouffrir la préférence que je donne à celui qui eft meilleur

que vous.

[Mais le penchant qui vous y follicite, vous fera foumis, vous vous en rendrez maître. ] Il eft vrai que vous avez dans vous-même un penchant vicieux qui vous follicite au péché :mais loin de vous y laiffer emporter, vous de-véz le foumettre, & vous en rendre maître. II ne dépend pas de vous de n'en pas fentir les mouvements & les attraits: mais il eft au pou-voir de vôtre volonté de leur refufer fon confentement, & de les réprimer. Ces paroles de Dieu font voir que le pécheur, quelque endurci & abandonné qu'il foit, ne perd point fon libre arbitre. Dans le temps même qu'il est en--traîné au mal par les plus violentes paffions, il ne péche que parce qu'il le veut : il a dans le fond de fa volonté le pouvoir de s'en abftenir; & il s'en abftiendroit s'il le vouloit. C'eft ce qui le rend inexcufable devant Dieu.

[Voilà le cri du fang de vôtre frére, qui s'éleve de la terre jufqu'à moi. ] Dieu veut par là faire entendre à Caïn que les précautions

qu'il avoit prifes pour rendre fon crime fecret, CHAP. II. n'avoient fervi qu'à le rendre plus préfent à la juftice divine; que la terre, en cachant le fang d'Abel, avoit comme forcé ce fang innocent à élever fa voix jufqu'au trône du fouverain Juge; & que plus les veftiges en étoient effacez plus fes cris devenoient perçants, & furmontoient tous les obftacles qui paroiffoient les étouffer. Quand l'innocence eft ainfi oppri mée en fécret, Dieu qui fe déclare partout le protecteur & le vengeur de ceux qui n'en ont point, cft forcé d'en prendre connoiffance, & d'en tirer vengeance par lui-même.

Conf. L. 1.

12.

[ocr errors]

[Vous ferez fugitif & vagabond fur la terre] parce que les remors de vôtre confcience ne vous laifferont aucun repos : vous ne vous croirez nulle part en fûreté. Car c'est un Arrêt de la justice divine, dit S. Auguftin, que toute ame déréglée trouve son fupplice dans son déréglement même.

[Mon crime eft trop grand pour pouvoir tire pardonné. Voilà que vous me chaffez d'ici; &je m'en vais me cacher de devant vous : c'efl-à-dire être privé de vôtre protection; être à vôtre égard comme un inconnu, en vivant dans des pays où vous ne vous communiquerez plus à moi. Quiconque donc me ren contrera, me tuera.] Cain fe perfuadant qu'il eft rejerté de Dieu fans efpérance de retour, ne penfe point à implorer fa miféricorde. Il femble même qu'il confent à fa réprobation, & qu'il n'eft occupé que du defir de vivre, & de la crainte de mourir, comptant pour peu les biens & les maux d'une autre vie: & c'eft là l'effet d'un défefpo'r confommé, le plus grand de tous les crimes, parce qu'il eft le plus inju rieux à la bonté & à lapuiffance de Dieu, à la

= ge;

Vérité de fes promeffes, & à l'efficace de la ré- CHAP. III, demption de fon Fils. Cependant, ce crime qui nous faithorreur, ne paroît rien dans fon origine; & Cain y eft conduit par des dégrez & des accroiffemens prefque infenfibles. Ce qui neft d'abord qu'un mouvement d'envie contre fon frère, devient un noir chagrin qui le ron& de-là une haine immortelle, que les avertiffements de Dieu même ne peuvent guérir. Cette haine le pouffe jufqu'à tremper fes mains dans le fang de fon frére; & il s'aveugle juf= qu'à fe perfuader qu'il peut dérober à Dieu la connoiffance de fon parricide. Il lui répond avec infolence: & lorfque Dieu lui fait voirl'énormité de fon crime par la malédiction dont il le frappe; Caïn tombe dans le défefpoir, & de-là dans une infenfibilité étonnante, qui lui fait oublier fon malheur éternel, qu'il croit fansreffource, pour ne penfer qu'à la peine tem porelle qu'il doit fubir. Il n'eft effrayé que des incommoditez d'une vie errante, & du danger d'être traité comme il a traité fon frére. O mon Dieu que la moindre passion est à craindre ! A quelles extrémitez ne peut-elle pas me conduire, fi je lui livre mon cœur ? Je porte en moi même le principe de tous les crimes par la concupifcence qui vit en moi. Vous me commandez, Seigneur, d'en réprimer les faillies, & de m'en rendre maître ; & vous me. montrez par l'exemple terrible de vôtre jufticefur le fecond des hommes, quels ravages une feule paffion fait dans un cœur, fi elle est écoutée & fuivie. Donnez-moi ce que vous me commandez: fecourez ma volonté foible & malade contre un ennemi domestique, qui me li vre à tout moment de dangereufes attaques, Je puis, fi je le veux, réfifter & vaincre. Fai

[ocr errors]

ין

tes,

mon Dieu, que je le veuille: faites-moi HAP. III. vaincre non pas une paffion par une autre, mais toutes les paffions par vôtre amour par la crainte de vous offenfer:

[ocr errors]

&

[Quiconque donc me rencontrera, me tuera.] | Ces paroles embarraffent bien des gens, qui ne comprennent pas comment Cain pouvoit craf dre d'être tué; parce qu'ils s'imaginent fauffement qu'il n'y avoit alors dans le monde qu'A dam & Eve. Mais Abel ayant été tuể l'an du monde 128. ou 129. Adam & Eve ont pû avoir jufqu'au temps de fa mort grand nombre d'enfants, & de petits enfants. Il n'eft pas éronnant que l'Ecriture n'en dife rien, fon but n'étant proprement que de faire connoître les chefs de la tige des Patriarches & de Jefus Chrift. Si elle marqué les defcendants de Caïn, ce n'eft qu'en paffant, & pour nous faire obferver le caractére des deux peuples dont nous parlerons dans un moment. Mais enfin il eft certain qu'outre les enfans qu'elle nomme, Adam en a eu un très-grand nombre d'autres, qui pendant fa longue vie ont formé des peuples nombreux.

[Non, cela ne fera pas mais quiconqué tuëra Cain, fera puni fept fois ] c'eft-à-dire trèsfévérement. Le meurtrier de Caïn auroit été plus coupable que lui, pour n'avoir pas profité de fou châtiment, & pour avoir violé la deffense expreffe de Dieu.

[Le Seigneur mit un figne fur Caïn, afin que ceux qui le rencontreroient, ne lui ôtaffemt point la vie.] Ce figne étoit vraisemblablement quelque chofe qui marquoit l'attention de Dieu fur lui lui conferver la vie & qui arrêpour toit la main de tous ceux à qui l'horreur de fon crime aurait fait naître. la penfée de le

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »