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tuer. Ainfi, dans le temps même que la juftice de Dieu eft appliquée à punir Caïn, fa Provi- CHAP. III. dence ne l'eft pas moins à le conferver. Son état annonce à tout l'Univers le parricide dont il eft coupable, & n'infpire que de l'horreur ́ pour fa perfonne cependant il vit par une efpéce de miracle au milieu de la haine publique, & la même main qui le frape, arrête tous les coups que les hommes voudroient lui porter.

Òn reconnoît fans peine dans les deux fréres- Abel & Caïn, l'image de Jefus-Chrift, & celle des Juifs qui l'ont crucifié. Il étoit convenable que la prédiction du facrifice & de la mort du Meffie, renfermée dans la promeffe faite à Adam, fût fuivie de fa repréfentation.

Abel & fes facrifices étoient agréables à Dieu : Caïn & fes préfents étoient rejettez. Rien ne peut plaire à Dieu que le facrifice de fon Fils, & ce qui lui eft uni par la foi. Les Juifs char nels offroient des milliers de victimes, & ils étoient en horreur à Dieu, cux & leurs facrifices; parce qu'ils prétendoient l'honorer & fe reconcilier avec lui par ce culte extérieur, fans penfer au befoin qu'ils avoient du Médiateur.

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Abel le Jufte, comme Jesus-Chrift & l'Eglise l'appellent, eft haï par fon frére a caufe du témoignage que Dieu rend à fa piété : il eft emmené hors de fon pavillon, & mis à mort. Jefus-Chrift la fainteté même, l'auteur & le principe de toute juftice, que Dieu le Pére à reconnu pour fon Fils bien-aimé, est haï & perfécuté par les Juifs fes frères felon la chair: ils ne peuvent fupporter la pureté dé fa vie & de fa doctrine: ils pourfuivent fa mort avec une fureur qui étonne le Magiftrat Romain convaincu de fon innocence ; & enfin l'emméncat

CHAP. III.

hors de Jérufalem, & le crucifient.

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Le fang d'Abel répandu fur la terre, cria vers Dieu, qui l'écoute & le venge. Caïn qui l'a verfé eft maudit,& condamné à errer miférablement fur la terre. Le fang de Jefus Christ, quoique destiné à être la rédemption & la réconciliation de tous les hommes, demande néanmoins vengeance contre ceux qui ont défiré qu'elle tombât fur eux & fur leur poftérité, en prononçant ces terribles paroles, Que fon fang retombe fur nous & fur nos enfants. Ils ont donc été traitez, eux & leurs enfants comme ils l'ont demandé. Ils ont été difperfez, dans toute la térre, & ils le font encore. Ils n'ont aucun lieu fixe qui foit à eux. Ils vivent au milieu de leurs ennemis, toujours tremblants, & ayant toujours raison de trembler; & la haine univerfelle jointe au mépris univerfel, les fuit partout. Ainfi s'acomplit cette parole que Jesus-Chrift dit aux Juifs pen de jours avant la mort Achevez donc de comMar. 23. 32. bler la mesure de vos peres,..... afin que tous ce qu'il y a eu de fang innocent répandu fur la terre, retombe fur vous, depuis le sang du jufte Abel jufqu'au fang de Zacharie. Et comme Dieu mit fur Cain un figne, qui lui fervoit de protection invifible fans le rendre pour cela moins odieux; de même les Juifs, depuis qu'ils ont été chaffez de leur pays à caufe du meurtre du véritable Abel, fubfiftent par un effet fingulier de la Providence, au milieu de toutes les nations, malgré la haine & le mépris où ils font, & les efforts qu'on a faits di verfes fois pour les détruire; annonçant ainfi aux Gentils appellez à leur place, la grandeur de la colére de Dieu, & la profondeur de føs jugements.

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Lamech épousa deux femmes.] L'Ecriture le remarque, afin que nous faffions attention CHAP. III. que c'eft dans la race de Cain, & par l'incontinence d'un de fes defcendants, qu'a commencé un ufage contraire à l'inftitution & à la Loi primitive du mariage, Ils feront deux dans une feule chair. Il eft vrai que pour des raifons qu'on verra dans la fuite, Dieu a dispensé de cette Loi les Patriarches Abraham & Jacob. I eft vrai encore que la pluralité des femmes s'é→ tant introduite chez les Ifraelites-leurs defcendants; Moïfe, que l'efprit de Dieu éclairoit, ne la deffendit par aucune Loi, & qu'il fembla même l'autorifer, auffi bien que le divorce, à cause de la dureté de leurs cœurs. Mais Mat, Jefus-Chrift établiffant la Loi nouvelle, a condamné cet ufage; & il a rétabli la fainteté du mariage, telle qu'elle étoit dans fon origine, par l'union indiffoluble de l'homme avec une feule femme.

Ce fut du temps d'Enos qu'on commença à donner le nom d'enfants de Dieu à la famille de Seth. Selon la Vulgate, Celui-là commença d'invoquer le nom du Seigneur. ] Ce qui peut fignifier, non pas qu'Enos fut le premier qui rendit à Dieu un culte public, puifqu'avant lui nous avons vû Cain & Abel offrir des facrifi ces ; mais qu'il établit dans le culte public qu'on rendoit à Dieu, certaines cérémonies, qu'il jugea propres à infpirer aux hommes un grand refpect pour la Religion. L'Hébreu porte, On commença pour lors à être appellé du nom du Seigneur : & c'est le fens que nous avons fuivi. Le monde fut alors ouvertement divifé en deux grandes familles, ou en deux Citez, comme parle S. Auguftin, dont l'une étoit composée des enfants de Dieu, & l'autre des enfants des hom

mes. Dieu régnoit dans l'une, & le Démos CHAP. III. dans l'autre. Dans l'une on attribuoit tout à Dicu, on en efpéroit tout ;-on lui rendoit graces de tout, on regardoit comme le principal & l'unique devoir, de lui obéir & de lui plaire: c'étoit la famille, fa maifon, fon EgliTe. Mais dans l'autre, les hommes n'étoient occupez que de leurs paffions, de leurs intérêts, de leurs plaifirs ils n'eftimoient que les qualitez extérieures; ils ne défiroient que les biens temporels. En un mot, l'une avoit pour Loi la Charité, ou l'amour de Dieu; & l'autre la cupidi té, ou l'amour déréglé de foi-même, ou des créatures. L'une vivant de la foi, & appliquée aux chofes de Dieu, travailloit à s'avancer dans la piété, & à acquérir les biens éternels: & l'autre vivant dans l'oubli de Dieu, & ne penfant qu'aux chofes préfentes, bârifsoit des villes, inventoit les arts, & cherchoit tout ce qui pou -voit rendre la vie douce & aifée.

Ce partage du genre humain entre les en

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fants de Dieu & les enfants des hommes, eft de tous les temps. Tous les hommes appartiennent à l'une de ces deux fociétez & le nombre des enfants des hommes fera toujours comme il étoit au temps dont nous parlons, fans comparaifon plus grand que celui des enfants de Dieu. Et cela ne doit pas nous furprendre. Pour vivre de la vie des fens, qui eft celle des enfants des hommes, il ne faut que fe laiffer aller au penchant qui eft naturel à tous : mais pour vivre de la foi, comme les enfants, de Dieu, il eft néceffaire de fe roidir contre ce penchant, & de se faire à soi - même une continuelle violence; de quoi très-peu font capables.

IHenoch marcha en la présence de Dieu, ou

avec Dieu; & lui fut agréable par fa foi. ] Ce peu de paroles renferme un éloge accompli. CHAP. III. Henoch croyoit à la parole de Dieu; & il vivoit felon ce qu'il croyoit, marchant tous les jours de fa vie en la préfence & fous les yeux du Seigneur, comme s'il eût vû l'Invisible. Il viyoit au milieu des fcandales, & dans un temps où la licence des méchans alloit juf qu'au blafphême & à l'impieté, comme le font voir fes propres paroles rapportées dans le tex te: & néanmoins rien ne fut capable d'ébran ler fa fidelité. Il ne voyoit point d'autre.objet que Dieu, ne penfoit point à plaire à d'autre qu'à lui, ne cherchoit point d'autre témoin que lui, & n'attendoit que de lui fa confolation fa force, & fa récompenfe. Toute la fuite de fa vie exprimoit admirablement le fens de ces belles paroles de David: Quy a-t-il pour moi dans &c. le ciel,& que defiré-je fur la terre, finon vous,

Dieu qui êtes le Dieu de mon cœur, & mon partage dans l'éternité? Car ceux qui s'éloignent de vous périront: vous perdrez tous ceux qui vous abandonnent pour se proftituer aux créatures. Mais pour moi, mon bien eft de m'attacher à Dieu, & de mettre mon espérance dans le Seigneur mon Dieu.

=[ Ayant été transferé dans le Paradis, d'où il doit revenir un jour; pour faire entrer les nations dans la pénitence. ] C'est tout ce qu'il a plû au faint-Elprit de nous révéler fur ce fujet. S. Auguftin & la plufpart des faints Péres croient qu'Enoch a été transféré dans le Paradis terreftre, où Dieu le conferve d'une maniére miraculeufe, vivant dans un corps qui n'eft fujet à aucune des fuites de la mortalité, & le réferve pour l'oppofer à la fureur de l'An techrift, afin qu'il prêche la pénitence aux ma

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