Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

ptables qu'aux Dieux ; les Consuls au contraire étoient les éxécuteurs des loix,

& c'étoit

par

leur ministere que la République éxerçoit son autorité. Ils avoient droit de convoquer les allemblées du peuple & du Sénat , mais ils ne pouvoient rien conclure sans les Arrêts de l'un ou de l'autre, Ainsi il leur étoit comme imposible de causer du mal par leur fauțe. Rome qui avoit tant fouffert de la tirannie de Tarquin, n'ignoroit pas que la durée du .commandement fait souvent dégénerer une autorité légitime en violence , qu'un Prince revêtu d'un pouvoir qu'il ne doit perdre qu'avec la vie, qui ne reconnoît point au-dessus de lui de puiffance qui puiffe le retenir , qui ne trouve personne qui ose le reprendre , qui ne voit autour de foi qu'un tas de flateurs , qui se font comme un mérite de lui communiquer les passions ; qui non contens de le louer dans ses défauts , se font une gloire de l'imiter ; qui sont toujours en garde contre la vérité, pour empêcher qu'elle n'arrive jusqu'à lui ; qui lui font oublier ses devoirs , ou qui l'empêchent de les connoître : Rome, dis-je n'ignoroit pas qu'un Prince dans ce dégré d'élévation & d'indépendance oublie bientôt qu'il doit être le pere de son peuple , qu'il digere bien des scrupules , qu'il étouffe les ménagemens & les égards, & que lâchant la bride à les palfions , les sujets ont tout à craindre de ses caprices & de les déréglemens : c'est ce qui l'engagea à fixer le gouvernement de ses nouveaux. Magistrats. A la vûë de leur premier état où ils devoient revenir au bout d'un an , & persuadés qu'après ce terme expiré chaque particulier avoir droit de les citer devant fe suprême Tribunal du peuple , pour y rendre compte de leur Magiftrature , ils étoient doux & affables ils évi. toient soigneusement les reproches, its tâchoient

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

de mériter la louange & l'estime de leurs concitoyens , & de répondre au choix qu'on avoit fait d'eux ; & c'étoit à qui rendroit son administration plus utile à la République , & plus glorieuse à l'Etat.

Cependant la joye qu'avoit le peuple de la nouvelle liberté , étoit fi grande , qu'il avoit peine à se croire libre ; c'étoit à qui marqueroit mieux son zéle & son ardeur pour la soutenir : & c'est ce qui produisie dans la suite parmi les Romains toutes ces vertus fi vantées, je veux dire ce grand amour de la patrie , qui déroboic souvent l'homme à lui-même , & le rendoit insensible aux sentimens de la nature ; ce généreux désinteressement qui leur faisoit toûjours préferer l'interêt public à l'interêt propre ; cette fimplicité de mours qui leur inspiroit de l'éloignement pour le luxe , & de l'aversion pour toue ce qui peut efféminer ; cette justice, cette integrité, cette innocence qu'ils faisoient paroître en. tout ; cette intrépidité dans les plus grands dangers, cette opiniâtreté dans les combats , cette apreté de naturel qui ne se rendoit jamais aux difficultez , cette fermeté dans leurs entreprises, cette générosité sans éxemple qui les portoit à conserver ceux mêmes qui les vouloient perdre, à les garantir des embuches. qui leur étoient dressées, & à les sauver d'une trahison domestique ; enfin ce mépris de la vie qui les engagcoit å se dévouer eux-mêmes pour le bien public. Tantôt c'est a un Consul qui voyant les fils

a Bru convaincus d'intelligence avec les tirans , les tus. traîne dans la place publique, les condamne luimême au dernier supplice, & fait tomber leur tête sous la main du boureau. Ou c'en est b un b Valer autre , qui loin d'agir avec cet orgüeil si ordi- rius Tua naire à ceux qui gouvernent , & qui ne cher-bloolas chent qu'à rapporter tou à eux-mêmes, fait régler, contre l'interêt de la Charge , qu'en dez

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

niér ressort cn en appellera au peuple du Jugea Hora- ment des Consuls. Tantôt c'est à un illuftre Rotius Co

main qui soutient seul sur un pont les efforts de cles.

toute une Armée , pendant qu'on le rompoit par derriere , se jette en suite tout armé dans le Tibre , & se retire à la nâge vers les liens , trop

content d'avoir sauvé son pays prêt à subir un b Mu

nouveau joug. Ou c'en est b un autre qui se brûle tius Cordus

froidement le bras , pour avoir manqué de tuer Scavila. le Protecteur de la tirannie. Tantôt c'est c une • Clélie. jeune Héroïne , qui s'étant échapée d'un enne

mi auquel elle avoit été donnée en ôtage , se

jette dans le Tíbre, & le paffe à cheval pour le d Vetu- rendre à la patrie. Ou c'est dune mere qui par rie me- fes pleurs fait tomber les armes des mains à un re de

fils rebelle, & fauve ainsi fa patrie chancelante. Corio

Ici c'est une nombreuse famille e d'illustres Rolan.

e Les mains qui exposent généreuseinent leur vie & Fabi- leur bien pour le salut de la République. Là c'est

f un noble Citoyen occupé à cultiver lui-même f Lucius

ses terres Quin

qu’on arrache à une vie tranquille & tius innocente

pour:

lui confier le souverain comCincin mandement , & qui' après avoir rétabli les afnatus. faires, va' reprendre fa charruë. Tantôt ce sont

les Dames Romaines qui consacrent ce qu'elles

ont de plus précieux pour accomplir le væu d'un 1. Ca- célébre 1. Dictateur. Ou ce sont les Sénateurs qui mille.

voyant Rome exposée à la discrétion g d'un enDes nemi barbare , refusent de se retirer au Capitole Gauliis. où ils eussent

pu sauver leur vie , & attendent constamment la mort sur leurs fiéges. Ces vénérables Vieillards couverts de leurs robes , étoient immobiles ;. l'ennemi les prit d'abord pour des Dieux, pour des Génies, ou pour des Itacue's, & ils auroient cru trahir l'honneur & la majeité de

la République , s'ils avoient eu la foiblesse de se h Man- dérober à l'épée du Vainqueur. Tantôt c'est b un líus Tor Consul qui fait mourir fon propre fils pour avoid quatus.

fait une belle action qu'il n'avoit pas comutan

ens.

[ocr errors]
[ocr errors]

a

[ocr errors]

dée. Ou c'en elt a un autre qui se dévouë lui a Decimême aux Dieux des Enfers , & qui cherche à us Mus. périr au milieu des ennemis , afin d'ouvrirà les concitoyens par les traces de son fang un nouveau chemin à la victoire. Enfin c'est sur le mê. me pied que

6 les Romains détestent la perfidie b Fabridu Médecin qui s'offroit d'empoisonner Pirrhus cius com

mandoid fon Roi , & qu'ils en informent ce Prince en lui

l'armée tenvoyant le traître chargé de chaînes. Ils vou- des Reloient vaincre par leurs propres armes , & non mains. pas se défaire d'un ennemi aux dépens de la probité.

Il ne faut pas s'étonner fi cetre République a vec des moeurs fi séveres jointes à la plus fine politique , qui lui faisoit toûjours embrasser le parti le plus foible pour mieux ruiner l'oppresseur & le plus fort : il ne faut pas s'étonner, dis-je, fi elle a trouvé le moyen de multiplier ses conquêtes , & de porter insensiblement ses armes dans toutes les parties du Monde. Mais il faut avouer qu'elle a été heureuse jusques dans les mal. heurs. Elle s'est vûë plus d'une fois à deux doigts de la perte. Comment à peine formée se fût elle fauvée du ressentiment de Coriolan , sans les lar. mes de fa mere & de la femme ? Que füffent-devenus les Romains , lorsqu'après la défaite de leur Armée Rome fut prise par les Gaulois,& qu'ils n'avoient pour toute ressource que la défense du Ca. pitole ? que fuffent ils devenus , dis-je , sans le eri des Oyes, fans la valeur de Manlius, & fans le secours de Camille ? Où étoit réduite certe République déja grande & florissante , si le fanieux Annibal eût aussi bien sçu profiter de la victoire qu'il étoit habile à vaincre. Ce Général qui s'é. toit jalqu'alors montré invincible dans les plus grandes difficultez , & dont les Alpes n'avoient pu surmonter la constance, ne peut résister à la bonne fortune. Il s'arrête dans une c ville dont c Caponai le séjour lui paroît délicieux , & comptant avoix

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

un moment

a Mon.

[ocr errors]
[ocr errors]

Gueudewille dans )

fa pre

miere

[ocr errors]

affez fait pour la gloire, ou craignant de perdre sa réputation s'il venoit à échouer dans de nouvelles entreprises , il se livre au repos & à toutes les douceurs d'une vie molle & voluptueuse, & donne par son imprudence tout le tems aux Romains de se relever de leur perte. Aussi a-t-on dit avec raison que Capouë fut ausi fatale à Annia bal, que Cannes l'avoit été aux Romains.

Mais Ronie étoit destinée à être la Capitale de l'Univers. Arrêtons nous

pour considerer cette République dans le fort de la puissance & de fon luftre.

Je ne crois pas, dit a un Auteur moderne feur

qu'avant cette République on eût poussé li loin le droit prétendu de conquête , & qu'on eût jamais formé une plus vaste , ni plus glorieuse

domination. Quelqu'un a dit que la Terre avoic. Disserta

gardé un filence respectueux devant Alexandre. tion fur l'Histoire

Il semble que cette idée, qui est d'une noble enRomaine. »s phase, convient encore mieux aux Romains, En

effet , fi Alexandre fit taire l'Univers , ce fut en

jeune téméraire & en étourdi. Ce foudre de » guerre ne jetta parmi les Nations qu'une terreur passagere;

; ce fut comme un de ces gros » orages , qui à la verité confternent beaucoup, mais qui ne durent pas. Les Romains au contraire bâtirent sur des fondemens solides & durables l'immense édifice de leur grandeur. Ils usurpoient par méthode , & l'on voyoit dans leurs progrès le fruit d'un fistême d'ambition &

de politique très-bien lié. Chaque dellein étoic ,, d'une longue enchaînure , & la moindre expé

dition ouvroit une roure à de grands projets. Habiles à pénétrer les moyen's les plus efficaces, & ne prenant guére le change pour l'éxécution. Voilà le chemin par où ces Républicains mon. terent au sommet de la fortune , & causerenr dans le monde une surprenante révolution. Les Souverainetez tomboient devant eux ; de puil

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
« AnteriorContinuar »