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a id. ibid. cruelle nourriture. Ceux qui le gardoient firent a cap. 24. un journal de tout ce qu'il avoit fait & dit pendant fa prifon; ce journal étoit fi éxact que l'on y voyoit le nom des Efclaves qui avoient battu ou épouvanté le prifonnier, quand il fortoit de fa chambre. On y voyoit les malédictions qu'il fouhaita en mourant à l'auteur de fa barbare perfécution; le refus qu'on lui fit d'un morceau de pain; les coups dont les Efclaves' l'affommoient, & plufieurs autres chofes femblables. Après fa bid. ibid. mort, b Tibere eut la cruauté de l'accufer dans le Sénat, & l'impudence de découvrir par cette rélation les rigueurs qui avoient été éxercées contre ce malheureux Prince. Les Sénateurs n'avoient ils pas bien raison d'admirer & de redouter cet Empereur qui levoit fi hardiment le mafque, & qui fortoit fi vifiblement de fa diffimulation ordinaire Enfin rien pouvoit-il mieux exprimer le naturel barbare de Tibere, & le cruel defir qu'il eut d'éteindre fa race, que ce qu'il avoit c Sue on coutume de dire, c qu'il trouvoit Priam heureux, ibid. cap. d'avoir furvécu à fes enfans.

62.

Tacite

lib. 4.

Suetone

d Voyez Je ne m'arrêteray point fur d les plaifirs fecrets & infâmes, & fur les vices abominables Annal. qui firent l'occupation de ce Prince pendant les dix dernieres années de fa vie qu'il paffa dans cap. 67 l'ifle de Caprée. On ne peut y penfer fans horin Tiber. reur, ils pallent même toute créance, & il vaut cap. 43. mieux les enfevelir dans l'oubli, que de les publier. 44.6 Je dirai feulement que fa retraite & fes plaifirs n'interrompirent point le cours de fes cruautez. e Tacite e Il conferva toujours la même facilité à croire les faux rapports de la calomnie, & par l'artifice de Séjan qui nourriffoit fes foupçons & fes défiances, & par fa cruauté propre qui produifit des effets encore plus tragiques qu'elle n'avoir fait jufqu'alors.

45.

ibid.

Mais comme les plus grands plaifirs traînent fouvent après eux de grandes peines, &

a Dion.

qu'on n.eft pas éxempt d'embarras dans le mal qu'on fait fouffrir aux autres, Tibere ne fut pas toujours tranquille & content dans l'éxercice de fes plaifirs & de fes cruautez. Si fa confcience le tourmentoit jufqu'à lui répréfenter toute l'horreur de fes crimes & de fes débauches, quelle inquietude, quels chagrins, quelles allarmes ne lui caufa point l'ambition de Séjan? Ce favori Séjan. qui s'étoit infinué dans fes bonnes graces a par lib. 57. les voyes les plus injuftes, fe voyoit après Tibere le premier de l'Empire; b les images é- b Sueton. toient reverées dans les places publiques, fur les in Tiber. Théatres, & aux Enfeignes des Légions; on cap 65. lui dreffoit par tout des Statues; c tous les lieux c Dion. retentiffoient de fes éloges; les plus grands, & lib. 57. les Confuls mêmes fe rendoient tous les jours 58. chez lui dès le matin pour lui faire leur cour, & fe trouvoient trop heureux qu'il les eût apperçus; on lui communiquoit les affaires avant que d'en parler au Prince c'étoit par lui que s'obtenoient les graces, & rien ne fe faifoit fans fon

aveu ;

68.

d on n'arrivoit aux charges que par la d Tacéte faveur, & l'on n'achetoit fa faveur que par des Annal. crimes; enfin il ne lui manquoit que la pour- 4 cap. pre. "Ce grand favori las de ces honneurs & de ces biens qui le laiffoient toujours dans la dé- " pendance, veut s'affranchir de toute fujetion, & n'oublie rien pour se mettre insensiblement “ à la place de fon maître,

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Inftruit des maximes de l'Empereur, & de- " venu fçavant en fon art, il lui avoit déja enlevé fes enfans par le poifon, & il étoit fur " le point de fe défaire de lui, quand ce Prin. " ce revenu de fon aveuglement, comme par miracle, garantit fes jours malheureux, & fait " périr ce grand confident qui le vouloit perdre. "

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Confiderons ce favori dans fa difgrace : cet homme qui peu auparavant le voyoit l'Empire prefque auffi foumis qu'à l'Empereur même; cet

homme devant qui tout fléchiffoit, qui ne trouvoit perfonne qui ne lui fût entierement dévoué, & qui étoit en quelque forte accablé du poids de la grandeur, cet homme en perdant la faveur du Prince, perd tout à coup cette haute a Dion fortune qui lui fembloit fi affeurée; a il tombe ubifupra. dans le dernier mépris, il effuye toutes fortes d'humiliations & d'opprobres; la haine des particuliers fuit fa difgrace, comme leur attachement avoit fuivi fa fortune; & fa chute eft d'autant plus affreufe que fon pofte étoit plus élevé. Ceux qui auparavant l'applaudiffoient, qui le combloient de louanges, & qui lui rendoient les mêmes honneurs qu'aux Dieux, ceux-là mêmes le dédaignent le plus, & en difent le plus de mal; ces faux amis, ces Efclaves de fa fortune ne le connoiffent plus, ils protestent qu'ils ne l'ont jamais aimé, & ils font tous auffi ardens à fa perte, qu'ils l'étoient à rechercher fa faveur. Ce n'est plus cet homme dont le nom étoit fi vanté, en qui l'on ne trouvoit rien a reprendre, qui raf fembloit en lui feul toutes les vertus, qu'on élevoit au-deffus des plus grands Heros & dont on faifoit par avance un Dieu : c'est un malheureux qui eft l'éxecration publique, & à qui l'on reproche toutes fortes de vices & de crimes. On lui demande compte des innocens qu'il a fait périr, on lui infulte fur fes fauffes elperances; on abbat, on brise, on traîne fes ftatues à fes yeux, & par ce qu'on fait fur fes images, on lui montre par avance ce qu'il doit fouffrir dans fa perfonne, Dans ce trifte état il voudroit fe couvrir le vifage pour cacher fa honte, mais on ne lui permet pas cette confolation; on veut voir quelle contenance il aura dans ce comble d'infortune & d'abbaissement, après avoir été fi fier & fi fuperbe dans fon élévation. C'est ainfi qu'on le conduit en prifon. Dès le même jour on le condamne à mort, & l'on éxécute fon

Arrêt. On le traite après la mort comme le dernier des malheureux, on traîne fon corps publiquement pendant trois jours avec un croc on l'expose à la fureur du peuple, qui le mit tellement en pieces, qu'il n'en refta pas un membre entier que l'Exécuteur pût jetter dans le Tibre. Telle fut la fin de ce favori qui fçut monter à la plus haute fortune, & qui ne fçut pas s'y conferver. Grand éxemple pour ces favoris qui ne fçavent pas joüir de leur élévation, & dont l'ambition eft fans bornes ! Belle leçon pour les Princes qui élevent trop leurs favoris & qui fe repofent trop aveuglément fur eux! ils ne fongent pas que ces ambitieux, fous prétexte de ne veiller qu'aux interêts de leur maître, & à ceux de l'Etat, facrifient fouvent l'un & l'autre à leur ambition,

Pour Tibere, fa condition n'en fut pas plus " heureufe qu'auparavant ; il vêcut odieux à tout le monde', & importun à lui même, ennemi “ de la vie d'autrui & de la fienne; enfin il mou- " rut a la grande joye des Romains, n'ayant pu échapper à l'impatience d'un fucceffeur a qui « a Suetone le fit étouffer dans une maladie dont il fût " peut-être revenu.

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in Tiber.

cap. 73.

Helviam

Mais quel fut ce fucceffeur ? Caius Céfar Ca- Caliguligula, fils indigne de l'illuftre Germanicus, & la. d'Agrippine. Ce Prince, dit 6 Eutrope, dégé- b lib. 7. néra d'une fi horrible maniere, qu'il fit regreter le regne de fon prédéceffeur. c Seneque dit que c De conla nature l'avoit choifi, afin de montrer au mon- folat. ad de jufqu'où elle pouvoit étendre les forces du cap. 9. côté du mal; il dit d ailleurs que la nature l'a- d DeCon-voit produit à la honte & à la ruine du genre folat. ad humain. Il faut néanmoins avouer Polybium les comque mencemens de fon regne furent merveilleux : mais il montra bientôt jufqu'où pouvoient aller Les extravagances, fa cruauté & fon efprit corzompu. Jamais homme ne pouffa l'impieté fi loin.

cap. 36.

a Voyez,

le Dictio

M.Bayle »

dans l'ar- »

Caligula.
Suetone
in Cali-

gula cap,
SI.
b Dion

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lib. 59. Senec. de " ira lib I. " cap. 16.

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a A l'imitation du Demon, il croyoit qu'il naire de » y a un Dieu, & il en trembloit ; & cependant il vomiffoit des blafphêmes épouvantables contre la Divinité. Il ufurpa fierement ticle de tous les honneurs de la Réligion, & il n'y avoit aucun crime qu'il ne fift gloire de com,, mettre. Il y eut des tems où il affecta de rencherir fur Jupiter, tant à l'égard du tonnerre, ,, qu'à l'égard de la foudre, 6-il imitoit par le bruit de fes machines le bruit du tonnerre; & fi la foudre tomboit des nues il lançoit des pierres vers le ciel, & s'écrioit en adreffant la ,, parole au Dieu qui lance la foudre, Ote moi du monde, ou je t'en oterai. En plein jour c il ibid. cap.,, s'approchoit de la Statue de Jupiter Capitolin, comme pour lier converfation avec lui: tantôt il lui parloit à haute voix, tantôt doucement & à l'oreille, & puis à fon tour il approchoit fon oreille de Jupiter. Cette converfation ne fe paffoit pas fans difpute. On oüit un jour Caligula qui ménaçoit Jupiter de le renvoyer en Grece. Il fe vantoit que ce Dieu avoit prévenu par fes prieres l'effet de cette ménace, & obtenu la faveur d'être logé avec lui. C'est pour cela, disoit il , que j'ay fait un Pont entre did ibid. " mon Palais & le Capitole.., d Il s'alloit met

< Suetone

22.

e id. ibid.

59.

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"

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tre fort fouvent entre la Statue de Caftor & celle de Pollux, & recevoit là les adorations de tout venant. e Il fe fit bâtir un Temple Dion lib. où on lui offroit tous les jours en facrifice les animaux les plus rares. Il fe difoit Jupiter un certain tems; & c'est pour cela ajoûtoit-il, qu'il avoit couché avec tant de femmes, & avec fes propres fœurs. Une autre fois fil fe difoit Junon, Diane, Venus Bacchus, & il fe revêtoit de l'équipage de chacune de ces Divinitez. g Il fe fit créer un corps, ou un Collége de Prêtres. Sa femme Céfonie & fon oncle Claude furent membres de ce College; il n'y

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