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auffi que les Prêtres étant paffionnés pour quelque femme, lui annonçoient qu'elle étoit aimée du Dieu qu'ils fervoient. Sur cette nouvelle, elle Le préparoit à aller dans le Temple, où elle fe rendoit quelque fois feule, & où fouvent elle étoit conduite avec cérémonie par fes parens mềmes.

Rhée Sylvie profitant d'une fuperftition fi favorable & fi commode à celles de fon fexe, rejette donc fon crime fur le Dieu Mars; elle déclare qu'il étoit le pere des deux enfans mâles, & comme il avoit la réputation d'aller fouvent fe délaffer des travaux de la guerre dans les bras de Venus, on crut fans peine cette Vestale sur La parole.

Mais c'étoit peu d'une divine naissance pour ces Fondateurs de Rome, il falloit encore que le la paffion que Mundus avoit pour Pauline, & leur dit que s'ils lui promettoient de trouver le moyen de le fatisfaire, elle leur donneroit fur l'heure vingtcinq mille Drachmes, & encore autant lorfque la chofe auroit réüffi. Ces Prêtres gagnés par cette propofition, firent fçavoir à Pauline que le Dieu Anubis étoit fort amoureux d'elle, & qu'il lui ordonnoit de le venir trouver. Pauline fe trouva fi honorée de cette conquête, qu'elle s'en vanta à ses amies, & le dit même à fon mari, qui confentit à ce qu'elle voulut. Elle alla le foir même au Temple, ou, felon d'autres, elle y fut conduite par fon mari lui-même. Après qu'elle eut foupé, un des Prêtres l'enferma dans une chambre fans lumiere. Mundus qu'on avoit pris foin d'y cacher fe rendit auprès de la belle; & après en avoir triomphé, il la laiffa route fiere de l'honneur qu'elle croyoit avoir reçu d'Anubis. Trois jours après, Mundus, la rencontra par hazard & lui déclara le fecret. Pauline au défefpoir déchira fes habits, & de concert avec fon époux, elle alla fe plaindre à Tibere, qui, après s'être infor mé de tout éxactement fit crucifier, ou, felon d'autres, brûler ces indignes Prêtres, fit abbattre le Temple d'Ifis, & trainer dans le Tibre la Statuë d'Anubis. Pour Mundus, il fut feulement éxilé parce que l'Empereur attribua fon crime à la violence de fon amour. Voje Jofeph. Antiquit. Jud. liv. 18. chap. 4.

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Cie fift de nouveaux prodiges en leur faveur, A mulius, dit-on, les fit jetter dans le Tibre, & ce fleuve refpectant leur naiffance, les rejetta fur le rivage, & les rendit à la terre. Une Louve, à ce qu'on ajoûte, paffant par l'endroit où ils étoient exposés, s'arrêta pour les alaiter; & s'étant accoutumée avec eux elle les défendoit contre les autres bêtes. Un Pivert parta gea même les foins de la Louve, en leur apportant des grains de bled dans la bouche. Ils furent par la fuite nourris parmi des Bergers. Devenus grands, & inftruits de leur naissance, leur courage s'augmenta; ils eurent honte de borner leur réputation dans leurs cabannes, ils allerent venger Numitor leur grand pere, & le remirent fur le Trône, après s'être défaits d'Amulius. Toutes ces merveilles que les anciens Hiftoriens ont crue's ou qu'ils ont prétendu nous faire croire, font des contes qu'ils ont inventés, pour faire refpecter, felon toutes les apparences une ville dont les Dieux avoient, felon eux confervé fi miraculeufement les Fondateurs,

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Quoiqu'il en foit, voila ceux à qui la plus commune opinion attribué la fondation de Rome. Ces deux freres après avoir vengé leur ayeul, projettent de bâtir une ville vers le lieu où ils avoient été éxpofés. Si nous en croyons quelques Auteurs, ce lieu quoiqu'arrofé d'un beau fleuve, & fort commode pour le commerce, ce lieu fur qui le Ciel avoit de fi grands & de fi vaftes deffeins, qui devoit étendre fon Empire fur le Monde entier, ce lieu n'étoit alors qu'un affreux défert. On y voyoit une haute forêt presque inacceffible, & quelques pâturages aux environs.

Il falloit décider au nom de qui la ville feroit bâtie. Romulus & Remus s'en rapporterent, diton, à ce que décideroit l'Augure pris du vol des Oifeaux. Remus alla fur le Mont Aventin, où il vit fix Vautours; Romulus un peu après en vis

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Romu- douze fur le Mont Palatin, à ce qu'il dit lusFon l'Augure lui ayant été favorable il fit auffitôt.

dateur

de la

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tracer le circuit de fa ville au tour du même

Ville de Mont,

Rome.

A peine a t-il tracé ce plan , que jaloux de regner feul, il l'arrofe du fang de fon frere.. Les charmes de la fouveraine puiffance l'ébloüiffent, & lui font rompre le lien facré de la tendreffe fraternelle. Doit-on s'étonner que cette ville formée dans le fein de la difcorde, ait dans la fuite troublé tout l'Univers, qu'elle ait porté par tout les horreurs de la guerre, qu'elle ait facrifié la liberté de tous les peuples à fon ambition, & que ne trouvant plus rien à vaincre, elle ait tourné fes armes contre elle-même, & ait travaillé à fa propre ruine.

Mais il falloit peupler cette nouvelle ville. Romulus n'avoit amené avec lui qu'un petit nombre de gens ramaffés, Pasteurs la plûpart; que fait-il pour augmenter le nombre de fes habitans il fait de fa ville un lieu de refuge, les criminels s'y rendent en foûle, l'injuftice & l'impunité leur donnent une feureté qu'ils ne trouvoient point ailleurs, & les voila confondus avec les premiers habitans. Telle eft l'origine & la naiffance de Rome.

on

Si l'on veut fe former une idée de ce qu'elle fut fous le Gouvernement de fon Fondateur, peut en juger par fon Fondateur même. Romu lus étoit un Prince ambitieux & agiffant, qui mettoit tout fon mérite dans la guerre; il étoit dur, auftere, impitoyable, & en quelque forte barbare. En fondant le plus glorieux ouvra ge qui fut jamais, il s'en rend le feul Maître par un fratricide; pour avoir des habitans, il a recours à l'injuftice & à l'impunité; pour s'affeurer la durée & la confervation de fa ville, il employe la fourberie, le rapt, & le viol; il fait ravir indignement les filles de fes voisins; pour

nat.

aggrandir fon Etat naiffant, il fufcite des guerres injuftes, & fe fait comme une Loi de les foutenir. Après trente-huit ans de regne, pref que tous paffés dans la guerre, il meurt enfin, ou plûtôt, fi l'on en croit quelques Hiftoriens, il eft maffacré par les Sénateurs mêmes qui ne pouvoient fouffrir plus longtems fon auftere & impitoyable domination. Ce qu'il fit de plus rémarquable, ce fut l'établiffement de cette illuftre a Compagnie, qui devint dans la fuite le plus a Du Séredoutable & le plus majestueux de tous les Tribunaux. On prétend même qu'il fit quelques réglemens, & qu'il n'oublia rien pour dompter T'humeur fauvage de ces premiers Romains. Cependant avec tous fes foins il ne put y réüffic. Comment l'auroit-il fait il étoit lui même d'un naturel farouche, & ne connoiffoit point la douceur. Uniquement occupé du foin de faire la guerre, il infpiroit à fon peuple le même efprit qui l'animoit. Auffi pendant tout fon regne, fes fujets pafferent-ils dans l'efprit de leurs voifins. pour des Barbares & pour des voleurs. Mais quelques ruftiques, & quelques farouches qu'ils fuffent, ces premiers habitans de Rome, ils fçurent néanmoins après la mort de leur Fondateur fe donner un bon Roi.

des Ro

mains.

Le mérite de Numa éclatoit dans tous les lieux Numa circonvoisins de Cures, ville de fa naiffance. 2. Roi Rome avoit befoin d'un fouverain : elle crut ne pouvoir mieux faire que de choisir Numa, & de lui confier le timon du Gouvernement; elle alla, pour ainfi dire, l'arracher du fein de fa ville pour en faire fon maître.

Ce Prince pour polir & humanifer fes fujets, s'y prend tout autrement que n'avoit fait fon prédéceffeur. Comme il aimoit naturellement le repos, il fonge à fe conferver dans la paix, & tourne tous les foins du côté de la Réligion; il l'employe avec art, comme étant ce qui fait le

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plus d'impreffion fur l'efprit des peuples. Il inftituë une infinité de Cérémonies & de facrifices, il fait bâtir plufieurs Temples, il propofe nombre de Loix qu'il croit les plus convenables au bon ordre, & fes fujets perfuadés de la vertu & de fon équité, embraffent fans répugnance tout ce qu'il leur propofe. Il eft vrai que profitant de la crédulité & de la fuperftition qui regnoit parmi eux, il eut recours à une pieufe rufe pour effectuer les bonnes intentions. Il leur fit accroire qu'il avoit une communication toute particuliere avec la Nymphe Egerie, & qu'il n'a'gifloit que par fon infpiration. Numa çut donc par la prudence humaniser ces premiers Romains, & adoucir leur humeur, groffiere; mais je ne fçay s'il ne les laiffa point trop languir dans le repos. Tullus Tullus Hoftilius qui lui fucceda eut de la peine à les en tirer pour les tourner à la difcipline miRoi des litaire, mais enfin il leur rendit leur premiere Rom. vigueur qu'une longue paix avoit comme

Hofti

lius 3

en

dormie. Dès-lors les Romains commencerent à prendre l'effor & à s'élever au-deffus d'eux-mêmes; & bientôt l'on vit naître parmi eux ce grand amour pour la patrie qui les porta dans la fuite aux actions les plus heroïques. La défaite des Albains nous en fournit un bel éxemple.

Ces peuples avoient fait alliance avec les Romains fous le regne de Romulus, & par le Traité il devoit y avoir entr'eux une éternelle paix. Tullus Hoftilius ne pouvant fouffrir fes fujets dans le repos, trouve le moyen de rompre un Traité que fes prédéceffeurs avoient réligieufeCombat ment observé, déclare la guerre aux Albains. A peine les deux armées font en présence, ces con- que la vue & l'interêt de l'humanité les arrêtent; tre les les uns & les autres réfléchiffent fur le prix du trois fang humain, & cherchent les moyens de l'éCuria- pargner. Il eft réfolu qu'on terminera le diffe

destrois

Hora

ces.

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