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a Dior

gnée de l'embrasement de toute la terre ; il s'écria, Puiffe-je plutôt voir ce défaftre pendant ma vie ! Ce Prince qui n'avoit rien d'humain que la figure, pouvoit-il marquer plus ouvertement fon mépris & fa haine furieufe pour tous les hommes Auffi en donna-t-il de cruelles marques par l'embrasement de sa Capitale; a il fit mettre le feu à tous les coins de Rome, & cet lib. 62. incendie qui dura fix jours & fix ou fept nuits, Anal. de quatorze Régions dont la ville étoit compo- 15. cap. fée, en confuma trois, & ne laiffa de fept au- 37.40. tres que quelques reftes de maifons. Toutes les 41. antiquitez & les plus belles raretez de Rome furent réduites en cendres, avec le Temple de Vefta & les Dieux Pénates.

Tacite

Suetone

ibid.

b Dion

Sueton.

Il ne faut pas croire que Neron fut touché de ce funefte fpectacle. C'étoit un divertiffement qu'il s'étoit voulu donner. Tandis que Rome étoit toute en feu, & que fes habitans étoient dans ibid. la derniere défolation, ce cruel Empereur 6 en Tacite ib. habit de Théatre contemploit du haut de la tour cap. 39. de Mécénas ce vafte incendie. Il admiroit la beauté de la flame, & chantoit la deftruction de C Dion Troye. Cette deftruction l'avoit toujours char- lib. 62. mé, & on lui avoit entendu dire plus d'une fois Sueton. que Priam avoit été le plus heureux de tous les ibid. cap. 38. Princes, d'avoir vû brûler sa Capitale en perdant Faci fon Royaume.

ibid.

Tacite

Annal..

moigne en

Quelques Hiftoriens affurent comme une 15. cap.. chofe certaine que ce qui porta Neron à bruler 39 téRome, ce fut pour avoir l'honneur de faire re- douter bâtir cette ville, & de la rendre plus belle, Quoi- fort pen. qu'il en foit, Neron n'ofa s'avouer l'auteur de d Tacite cet embrafement, & il en rejetta la faute d fur ibid. cap. les Chrétiens, Le Chriftianifme fortoit alors de 44 fa premiere obfcurité, & commençoit à faire ce de Perf de grands progrès, fur tout dans Rome, e où les c. 2.. prédications & les miracles de S. Pierre faifoient Tert. Apol. caps. chaque jour une infinité de converfions. Le bruit

e Lactan

a ibid.

16.

de cette nouvelle Réligion vint jusqu'aux oreik les de l'Empereur: il fçut que dans Rome, &. par tout ailleurs, un grand nombre de personnes abandonnoient le culte. des Idoles, & condamnoient leurs anciennes fuperftitions. Ce cruel: Tiran ne le put fouffrir, & réfolut d'éxterminer tous les Chrétiens..

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Ponce

Voici le témoignage de a Tacite, qui, comme b. b In NcSuetone, regardoit le Chriftianifme comme une ron. cap. nouvelle fuperftition mêlée de magie.,, Neron dit-il, rejetta la caufe de l'incendie. fur ceux » que le peuple appelloit Chrétiens, & il leur fit fouffrir les plus horribles fupplices, avec d'autant plus de liberté, qu'ils étoient en hor,,reur à tout le monde › comme coupables des: ", plus déteftables crimes. Ils tirent leur nom continue cet Hiftorien, d'un Christ que Pilate Lieutenant en Judée, avoit fait éxécuter fous Tibere: & cette fuperftition pernicieufe, qui avoit été réprimée pour un tems, paroiffoit alors avec une vigueur nouvelle, non feu lement en Judée, d'où ce mal avoit tiré fon: origine, mais dans Rome même, où tout ce qu'il y a dans le monde de criminel & d'infâ me vient fe rendre de tous côtez, & y trou ve des Sectateurs & de l'appuy. On le faifit d'abord de ceux qui paroiffoient publiquement Chrétiens, & par le de ces premiers moyen on en découvrit un grand nombre d'autres qui furent condamnés,, plûtôt comme victimes de la haine du genre humain, que comme coupables de l'embrasement..

C Tacite bid.

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On infulta même à leur mort, & ils fervirent de jouet & de divertiffement au peuple. On en couvroit quelques-uns de peaux de bêtes fauvages, afin de les faire déchirer par les chiens; on en attachoit d'autres à des Croix, & l'on em faifoit brûler plufieurs pendant la nuit, e de maniere qu'ils fervoient de flambeaux & de luminaires publics

Neron étoit trop avide de fang pour ne pas repaître les yeux d'un fi horrible spectacle. Ses jardins a étoient le lieu où fe faifoient ces bar- a id. ibid. bares éxécutions. Il y répréfentoit en même tems des jeux du Cirque, & il y paroiffoit en habit de cocher, tantôt mêlé parmi la populace, tantôt monté fur un des chars qui devoient courir. C'eft ce qui fit ouvrir les yeux à la plupart des Romains, qui, quoiqu'ennemis mortels des perfécutez, démêlerent très bien leur innocence, & reconnurent que leur mort étoit un plaifir que le Prince vouloit fe donner, plûtôt que la punition d'aucun crime. Ainfi Neron fut le premier Empereur qui verfa un fang précieux, dont la fécondité fut dans la fuite inépuisable en Martyrs,

Pallons aux occupations de ce Prince; Chanter, danfer, jouer des inftrumens, faire le Comédien, conduire des chariots, c'étoit b fes éxer- b Swetone cices les plus ordinaires.

in Neron.

21.22.

23.24.

Quel fpectacle pour Rome de voir fon Empe- cap 20. reur monter fur un Théatre en habit de Comé dien, & y difputer les prix de Mufique avec les 25. Comédiens mêmes! Que pouvoit-on penfer en voyant ce maître du Monde s'oublier lui même, jufqu'à faire le rôle d'un Esclave chargé de chaînes, d'un e aveugle mené par la main, d d'une cÆdipe. femme en travail d'enfant, e d'un fils meurtrier d Canace.. de fa mere, f d'un Phrénétique dans les accès e refe. de fa rage & de fa fureur? Ne faifoit-il pas furieux beau le voir avec une voir foible & caffée, chan- & infen ter des journées entieres dans les jardins pour di- Se. vertir le peuple, & mendier enfuite fes applaudiffemens Rome ne fut pas feule témoin de ces baffeffes il en fit de même dans. les.i villes de la Gréce, en les parcourant,

Mais dans le tems que ce prince aviliffoit ainfi f dignité, il la déshonnoroit bien encore d'une: autre maniere. Non content de donner dans les

f Hercule

28.

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débauches les plus fales & les plus outrées, if vouloit avoir le plaifir de faire éclater fes voluptez monftrueuses aux dépens de la nature & de a Suetone la pudeur. Etant en Grece a il fit un Euibid. cap. nuque d'un de fes Affranchis nommé Sporus, & s'efforça de le faire changer de fexe. Il l'épousa enfuite avec doüaire, voile nuptial, & les autres cérémonies accoutumées ; & le faifant porter en litiere habillé en Imperatrice, il l'accompagnoit aux Assemblées & aux Marchez publics de la Gréce, & à Rome même dans le quartier des Sigillaires. Il l'embraffoit de tems en tems, & fembloit fe féliciter lui-même fur ce nouveau mariage. Cette abominable nouveauté lui attira ane raillerie des plus piquantes. Quelqu'un ofa dire,. Qu'il eût été à fouhaiter pour le bonheur de l'Vnivers, qu'Anobarbus pere de Neron, eût pris une pareille femme.

bibid.

Neron ne s'en tint pas là, 6 il voulut à fon 4p. 29. tour prendre un mari, Il fe fit habiller en femme & époufa avec pompe Doriphore un autre Affranchi.

י,

N'étoit-ce ce pas là un Prince bien digne de gouverner l'Univers ? Avoüons néanmoins qu'il étoit bien à plaindre, puifque la lâcheté des Romains étoit encore au deffus de fes crimes & de fes défordres. Tandis qu'il fuit les infpirations de fon mauvais génie, qu'il le livre à tous les mouvemens d'un naturel le plus corrompu & le plus féroce qui fût jamais, qu'il fe fait un plaifir de nager dans le fang, qu'il avilit la Majefté de l'Empire par les dernieres baffeffes, qu'il fait: gloire de commettre les crimes les plus monftrueux, & qu'enfin il fe joue des Dieux & des: hommes, il ne fe trouve aucun fajet affez généreux pour le reprendre, & lui ouvrir les yeux fur fes déréglemens. Tous ceux qui l'environnent font autant de gens corrompus qui ne fongens qu'à l'aveugler, à lui perfuader qu'il eft d'ana

autre nature que le refte des hommes, à flater fes paffions, à applaudir à fes crimes & à fes débauches, & enfin à rechercher tout ce qui peut l'entretenir dans fa corruption & dans fa barba rie. Le Sénat même, cet illuftre corps qui devoit fervir de modéle au refte du monde, s'empreffe à lui donner des éloges, & à lui décerner toutes fortes d'honneurs à mesure qu'il s'en rend indigne.

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10. 12.

Il fembloit que fon parricide dût foulever tous les efprits, mais il arriva tout le contraire. Les Romains étoient accoutumés à la fervitude la plus rampante, & dévoués à la plus honteufe flaterie,a a Tacite Burrhus malgré fa probité, fut le premier à lui mar- Annal. quer la joye de le voir délivré des embuches de fa 14. cap. mere. Le Sénat & tous les Romains fuivent fon Dion. lib. éxemple. On prend cet horrible évenement pour 61. une faveur du Ciel, toute la ville eft occupée à faire des facrifices aux Dieux en actions de: graces, on ordonne des prieres publiques, on inftitue de nouvelles fêtes, on met le jour de la naiffance d'Agrippine parmi les jours malheureux on confacre dans le Sénat deux Images d'or, l'une de Minerve, & l'autre de Neron ;. enfin c'étoit à qui donneroit plus de témoignages de joye & d'approbation. Le feul Neron eft foulevé contre lui-même, fa con- bid.ibid.. science eft dans l'agitation & dans le trouble, Suetone elle lui reproche l'horreur de fon crime, à cha- in Neron.. inftant elle lui répréfente fa mere que il ne ; fçauroit fouffrir les lieux qu'il a fouillés de fon parricide, il croit être poursuivi par les Furies; il s'imagine que l'ombre d'Agrippine eft errante au tour de fon tombeau, qu'elle implore la vengeance des Dieux & des hommes par des cris, par des hurlemens, & par le fon des Trompettes..

cap. 34.

C Tacite

Il fe retire donc à Naples. La même terreur ibid caR.. Fy fuit il voudroit revenir à Rome, mais il 1. 3,0

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