, la grande reputation de Pierre Gonfalez Mendoffe, Cardinal, Evêque de Siguença, qui fut depuis Archevêque de Tolede : C'étoit un Prélat d'un merite extraordinaire, qui aimoit les gens fçavans, & qui n'épargnoit rien pour les atirer dans fon Diocese. Il reçut Ximenez avec tout l'accueil que meritoient fes grandes qualitez; 11 le retint aupres de lui & quelque tems aprés il le fit fon grand Vicaire, & partagea avec lui le foin de fon Diocefe. Ximenez qui étoit né pour l'action s'aquita de cette charge d'une maniere qui fatisfic également le Cardinal qui la lui avoit confié & le Clergé de ce grand Diocefe. Il étoit naturellement fier & fevere comme le font tous les Efpagnols en qui la melancolie domine comme elle dominoit en lui Mais fa prifon & les mauvais traitemens qu'il venoit de recevoir de l'Archevêque de Tolede, avoient tellement fufpendu l'action de ces deux qualitez, qu'il s'aquit en même tems l'eftime & l'afection de tout le monde. Alfonfe deSalva, Comte de Cifuentes, l'un des plus grands Seigneurs de toute la Caftille, lui en donna une preu ve bien fenfible à l'ocafion que l'on va raconter. Il y avoit long-tems que les. Rois de Caftille faifoient la guer re aux Maures, avec beaucoup de fuccés aprés leur avoir enlevé leur plus belles Provinces, ils les avoient fouvent rendu tributaires.. Jean II. dont l'on a parlé au coins mencement de cette Hiftoire, les. avoit reduits à de grandes extremirez; & il auroit aparemment emporté la Ville de Grenade qu'il renoit étroitement affiegée, fi le Grand Connêtable de Caftille, Alvare de Lune, ne l'avoit perfuadé de preferer un prefent de douze mulets chargez de figues, dans chacune defquelles il y avoit un double ducat d'or, à la prise de cette importante place. Henri IV. fils de Jean II. avoit continue la guerre avec le même fuccés ; mais les guerres civile excitées par Alfonfe fon propre frere, l'oblige rent d'interrompre fes conquêtes. Ferdinand & Ifabelle qui fuccederent à Henri,remporterent au commencement de leur regne de grands avantages fur les Maures, & re- L'an. commencerent une guerre qui ne 1482. devoit finir que par la conquête entiere du Roiaume de Grenade mais pendant qu'ils fe preparoient à cette fameufe expedition, le Marquis de Cadix crut qu'il devoit pro-. fiter de la guerre civile qui s'étoit élevée entre les Maures: 11 affemble en diligence les troupes repandues dans fon Gouvernement, & il écrit à tous fes amis de lui ame-ner le plus de troupe qu'ils pour roient pour une entreprife qui ne pouvoit être ni plus fure ni plus avantageufe: La nobleffe des enviLons y acourt auffi-tôr: Elle étoit conduite par le Comte de Ci fuentes, & par Dom Pedro de Sylva, fon frere, Avec ces trou pes faites à la hâte, il courut tout le territoire de Malaga, marquant toûjours fa route par de longues: traces de feu & de fang; refolu d'affieger Malaga même, aprés qu'il auroit defolé la campagne. Au bruit de cette irruption, les Maures, quoi qu'extremement animez les uns contre les autres, fufpendirent pour quelque tems leurs animofitez , pour combattre tous. enfemble leurs ennemis communs. Des troupes dont ils s'étoient fervis les uns contre les autres, ils en compoferent une armée également nombreuse & aguerrie, dont ils donnerent le commandement à Abiabdala, fils du vieux Roi de Grenade. Ce jeune Prince qui ne cherchoit que les occafions de fe fignaler pour répondre à la bonne opinion que les Maures avoient conçue de lui, ne chercha pas longtems fes ennemis fans les trouver. Les deux armées fe rencontrerent prés de Lora: Les Espagnols fou rinrent le premier choc avec une fermeté extraordinaire; mais au fecond la Cavalerie des Maures aiant enfoncé l'Infanterie, ce ne fut plus un combat, mais un maffacre. La Cavalerie qui avoit été ouverte dés le premier choc, fit de vains éforts pour fe ralier fe ralier, l'infanterie des Maures qui n'avoit prefque point combatu, l'attaqua de front piques baillées, en même tems que la Cavalerie qui l'avoit inveftie, l'ataquoit par les flancs & par la queue. Le Marquis de Cadix perdit en cette occafion trois de fes freres, deux de fes neveux, & prefque tous les parens & fes domeftiques: Il ne fe fauva de l'Infanterie que ce qu'il plut aux Maures d'en laiffer échaper pour porter l'efroi dans les Villes voifines avec les nouvelles de leur victoire. La Cavalerie eût été traitée de même fi Abiabdala n'eût fait ceffer le carnage pour faire des prifonniers. Le Comte de Cifuentes qui fe trouva du nombre, ofrit en vain une groffe fomme pour fa rançon; les |