Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

l'occafion de la grande fortune que Ximenez fit depuis: & quoi qu'il ne pensât pas peut être alors qu'il feroit un jour fon fecours, il eft certain, qu'aprés la Reine Ifabelle, il n'y eut perfonne qui contribuât davantage à le faire Archevêque de Tolede. Car pour le refte de cette grandeur prodigieufe à laquelle il parvint aprés avoir été à la premicre Dignité Ecclefiaftique de toute l'Efpagne, il n'en fut redevable qu à lui-même.

Ximenez vêquit dans le Noviciat de la maniere du monde la plus. exemplaire. Il ne fe pouvoit rien ajoûter à l'amour qu'il faifoit pa.. roître pour le filence , pour la pau vreté, & pour la retraite ; & fa mo deftic & fon humilité étoient tel les qu'il fembloit avoir oublié ce qu'il avoit été dans le monde, & toutes les grandes qualitez qui le diftinguoient de tous ceux qui étoient entrez avec lui dans le Noviciat.

L'année de fon Noviciat étant fi

nie, Il fit Profeffion dans le Monaf tere de Talavera. Ce fut alors qu'il changea le nom d'Alfonfe qu'il avoit reçû au Batême en celui de François, pour honorer le Patriar che & l'Inftituteur de l'Ordre dans lequel il étoit entré. Sa profeffion ne changea rien à fa premiere façon de vie, il n'en fut ni moins exât ni moins retiré; l'étude de l'Ecriture Sainte,& des langues Orientales, dans lesquelles ce Livre tout divin a été premierement écrit, faifoit toute fon ocupation, & il y aquit cette grande habileté dont il donna depuis de fi grandes marques dans l'édition des fameufes Bibles d'Alcala, dont il fit lui feul la dépenfe, aprés y avoir travaillé plus que perfonne comme on le verra dans la fuite de cette Hiftoire.

Une vie frédifiante foutenuë d'un merite auffi univerfellement reconnu que le fien, fit juger à fes Super'eurs qu'il y aloit de l'honneur de leur Ordre de ne pas laiffer tant de talens ensevelis dans l'obscurité

d'une celule. Ils le firent venir à Tolede, le nommerent Predicateur Apoftolique, & lui ordonnerent de faire fa principale ocupation de la Predication de l'Evangile,

Ximenez obéit avec tout le fuccé, auquel l'on s'étoit attendu. C'étoit un des hommes le mieux fait de fon tems; il ne lui manquoit aucune des qualitez exterieures que les Maîtres de l'Art demandét pour faire un parfait Orateur : Nul ne le furpalloit dans l'étude de l'Ecriture Sainte, des Peres, & de la Theologie: & nul ne l'égaloit dans la maniere vive & éloquente dont il fçavoit s'exprimer. Auffi dans fort peu de tems il s'aquit la reputation du plus grand Predicateur de toute P'Efpagne; & les Eglifes les plus vaftes fe trouverent trop petites pour contenir tous ceux qui acouroient en foule à fes Sermons.

Mais les talens de Ximenez pour la converfation n'étoient pas moindres, que ceux qu'il avoit pour la Chaire, & il n'en defcendoit pref

que jamais fans achever de triompher dans les entretiens particuliers de ceux que l'éloquence & la folidité de ces difcours avoient ébran lé. Son entretient étoit aifé, folide, infinuant, & toûjours acompagné d'une modeftie & d'une moderation qui le faifoit aimer & admirer de tout le monde.

Ces qualitez qui étoient d'autant plus remarquables, qu'elles étoient plus rares,& que fon fiecle fe fentoit encore de peu de politeffe de ceux qui l'avoient precedé atire rent bientôt fous fa conduite tout ce qu'il y avoit de gens de qualité dans Tolede. Les Dames firent paroître en cette ocafion beaucoup plus d'empreffement que les hommes; foit qu'elles cruffent en avoir de befoin; ou que la curiofité & la vanité, comme il arrive affez fouvent, les portaffent à rechercher la direction d'une perfonne d'une fi grande reputation. Ain Ximenez devint en peu de tems un Directeur auffi celebre,

qu'il étoit fameux Predicateur. Mais pendant qu'il fe contente de la gloire toute pure que fa reputation lui avoit aquife, & qu'il fait paroître dans toute fa conduite un defintereffement qui n'eft pas coûjours fort ordinaire aux perfonnes de fon état, ceux dont les Confeffionnaux & les Eglifes étoient devenues defertes par la foule qui de tous les quartiers de la Ville acouroit aux Cordeliers , en conçurent contre lui un reffentiment d'autant plus vif, qu'il ne leur donnoit aucune ocafion de le faire éclater. Ils s'aperçurent en même tems leurs revenus diminuoient tous les jours & ils ne doutoient pas que les Cordeliers ne s'enrichiffentde leurs depoüilles. Ainfi la jaloufie & l'interêt qui font ordinairement les paffions dominantes de ces for-. tes de gons, s'étant jointes enfemble, ils ne garderent plus de mefu

que

res.

Ils publierent dans toutes les Compagnies où il leur étoit resté

« AnteriorContinuar »