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parable en matiere de politique;, de ne pas profiter de leur divifion:. & que pour peu que la guerre fût. continuée avec chaleur, le fuccés,. qui en étoit infaillible, ne pouvoit être moindre que la conquête entiere de cette belle partie de l'Ef pagne qu'ils poffedoiét encore fous. le titre de Roïaume de Grenade. Il en avoit fouvent fait la propofition: au Confeil; mais elle avoit toû-jours été rejettée pour deux raifons. qui paroiffoient invincibles: l'une que les Portugais, qui defendoient: les droits que la Princeffe Jeanne: s'attribuoit fur la Couronne de Caftille au prejudice de ceux de la Reine Ifabelle: ne manqueroient pas de profiter de cette ocafion, pour renouveller une guerre qu'il feroit d'autant plus dificile de fou-tenir, que toutes les forces de la Caftille jointes enfemble feroient: à peine fufifantes pour entrepren dre la conquête de Grenade: l'antre raifon, qui paroilloit encore: plus forte, étoit que fi l'on redpis

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foit les Maures d'Espagne aux der nieres extremitez, il étoit à craindre que ceux d'Afrique n'acourulfent à leur fecours, & ne paffaffent la mer en fi grand nombre, qu'ils feroient en état, aprés avoir fecouru leurs Alicz, de faire de nouvelles collquêtes fur la Couronne de Caftille, comme il étoit fouvent arrivé en de femblables ocafions. Ces deux raifons avoient toûjours paru fi fortes au Confeil de Caftille qu'on n'avoit jamais pû le faire refoudre d'entreprendre la conquête de Grenade quelque aparence qu'il y eût d'ailleurs d'un heureux fuccés.

Mais le Cardinal perfuadé que la propofition étoit avantageufe à l'Etat qui en croïoit le fuccés infaillible , crut que s'il pouvoit mettre' Ximenez dans fes fentimens, il lui feroit aifé d'en perfuader la Reine; & que fi cette Princeffe pour être gagnée, le Confeil ne s'y opoferoit plus, puis qu'elle y avoit une autorité abfolue,

& qu'on y étoit fi perfuadé de fa fageffe, qu'il n'étoit jamais arrivé que fes fentimens n'euffent pas été fuivis.

Sur cette fupofition, le Cardinal parla à Ximenez de la guerre de Grenade. Il lui fit un long difcours pour lui aprouver que la Reine qui avoit fur pié des troupes fort belles & fort nombreufes, n'en pouvoit entreprendre de plus glorieufe ni de plus utile. Ximenez qui aimant les grands deffeins étoit entré de lui-même dans les fentimens du Cardinal, non feulement demeura d'acord de la gloire de cette entreprise; mais il ajoûta tant de chofes pour en faciliter le fuccés, que ce Prelat ne pouvoit affez s'étonner qu'un homme élevé du'ne maniere fi diferente de la fienne en fçût plus que lui en matiere. de politique. Le refultat de leur conference fut que Ximenez n'épargneroit rien pour porter la Reine à entreprendre la guerre de Grenade, & le Cardinal s'en

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gagca de fon côté à apuier de cette propofition de tout fon credit, quand elle feroit faite au Confeil.

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Ximenez tint au Cardinal la pa role qu'il lui avoit donnée & il le fit d'autant plus volontiers qu'il crut avoir penetré que l'intérêt particulier du Cardinal en cette ocafion étoit joint à celui de l'Etat. Cet interêt particulier confiftoit en ce que la jurifdiction de l'Eglife de Tolede, dont Mendoffe étoit Archevêque, augmenteroit à proportion des conquêtes que la Couronne de Caftille pourroit faire fur les Maures, & que quand même l'on feroit obligé d'y établir de nouveaux Evêques, ils dependroient toûjours de lui en qualité de Metropolitain. Que ce fut ou non une des vûës du Cardinal dans l'entreprise de Grenade qu'il apuioit avec tant de chaleur ; Ximenez le crut ainfi. Il eut à cette occafion de longues conferences avec la Rei-me. Il fit voir à cette Princelle

que les forces des Portugais avoient été tellement ruinées par la victoire qu'elle avoit remportée fur eux à Toro, que bien loin de pouvoir faire de nouvelles entreprifes fur la Caftille, leurs troupes pouvoient fufire à peine à conferver les places qu'ils avoient fur les côtes d'Afrique Que la Princeffe Jeanne, qui avoit été la caufe ou le pretexte de la premiereguerre qu'on avoit foûtenue avec rant de gloire & de bonheur contre les Portugais, s'étoient retirée dans un Couvent à Conimbre qu'elle y vivoit d'une maniere qui ne laifoit aucun lieu de douter qu'elle n'eût renoncé à fes injustes: pretentions fur la Couronne de Caftille; & qu'il n'y avoit point d'aparence que les Portugais qui lui avoient donné retraite, priffent plus de part à fes interêts qu'elle ne fembloit y en prendre elle-même. Que les divifions qui regnoient depuis fi long-tems parmi les Maures d'Afrique Icur don

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