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PENSÉES

DE L'EMPEREUR

MARC-AURELE - ANTONIN;

O U

LEÇONS DE VERTU Que ce Prince philofophe se faifoit à lui-même.

CHAPITRE PREMIER.

Exemples ou leçons de vertu de mes parens & de mes maîtres.

1.

DE mon aïeul Verus:

Moeurs honnêtes (1); jamais de colere.

(1) Le grec porte Kadondes, mot compofé qu'on ne trouve point ailleurs. Demofthene avoit dit, rà Kaλoła

A

I I.

De mon pere, tant par fa réputation, que par l'idée qui me refte de lui : Modeftie & vigueur mâle.

De ma mere:

I I I.

Piété, bienfaisance. Non-feulement ne jamais faire le mal, mais n'en avoir pas même la pensée. Me nourrir d'une façon fimple. Fuir en tout le luxe des riches.

I V.

De Tite-Antonin mon pere d'adoption: Être doux, & cependant inflexible fur les jugemens arrêtés après un mûr exa

men.

Être infenfible au vain éclat de tout ce qu'on appelle honneurs.

Aimer le travail & y être affidu.

Être toujours prêt à écouter ceux qui

rãv yoov, honestissimi mores: expreffion fort approchante. Marc-Aurele oppose (II. 1.) Kaλov honnête, à disxpor honteux. Ces raisons m'ont fait expliquer Kaλbness, différemment des autres traducteurs,

viennent donner des avis utiles à la fo

ciété.

Rendre invariablement au mérite perfonnel tout ce qui lui est dû.

Savoir en quel cas il faut fe roidir ou sẹ relâcher.

Renoncer aux folles paffions des jeunes gens. Ne penfer qu'à procurer le bien général.

Il n'exigeoit pas que fes amis vinffent tous les jours fouper avec lui, ni qu'ils fuffent de tous fes voyages. Ceux qui n'avoient pu venir le retrouvoient toujours le

même.

Dans fes confeils il recherchoit, avec une attention profonde & foutenue, cẹ qu'il y avoit de mieux à faire. Il délibéroit long-tems, & ne s'arrêtoit point aux premieres idées.

Il ne perdoit point d'amis. Jamais de dégoût, ni d'attachement outré.

Dans tous les accidens de la vie, il fe suffisoit à lui-même : l'efprit toujours se

rein.

Il prévoyoit de loin ce qui pouvoit arriver, & mettoit ordre aux plus légeres femences de trouble, fans faire d'éclat.

Il réprimoit les acclamations & toute baffe flatterie.

Il veilloit fans ceffe à la conservation de ce qui eft néceffaire à l'État. Il se ménageoit fur la dépenfe des fêtes publiques, & ne trouvoit nullement mauvais que l'on murmurât de cette rigoureuse économie.

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Il fe conduifoit à l'égard des dieux fans fuperftition; & quant aux hommes, point de manieres careffantes, ni de flatterie, ni d'affectation de faluer tout le monde. Il étoit modéré en tout. Contenance ferme; rien d'indécent, ni de fingulier.

Il ufoit fans fafte & fans façon des commodités qu'une grande fortune offre toujours abondamment, & d'un air à faire connoître qu'il s'en fervoit uniquement parce qu'elles fe préfentoient, & qu'il ne regrettoit pas celles qui pouvoient lui man

quer.

Il ne fit jamais dire de foi qu'il s'amusât à

faire le bel efprit, à bouffonner, à mener une vie oifive. On disoit au contraire qu'il étoit homme mûr, confommé, inacceffible à la flatterie, maître de foi, fait pour commander aux autres.

Il honoroit les vrais philofophes, fans rien reprocher à ceux qui ne l'étoient qu'en apparence.

Sa converfation étoit aifée, agréable; on ne s'en laffoit point.

Il prenoit soin de fa personne avec mesure, & non en homme attaché à la vie, ou qui cherchât à plaire; & fans se négliger, il bornoit fon attention à l'objet de la fanté, pour n'avoir recours à la médecine où à la chirurgie que le moins qu'il fût poffible (1).

Il reconnoiffoit fans jaloufie la fupériorité des talens des autres, foit en éloquence ou science des loix, foit en philofophie morale, ou en tout autre genre. Il contribuoit même à les faire renommer comme

(1) Il y a ici quelques variantes dans Suidas, au mot προσοχή.

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