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Il y a, dans cette apologie de S. Justin, deux paffages, dont je vais rappeller d'abord le fecond pour faire mieux entendre le premier. S. Justin y diftingue les philofophes qui ont eu foin de régler leur vie fur quelques raisons qu'ils ont recueillies de la raison femée par-tout, d'avec les chrétiens qui ont réglé leur vie fur la connoiffance & la contemplation de la raison entiere, c'està-dire, de Jefus-Chrift.

Dans l'autre paffage il dit: Nous avons appris & nous avons déja déclaré que JefusChrift, fils aîné de Dieu, étoit cette raison qui fe communique à tout le genre humain ; & ceux qui ont vécu avec la raison, font chrétiens, comme l'ont été ( en cela) parmi les Grecs, Socrate, Héraclite, & leurs femblables (1).

Cette reftriction en cela, n'eft pas dans le texte de S. Juftin; mais c'étoit fans doute fa pensée, comme il eft prouvé dans la pré

(1) S.Juftini apologia, no. 46, édition de 1742, pag. 71 &94.

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face du pere Bénédictin, auteur de l'édition (1).

Quoi qu'il en foit de l'origine des penfées de Marc-Aurele fur l'unité de la raifon, ce prince la reconnoît en cent endroits. (VI. 14. VII. 9. &c.) Il compare (XII. 30.) la raison univerfelle à la lumiere du foleil, qui, quoique divifée, est par-tout la même.

La raison de l'homme eft, felon lui, détachée du grand Jupiter (2), qui l'a donnée

(1) S. CLEMENT D'ALEXANDRIE dit que « Dieu a fait » avec les hommes, en quelque forte, trois alliances; l'une » avec les Gentils, l'autre avec les Juifs, & la troifieme » avec les Chrétiens. Il a été fervi & honoré par les uns » & par les autres, chacun en fa maniere. Il a donné aux » Gentils la philofophie, & la loi aux Juifs, & de ces » deux peuples il en a compofé fon église; réuniffant, » pour ainfi dire, en une les trois alliances, qui font toutes » trois fondées fur la parole du même Dieu. Car de même » qu'il a donné les prophetes aux Juifs, de même il a ac» cordé aux Gentils les philofophes qui font comme leurs » prophetes ». (D. Calmet, differtation fur les Gentils, en tête des épîtres de S. Paul, tome 1, in-4°. p. lxxj, édition de 1730, où il cite les textes grecs de S. Clément.)`

(2) ἀποσπασμα.

à chacun pour gouverneur & pour guide. (V.7.)

C'est un écoulement (1) de celui qui gouverne le monde. (II. 4.)

Tous les hommes ont une portion (2) de cette fubftance divine. ( II. 1.) Et nous trouvons dans la bible des expreffions femblables. Nous y lifons que la fageffe eft une vapeur de la vertu de Dieu, & une effufion toute pure de la clarté du tout-puissant..... un éclat de la lumiere éternelle. ( Livre de la fageffe. VII. 26.)

25.

Au furplus, Marc-Aurele regarde l'ame de chaque homme comme existant féparément, de même que les différentes mers ont chacune leur baffin; mais il croit que nos ames font partie d'un même élément fpirituel, comme toutes les mers appartiennent à l'élément de l'eau ; & que de plus une même raison les éclaire toutes comme la lumiere du foleil éclaire la terre & les mers. (IX. 8.),

(1) ἀποῤῥοια.

(2) θεια απομοιραία

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En fuivant cette comparaison de MarcAurele, on peut dire que la raison univerfelle éclaire les habitans de toutes les villes, villages & campagnes de la terre; mais que le philofophe en a fait comme de la lumiere du foleil : il divife celle-ci par le fecours d'un prifme, il la décompose en fes élémens, il découvre dans l'ordre de ces élémens une proportion diatonique, & il les combine en mille manieres différentes pour en tirer de nouvelles couleurs.

L'excellence de la raifon humaine dépend de l'ufage que nous en favons faire.

Sur-tout on découvre dans notre raison le principe divin & obligatoire de la loi naturelle, ainfi qu'on le verra fur le chapitre fuivant. C'est ce qu'il y a de plus admirable dans la philofophie de Marc-Aurele.

CHAPITRRE VII I.

Loi naturelle.

I.

L'ESPRIT de l'univers aime les rapports d'union. Il a donc fait les chofes moins parfaites pour de plus excellentes, & il a fait celles-ci les unes pour les autres, Tu vois l'ordre avec lequel il a fubordonné & combiné toutes chofes. Il a donné des facultés à chacune fuivant fa dignité, & il a infpiré aux meilleures une inclination réciproque. (V.3o.) ở số truongayo

I I.

Penfe très-fouvent à la liaison & à l'in

time rapport que toutes les chofes du monde ont entre elles; car elles font pour ainfi dire entrelacées, & par ce moyen alliées & confédérées ; & l'une eft à la fuite de l'autre, par l'effet du mouvement local, de la correfpondance & de l'union

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