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fciemment & de mon plein gré à un devoir effentiel.

Marc-Aurele dit ailleurs : « Ne méprise >> point la mort. . . . Il est d'un homme fage » de n'être sur ce fujet ni léger, ni em»porté, ni fier & dédaigneux, mais d'at» tendre la mort comme une des fonctions » de la nature. comme tu attends

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que l'enfant dont ta femme eft enceinte,

» vienne au monde ».

Dans un autre endroit, après une vive & touchante description des miferes de la vie, il ajoute : « On est réduit à se confoler » soi-même, en attendant fa propre dissolu» tion; mais il faut l'attendre fans fe cha» griner du retardement».

Ces mots, n'être ni léger, ni emporté, ni fier & dédaigneux fur la mort, ne point la méprifer, mais l'attendre fans fe chagriner du retardement, font une condamnation formelle du fuicide, puifqu'il est toujours l'effet de ces fentimens réunis ; & MarcAurele montre conftamment cette façon de penfer modérée & ferme fur l'attente

de la mort naturelle. Il ne penfoit donc pas fur ce point comme le commun des ftoïciens parloient.

Jufte-Lipfe, dans fon introduction à la philofophie ftoïcienne, a fait le dénombrement de douze cas, où, fuivant Seneque, Stobée, Epictete, & même Platon, un homme fage pouvoit & devoit fortir de la vie. Les objets de ces cas font la patrie, un ami, mauvaise fortune, douleurs trèsvives, mutilation, maladie incurable. pauvreté extrême, état de craintes continuelles, ignominie, âge décrépit, impoffibilité de vivre honnêtement & d'être utile à la fociété.

Mais confultons la raison.

Un honnête homme, pénétré d'un fentiment très-vif d'honneur ou d'amitié > peut & doit s'expofer à une mort presque certaine dans le cas d'une légitime défenfe. Perfonne n'en doute: mais fe tuer foi-même eft une action toujours inutile, ou bien lâche & dictée par la fureur. On vient de voir que Marc- Aurele la

condamne. Il n'adopte nulle part la doctrine du fuicide dans le cas de mauvaise fortune, &c. Voyez le chapitre des forces de l'ame contre la douleur, & cent autres paffages.

On expliquera plus bas ce qu'il pense de l'état d'une vieilleffe décrépite; & quant aux deux derniers cas, fi une force irréfiftible empêche le fage de faire des actions honnêtes & utiles, j'avoue qu'à prendre à la lettre ce que dit Marc-Aurele, il fembleroit être tout-à-fait ftoïcien. Mais ce feroit le faire tomber en contradiction avec luimême, & il est bien plus raisonnable de le concilier.

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Marc Aurele ne fauroit être foupçonné, comme les autres ftoïciens, d'avoir voulu briller aux yeux du public par une fierté d'ame affectée. Il penfoit ce qu'il difoit puisqu'il ne disoit rien que pour lui seul. L'habitude du langage ftoïcien l'a entraîné deux ou trois fois; mais il faut expliquer ces endroits. par fa vraie façon de penser qu'il développe ailleurs.

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Il me paroît impoffible d'imaginer uri cas précis, où l'impreffion d'une force irréfistible nous empêchant de faire une action honnête, on fût obligé de fe tuer. Quelque cas que l'on fuppofe, on ne fera jamais obligé qu'à faire d'extrêmes efforts & à tout rifquer. Mais alors, fuivant MarcAurele, l'effort devient l'action honnête qu'on s'étoit proposée (1). C'est ce qu'il répete fort fouvent. Il faut donc l'expliquer avec l'adouciffement que j'ai dit.

(1) Fais des actions juftes..... fi quelque force t'en em pêche, tourne ton ame à la patience & à l'égalité. Sers-toi de l'obftacle pour exercer une autre vertu. Souviens-toi que ton defir n'étoit que conditionnel, & que tu ne voulois pas l'impof fible. Que voulois-tu? Un certain effet de ton defir, & tu l'obtiens: ce defir devient la chose. (chapitre XXVI. des obftacles à faire le bien. §. 4.) On peut encore voir ici XIX, 21. XXVI. 2. XXVII. 20. XXXII. 3.

CHAPITRE XIII

Être content de tout ce qui arrive.

I.

SONGE que comme il feroit ridicule de trouver étrange qu'un figuier porte des figues, il ne l'eft pas moins de trouver étranges les événemens que le monde porte en abondance. C'eft comme fi un médecin & un pilote trouvoient étranges les accidens de la fievre & des vents contraires. (VIII. 15.) péjevnoo

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Tout ce qui arrive eft auffi ordinaire & auffi commun que les rofes le font au printems, & les fruits des arbres en été. Telles font la maladie, la mort, la calomnie, les conjurations, en un mot tout ce qui réjouit ou afflige les fots. (IV. 44.) mã› —

λυπεῖ.

III

Songe combien en un inftant il fe paffe:

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