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CHAPITRE XXIV.

Contre la pareffe.

I.

Le matin, lorfque tu fens de la peine à te lever, fais auffi-tôt cette réflexion : je m'éveille pour faire l'ouvrage d'un homme ; dois-je être fâché d'aller faire les actions pour lesquelles je suis né, j'ai été envoyé dans le monde ? N'ai-je été créé que pour refter chaudement couché entre deux draps?

Mais cela fait plus de plaisir.

C'est donc pour avoir du plaifir que tu as reçu le jour, & non pour agir ou pour travailler ? Voi ces plantes, ces oiseaux ces fourmis, ces araignées, ces abeilles, qui de concert enrichiffent le monde chacun de fon ouvrage ; & toi tu refuses de faire tes fonctions d'homme? Tu ne cours point à ce que ta nature exige?

Mais il faut bien prendre quelque repos.

La nature a mis des bornes à ce befoin, comme elle en a mis à celui de

manger & de boire; & tu paffes ces bornes, tu paffes au-delà du befoin, tandis que fur le travail tu reftes en deçà du poffible! C'est que tu ne t'aimes pas toi-même ; car fi tu t'aimois, tu aimerois auffi ta propre nature, & ce qu'elle veut. Les artistes qui font paffionnés pour leur art fechent fur leur ouvrage, fans fe baigner & mangeant peu. Fais-tu moins de cas de ta nature que n'en fait un tourneur de fon industrie, un comédien de fon jeu, un avare de fon argent, un ambitieux de fa folle vanité? Auffi-tôt que ces gens-là font à leur objet chéri, ils ont bien plus à cœur d'y faire des progrès que de dormir ou de manger. Or, les actions fociales te paroîtront-elles moins honnêtes, moins dignes de ton amour? (V. 1.) igrā

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Rappelle-toi, quand tu feras tenté de refter au lit, qu'il eft de la ftructure de ton être & de ta condition d'aller t'acquitter de

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quelque devoir focial, au lieu que le dormir t'est commun avec les bêtes. Tout ce qui convient à la nature de chaque être lui eft propre, eft plus fait pour lui, & même plus agréable. (VIII. 1 2. ) ὁτὰν = προσηνέστερον.

CHAPITRE XX V,
Contre le refpect humain.

I.

JUGE-TOI digne de ne jamais dire ou faire que ce qui convient à ta nature. Que le blâme ou les difcours d'autrui ne t'en impofent point. Si la chose eft honnête (1) à faire ou à dire, crois qu'elle n'eft point indigne de toi. Les autres ont leur façon dẹ penfer, leurs inclinations; c'eft leur affaire; n'y regarde pas. Va droit ton chemin; laiffe-toi conduire par ta propre nature & par la nature commune, Il n'y a pour l'une

(1) La traduction de Xylander prouve qu'il avoit lu e z«λbv, au lieu de iz«λò, qui eft une faute d'imprimeur,

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& l'autre qu'une feule route. (V. 3. ) ážsar

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Ne te laiffe point entraîner par ce tourbillon. Entre les divers mouvemens de ton cœur, choifis ce qui eft le plus conforme à la justice, & entre tes diverses imaginations, tiens-toi à ce que tu as clairement conçu. (IV. 22.) μù = xalaλnælıxóv,

I I I.

Ne vois-tu pas comment fe conduisent les gens d'art? Quoiqu'ils cedent en quelque chofe aux volontés des ignorans, néanmoins ils fe tiennent toujours aux regles de leur profeffion, & ne s'en laissent point écarter tout-à-fait. N'eft-il pas affreux qu'un architecte, un chirurgien faffent plus de cas de leurs regles que l'homme n'en fait de cet art qui lui eft fpécialement propre & qu'il exerce en commun avec les dieux? (VI. 35.) õx=deus ;

I V.

Quoi qu'on faffe & quoi qu'on dife, il

faut abfolument que je fois homme de bien; il en doit être de moi comme de For, de l'éméraude, de la pourpre, qui diroient fans ceffe: quoi qu'on fafse & quoi qu'on dife, il faut abfolument que je fois une éméraude, il faut que j'aie ma couleur. (VII. 15.) ¡¡='ixstv. ἔχειν.

V.

Tu veux être loué d'un homme qui trois fois dans une heure fe maudit lui-même ? Tu veux plaire à un homme qui se déplaît ? Hé, comment pourroit-il se plaire, puifqu'il fe repent de prefque tout ce qu'il fait ? (VIII. 53.) ἐπαγνεῖσθαι = πράσσει.

V I.

Examine bien comment ils ont la tête faite, fur-tout ceux qui ont de la prudence. Que fuient-ils ? Que recherchent-ils? (IV. 38.) τὰ ἡγεμονικά — διώκουσιν.

VII.

Entre dans ces têtes, & tu verras quels

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