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que tu fois. Un cylindre ne peut de luimême se mettre en mouvement que dans une certaine fituation. Il en eft de même de l'eau, du feu & des autres choses qui ne font régies que par les impreffions de la nature ou d'une forte d'ame deftituée de raifon; car fouvent les loix de la nature les retiennent & leur interdifent tout mouvement. Mais une ame intelligente & raifonnable n'a qu'à vouloir. Elle est en état par fa nature de franchir tous les obftacles ; elle fe donne tel mouvement qu'il lui plaît, & avec la même facilité que le feu s'éleve, que l'eau s'écoule, qu'un cylindre roule en bas. Si tu as toujours devant les yeux cette vérité, il ne t'en faut pas davantage.

Les obftacles ne peuvent agir que fur le corps, ce cadavre que l'ame traîne, & ils ne peuvent ni frapper l'ame ni lui faire aucun mal, à moins qu'elle ne s'imagine fauffement que ce font de vrais obftacles pour elle; & qu'elle ne fe laiffe dominer par cette erreur; car s'il en étoit autrement, l'ame arrêtée par la difficulté feroit auffi-tôt mau vaife & dégradée.

Les

Les ouvrages de l'art ne peuvent éprouver aucun accident qu'auffi-tôt ils ne deviennent moins bons; au lieu que fi l'homme fait un bon usage des difficultés, il en devient en quelque forte meilleur & plus digne de louange.

En général fouviens-toi qu'un citoyen de cette grande ville du monde ne peut être bleffé que de ce qui offenferoit la ville entiere. Il n'eft rien qui puiffe nuire au monde que ce qui troubleroit la loi de fon arrangement, & aucun de ces accidens que le vulgaire nomme fâcheux ne peut troubler cet ordre; donc ils nè peuvent nuire à la ville ni au citoyen. (X. 33.) τὶ ἔστι == πολίτην.

VI I.

Comme ceux qui te font obftacle dans lé chemin de la droite raison ne peuvent te détourner d'une bonne action, ne ceffè pas de les aimer. Mais tiens-toi ferme également fur ces deux principes: l'un, de perfévérer dans ta façon de penfer &

d'agir; l'autre, d'avoir de la douceur pour ceux mêmes qui veulent te faire obstacle ou qui te font fâcheux de tout autre maniere: car il n'y auroit pas moins de foibleffe à leur en vouloir du mal qu'à abandonner la bonne action & à fuccomber à la crainte. C'est agir en foldat qui abandonne fon pofte, que de se laiffer intimider, ou de haïr celui que la nature a fait notre parent & notre ami. (XI. 9.) oi ivcolágeevos ==

φίλον.

VIII.

Si quelque chofe te paroît difficile à faire, fonge qu'elle n'eft pas impoffible à l'humanité; & fi un autre peut la faire, si même fi elle convient à tout homme, fonge que tu peux y atteindre auffi. (VI. 19.) più =vóριζεσ

I X.

Que le pouvoir de l'homme eft grand! Il lui eft libre de ne rien faire que ce qu'il fait bien que Dieu approuvera, & de recevoir avec réfignation tout ce qu'il plaît à Dieu de lui envoyer. (XII. 11.) níeny —brós.

CHAPITRE XXVII.

Encouragemens à la vertu.

I.

EMBELLIS MBELLIS ton ame de fimplicité, de pudeur, & d'indifférence pour tout ce qui

n'eft ni vertu ni vice. Aime tous les hommes. Obéis à Dieu; car, comme dit un poëte:

Ses loix gouvernent tout.

Mais s'il n'y a que les atomes élémen taires?

En ce cas il fuffit de te rappeller que toutes ces choses vont auffi par des loix conftantes, du moins à peu de chofes près,

[ca

car nos volontés font libres ]. (VII. 31.) Φαίδρυνον = ὀλίγα (1).

I I.

Ceffe d'errer çà & là, car tu n'auras pas

(1) Xylander, en cet endroit où le texte eft obfcur, dit que fouvent pour l'entendre il faut plutôt être devin que fimple interprete. Mais en comparant les paffages analogues, on devine prefque toujours à coup sûr.

le tems de relire tes mémoires, ni les hauts faits des anciens Romains & des Grecs, ni les recueils que tu avois mis à part pour ta vieilleffe. Hâte-toi donc de marcher à ton but, & renonçant à de frivoles espérances, viens toi-même à ton secours, tu as tes intérêts à cœur. Cela dépend de toi. (III. 14.) penxéti—¿žiolev.

I I I.

fi

Il ne faut pas feulement confidérer que la vie fe confume, & qu'il en refte moins à paffer, mais encore fonger que fi on parvient à un grand âge, il n'est pas fûr que l'on confervera la même force d'efprit & de jugement pour la contemplation, la recherche & la connoiffance des chofes divines & humaines; car fi un homme tombe en enfance, il continue à la vérité de transpirer, de fe nourrir, d'avoir de certaines imaginations, de certains defirs & autres choses semblables, mais il ne jouit plus de lui-même, & la vivacité de fon efprit fe trouvant éteinte, il n'eft plus

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