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faute eft conftante, crois qu'il s'eft déja jugé coupable, châtiment auffi fenfible que s'il s'étoit déchiré le vifage à lui-même. Songe encore que celui qui ne veut pas qu'un méchant faffe des fautes ressemble à celui qui ne voudroit pas que le fruit d'un figuier contînt du lait, ni que les enfans au berceau pleuraffent, ni que les chevaux henniffent, & ainfi des autres chofes qui arrivent nécessairement. Que voudrois-tu que fît un homme qui a de mauvaises habitudes? Puifque tu es fi vif, guéris-le de ces habitudes. ( XII. 16.) ἐπὶ τῇ — θεράπευσαν

XVIII.

Diffipe, fi tu le peux, leurs préjugés, & fi tu ne le peux pas, fouviens-toi que c'est pour eux que t'a été donné le sentiment de bienveillance. Les dieux même les aiment & contribuent (tant ils ont de bonté) à leur faire avoir de la fanté, des richesses de la gloire. Il ne tient auffi qu'à toi để leur vouloir du bien; dis-moi qui t'en empêche. (IX. 11.) & perxwλówv.

CHAPITRE XXIX.

Sur les offenfes qu'on reçoit.

I.

EN faifant ensemble nos exercices quelqu'un nous a égratignés & bleffés d'un coup de tête. Nous ne nous en plaignons pas. Nous ne nous tenons pas pour offenfés, & dans la fuite nous ne nous défions pas de cet homme comme d'un traître ; nous nous gardons fimplement de lui fans air d'inimitié ni de foupçon; nous nous contentons de l'éviter tout doucement. C'est ainsi qu'il faut faire dans tout le refte de la vie. Paffons bien des chofes à ceux qui, pour ainfi dire, s'exercent avec nous. Il ne nous eft pas défendu, comme je l'ai dit, d'éviter certaines gens, mais il ne faut avoir ni foupçon ni haine. (VI. 20.) iv roïs — áríxlır

θαι.

I I.

On tue, on massacre, on maudit (les em

pereurs). Cela m'empêchera-t-il de conferver une ame pure, fage, modérée, juste? Telle qu'une fource d'une eau claire & douce qu'un paffant s'aviseroit de maudire, la fource n'en continue pas moins de lui offrir une boiffon falutaire ; & s'il y jette de la boue, du fumier, elle se hâte de les diffiper, de les laver, fans en être altérée.

Comment feras-tu pour avoir au dedans de toi une fource intariffable, & non une cîterne?

Ranime à toute heure dans ton cœur le goût de la liberté, de la bienveillance, de la fimplicité, de la pudeur. (VIII. 51 à là fin.) κλείουσι = αιδημόνως.

I I I.

Quelqu'un me manque? c'eft fon affaire. Son cœur, fes facultés font à lui; & moi j'ai maintenant ce que la commune nature m'envoie ; je fais maintenant ce que ma nature particuliere exige de moi. (V. 25.) άλλος = φύσις.

I V.

La volonté de mon prochain m'est aussi

étrangere que fon ame & fon corps me le font; car quoique la nature nous ait principalement faits les uns pour les autres, cependant chacun de nos efprits a fon domaine à part. S'il en étoit autrement, un méchant homme auroit pu me rendre méchant comme lui: pouvoir que Dieu n'a pas voulu lui donner, parce qu'en me rendant méchant, il m'auroit auffi rendu malheureux. (VIII. 56.) rõ iμw —átuɣEN,

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Lorfqu'un impudent te choque, fais-toi auffi-tot cette question: est-il poffible que dans le monde il n'y ait point d'impudens? Cela ne fe peut ne demande donc pas l'impoffible; celui-ci eft un de ces impudens qui doivent néceffairement fe trouver dans le monde. Ne manque pas d'en dire autant du fourbe, du traître, de tout autre méchant; car en te rappellant qu'il eft impoffible de ne pas rencontrer des hommes de cette efpece, tu en feras plus indulgent pour chacun d'eux.

Il est auffi très-utile de penfer d'abord à celle des vertus que l'homme a reçues de la nature contre chaque défaut de fon prochain; elle lui a donné la douceur comme une forte de préfervatif contre la colere que peut exciter la fottife, & contre un autre défaut elle a donné un autre antidote. Après tout il ne tient qu'à toi de remettre dans le bon chemin celui qui s'eft égaré, car tout homme qui manque à fon devoir manque le but général qu'il s'est propofé. En quoi donc te trouves-tu offenfé? Cherche, & tu trouveras qu'aucun de ceux qui caufent ton indignation n'a altéré les facultés de ton ame; car tu ne peux fouffrir un vrai mal, un vrai préjudice qu'en elle. Mais y a-t-il un vrai mal, est-il étrange qu'un homme fans éducation faffe les actions d'un homme de fa forte? Vois plutôt fi tu ne dois pas t'accufer toi-même pour n'avoir pas attendu de lui ces fauteslà. Les lumieres de ta raifon devoient te le faire préfumer; c'est pour l'avoir oublié que tu t'étonnes de fa faute.

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