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qui lui produifirent un fond confidérable (1). Il fe rendit à Carnunte, & paffa le Danube à la tête de fes troupes fur un pont de bateaux. C'est à Carnunte qu'il écrivit le deuxieme recueil de fes pensées.

Cette expédition de l'année 170 & des fuivantes fut plus longue & plus difficile que les autres. L'empereur cherchant luimême un gué le long d'une riviere, les frondeurs des ennemis lui lancerent une fi grande quantité de pierres, que fa vie fut en très-grand danger. Il paffa cependant la riviere, fondit fur les ennemis, & en fit un grand carnage.

Ces barbares étoient des gens de cœur qui fe battoient de pied ferme, & ne fuyoient que pour faire tomber les Romains dans quelqu'emhufcade. Une de ces fuites apparentes mit un jour l'armée romaine, trop ardente à les fuivre, dans un très-grand péril, Toutes les victoires étoient difputées & fanglantes. Marc-Aurele en remporta plufieurs, en avançant tou

(1) Voir page 9 de la traduction du texte, note 2,

jours dans le pays. Il paffa plufieurs rivieres, défit les Sarmates & les Jazygiens, & cependant ce ne fut point encore affez pour finir une fi cruelle guerre.

Malgré la rigueur de la faison, MarcAurele s'avança jusqu'à un canton où les barbares avoient affemblé leurs plus grandes forces, & retiré tous leurs effets. La bataille se donna auprès du Danube, & en partie fur ce fleuve même qui étoit gelé. Marc-Aurele, après des efforts incroyables, demeura vainqueur; il mit fes troupes en quartier d'hiver, & fe retira à Sirmium.

Le printems ne fut pas plutôt revenu que l'empereur se remit en campagne, repaffa le Danube, battit plufieurs fois les ennemis, & les obligea enfin à se remettre à fa difcrétion. Il retira des mains des Sar mates un très-grand nombre de prisonniers qu'ils avoient fait fur les Romains. Il reçut leurs ôtages, & leur impofa des conditions proportionnées à la fupériorité qu'il avoit acquife fur eux. Mais un événement im

prévu, & plus terrible que toutes ces guerres, l'obligea d'adoucir les conditions de cette paix.

En l'année 175, Caffius qui commandoit en orient, ayant profité du faux bruit de la mort de Marc-Aurele, ou l'ayant fait courir, s'étoit fait proclamer empereur. II avoit foumis toute la Syrie, & travailloit à débaucher la Grece. Mais fon armée ayant appris que Marc-Aurele étoit vivant, Caffius fut tué après trois mois de révolte. On porta fa tête à l'empereur dans le tems qu'il étoit en Italie, prêt à s'embarquer pour paffer dans la Grece.

Il ne laiffa pas de partir, jugeant sa préfence néceffaire pour achever d'appaiser la révolte. Il commença par l'Egypte ; il vint en Syrie, où il fit brûler toutes les lettres & les papiers de Caffius, fans vouloir les lire. Enfuite il vint en Grece.

Après avoir rétabli le calme dans toutes ces grandes provinces, & ordonné qu'à l'avenir nul n'auroit le commandement du pays ou il feroit né, il revint enfin à Rome

dont il étoit absent depuis près de huit ans. Il distribua à tout le peuple fix ou huit pieces d'or par tête, & leur fit remife de tout ce qu'ils devoient au tréfor public; il donna de magnifiques fpectacles, & fit élever des ftatues aux vaillans hommes qui l'avoient le mieux fervi dans la derniere guerre: mais la paix ne dura que deux ans.

Les Scythes ayant repris les armes avec d'autres peuples du nord, Marc-Aurele marcha contre eux avec fon fils Commode.

Xyphilin dit à cette occafion : « Marc-Au»rele demanda au fénat, avant que de par

«

tir, l'argent qui étoit dans le tréfor public. » Ce n'eft pas qu'ayant l'autorité abfolue » entre les mains, il ne lui eût été aifé de le prendre au lieu de le demander; mais » c'est qu'il avoit accoutumé de dire, que >> tout le bien appartenoit au fénat & au » peuple. Haranguant un jour dans cette compagnie, il dit: je n'ai rien à moi, & » le palais où je demeure eft à vous (1) ». Le premier combat fut fi opiniâtre, qu'il (1) Traduction du président Cousin, p. 396.

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dura depuis le matin jufqu'au foir. Les autres combats furent encore fanglans. Les victoires des Romains ne furent dûes qu'à la prudence de leur empereur, & à l'exemple qu'il donnoit à fes troupes, en marchant toujours à leur tête dans les lieux les plus exposés.

Pendant l'hiver il fit conftruire des fortereffes pour tenir le pays en bride. Mais dans le tems qu'il fe difpofoit à ouvrir la campagne, il fut attaqué à Vienne en Autriche d'une fievre maligne qui l'emporta en peu de jours à l'âge de près de 59 ans. << Perfonne, dit Capitolin ne jugea » qu'il fallût gémir fur fon fort, tout le » monde étant perfuadé que ce prince étoit » avec les dieux qui n'avoient fait que le

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prêter. Le fénat & le peuple Romain le » déclarerent unanimement dieu propice, » avant même que la cérémonie de fes fu» nérailles fût achevée ; ce qui ne s'étoit jamais fait, & n'eft point arrivé depuis. » Les perfonnes de tout âge, de tout sexe, » de toutes conditions ne fe contenterent

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