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le ftyle de Marc-Aurele, quoique ferme, énergique & fentant fon empereur, eft raboteux & hériffé. Il fous-entend bien des mots qu'il faut fuppléer; il ufe d'expreffions tout à fait à lui & qui ne fe rencontrent guere dans les autres livres.

La difficulté, jointe à l'exellence du fond, m'excita. J'ai donc expliqué Marc-Aurele par lui-même, en rapprochant les paffages analogues; & mes amis favent que je n'ai épargné ni tems, ni peines, ni recherches, ni précautions de tout efpece, pour donner à mon travail toute la perfection dont j'étois capable. La difficulté cependant est si extrême & l'objet fi intéreffant, que je compte m'en occuper encore le refte de ma vie.

J'ai changé le titre ordinaire du livre. On a vu que le titre de Philoftrate, rapporté par Suidas, eft différent de celui du manuscrit palatin publié par Xylander, & que le manufcrit du Vatican eft fans titre, comme devoit l'être un recueil de tablettes.

J'ai imaginé que le titre de Penfées convenoit à un tel ouvrage. Mais comme le titre du manufcrit palatin eft connu depuis plus de deux fiecles, je n'ai pas cru devoir l'omettre.

Les traductions de ce titre ont fort varié jusqu'à préfent, parce que dans le texte il y a un mot à fuppléer, que chaque auteur a fous-entendu à fa maniere. Je me fuis arrêté au sentiment de deux favans (1) qui ont regardé le titre du manufcrit palatin comme emprunté d'un pareil ouvrage du législateur Solon, où le mot qui manque dans les éditions de Marc-Aurele, fe trouve exprimé (2), c'est ce qui m'a donné pour fecond titre de ma traduction de MarcAurele Leçons de vertu que ce prince philofophe fe faifoit à lui-même.

(1) Fabricius biblio. græc. t. 4, lib. 4, cap. 23,§. 2. Lamberti Bos, ellipfes græcæ, p. 252, édit. 1673. (2) T'éypape.... eis iaulov izobńxas. Scripfit.... ad fefe quæ dam exhortatoria. Diog. Laert. Solon, fegm. 61. vorila fignificat inter alia, præceptiones dare doctrina moralis & philofophicæ. Budaus, p. 194.

Sur

Sur le refte de mon travail je ne dirai que de mots.

ce peu

J'ai raffemblé les pensées fondamentales de Marc-Aurele dans huit notes principales, qui forment un tableau général de fa façon de penfer fur l'être fuprême, les dieux créés, la providence, la raison, la loi naturelle, le fuicide, la douleur, la philofophie, l'immortalité de l'ame.

J'ai cité les plus beaux paffages d'Epictete, dont Marc-Aurele avoit fuppofé la connoiffance. Epictete étoit mort depuis

peu.

Je ne dis rien des autres notes de fimple littérature; & le public jugera des efforts que j'ai faits pour approcher de la briéveté inimitable de Marc-Aurèle.

Je ne faurois mieux peindre l'efprit dans lequel j'ai travaillé,qu'en finiffant par ce trait naïf de mon enthousiasme: fi je fuis parvenu à rendre tout à fait fenfible aux ames pures & finceres le principe divin & obligatoire de la loi naturelle, j'aurai laiffe quelque trace utile de mon paffage fur la terre;

C

j'y aurai fait, fuivant l'expreffion de MarcAurele, une fonction d'homme, & je mourrai content (1).

(1) Il peut fe trouver quelques perfonnes exceffivement zélées pour notre religion, qui verront de mauvais œil l'expofition que j'ai faite de la belle morale des ftoïciens. Je les invite à penser au contraire comme S. Auguftin, S. Juftin le Martyr, & S. Clément d'Alexandrie, dont j'ai cité les paffages (pp. 103, 106 & 107.); comme S. Jérôme, cité par Gataker & Juste-Lipfe, qui reconnoiffoit avec plaifir la conformité du stoïcisme avec la plupart de nos dogmes; comme S. Nil, chef de folitaires auxquels il donna pour toute regle fpirituelle le manuel d'Epictete, en y fupprimant quelques mots; comme S. Charles Borromée qui, fuivant Jufte-Lipfe, faifoit fes délices de la lecture d'Epictete; comme le cardinal François Barberin, &c. &c. &c.

Nos motifs de bien vivre font infiniment plus forts que ne l'étoient ceux des ftoïciens; mais les penfees & l'exemple de Marc-Aurele ne doivent nous inspirer que de l'émulation.

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