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fort cheres. Les dépenfes du Laboureur fe trouvent donc augmentées de plus d'un tiers, dans le tems que fes profits font diminués d'un tiers; ainfi il fouffre une double perte qui diminue fes facultés, & le met hors d'état de foutenir les frais d'une bonne culture: auffi l'état de Fermier ne fubfiste-t-il prefque plus; l'Agriculture eft abandonnée aux métayers, au grand préjudice de l'Etat.

Ce ne font pas fimplement les bonnes ou mauvaises récoltes qui réglent le prix du bled; c'eft principalement la liberté ou la contrainte dans le commerce de cette denrée, qui décide de fa valeur. Si on veut en restraindre ou en gêner le commerce dans les tems des bonnes récoltes, on dérange les produits de l'Agriculture, on af foiblit l'Etat, on diminue le revenu des propriétaires des terres, on fomente la pareffe & l'arro

gance du domeftique & du manouvrier qui doivent aider à l'Agriculture; on ruine les Laboureurs on dépeuple les campagnes. Ce ne feroit pas connoître les avantages de la France, que d'empêcher l'exportation du bled par la crainte d'en manquer, dans un Royaume qui peut en produire beaucoup plus que l'on n'en pourroit vendre à l'étranger.

La conduite de l'Angleterre à cet égard, prouve au contraire qu'il n'y a point de moyen plus fûr pour foutenir l'Agriculture, entretenir l'abondance & obvier aux famines que la vente d'une partie des récoltes à l'étranger. Cette nation n'a point effuyé de cherté extraordinaire ni de non-valeur du bled, depuis qu'elle en a favorifé & exci é l'exportation.

Cependant je crois qu'outre la retenue des bleds dans le Royaume, il y a quelqu'autre caufe qui

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a contribué à en diminuer le prix; car il a diminué auffi en Angleterre affez confidérablement depuis un tems, ce qu'on attribue à l'accroiflement de l'Agriculture dans ce Royaume. Mais on peut préfumer auffi que le bon état de l'Agriculture dans les Colonies, fur-tout dans la Penfylvanie, où elle a tant fait de progrès depuis environ cinquante ans, & qui fournit tant de bled & de farine aux Antilles & en Europe, en est la principale cause, & cette caufe pourra s'accroître encore dans la fuite : c'eft pourquoi je borne le prix commun du bled en France à 18 liv. on fuppofant l'exportation & le rétabliffement de la grande culture; mais on feroit bien dédommagé par l'accroiffement du produit des terres, & par un débit affuré & invariable, qui foutiendroient conftamment l'Agriculture.

pas

La liberté de la vente de nos grains à l'étranger, est donc un moyen effentiel & même indif penfable pour ranimer l'Agriculture dans le Royaume; cependant ce feul moyen ne fuffit pas. Onappercevroit à la vérité que la culture des terres procureroit de plus grands profits; mais il faut encore que le Cultivateur ne foit inquiété par des impofitions arbitraires & indéterminées: car fi cet état n'eft pas protégé, on n'expofera pas des richeffes dans un emploi fi dangereux. La fécurité dont on jouit dans les grandes villes, fera toujours préférable à l'apparence d'un profi qui peut occafionner la perte des fonds néceffaires pour former un établissement fi peu

folide.

Les enfans des Fermiers redoutent trop la milice; cependant la défenfe de l'Etat eft un des premiers devoirs de la Nation : per

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fonne à la rigueur n'en eft exempt, qu'autant que le Gouvernement qui régle l'emploi des hommes, en difpenfe pour le bien de l'Etat. Dans ces vues, il ne réduit pas à la fimple condition de foldat ceux qui par leurs richeffes ou par leurs profeffions peuvent être plus utiles à la fociété. Par cette raison l'état du Fermier pourroit être diftingué de celui du métayer, fi ces deux états étoient bien connus. Ceux qui font affez riches pour embraffer l'état du Fermier, ont par leurs facultés la facilité de choifir d'autres profeffions; ainfi le Gouvernement ne peut les déterminer que par une protection décidée, à fe livrer à l'Agriculture *.

* La petite quantité d'enfans de Fermiers que la milice enléve, eft un fort petit objet; mais ceux qu'elle détermine à abandonner la profeffion de leurs peres, méritent une plus grange attention par rapport à l'Agriculture qui fait la vraie force de l'Etat. Il y a actuel

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