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tique, ils prenoient ces derniers pour de véritables Iberes. Et à dire vrai, il étoit difficile qu'ils n'y fûffent pris, fur-tout dans un tems où l'établif fement des Celtes en Espagne devoit être récent; puifque dans des tems fort bas Strabon fait foi, que cette reffemblance duroit encore entre les Espagnols & les Aquitains.

Une autre raison également forte & folide, qui a fait que les Grecs des premiers tems ont traité d'Iberes les Celtes du païs dont nous parlons, c'eft que les Phocéens, qui font Les premiers entre tous les Grecs, qui aient découvert la mer Adriatique, la mer Tyrrhénienne, l'Iberie proprement dite, & Tarteffe, n'ont eu aucune connoiffance des Gaules. Ce n'eft point qu'ils pûffent faire le trajet de Ï'Afie mineure en Espagne & à Tar teffe, fans relâcher dans quelque port des Gaules: mais comme le port des Gaules où ils relâchoient, étoit toûjours à l'embouchure du Rhone, & que de-là ils fe rendoient directement en Espagne, ils crurent, au moins dans les tems dont nous

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parlons, que les peuples, qui habitoient les côtes qui étoient à la droite du Rhône, étoient des Jberes. Delà vient que la bouche du Rhône, qui féparoit le païs des Volces de la Ligurie Tranfalpine ou Celtique s'appelloit encore du tems de Pline Plin. l. l'embouchure Efpagnole : Libica ap211.5. pellantur duo ejus ora modica i ex his alterum Hifpanienfe, alterum Metapinum, parce qu'elle regardoit l'Espagne, & étoit au couchant.

Au refte, quand pour lever la difficulté que fait M. Gibert, nous n'aurions d'autres raifons à donner que l'ignorance des Grecs, tout efprit raisonnable devroit s'en contenter: car touchant notre Occident, on ne fçauroit dire jufqu'à quel point ils l'ont portée,& combien ils ont défiguré notre Géographie.

Jufqu'ici j'ai mis les chofes au pis: j'ai expliqué le paffage de Scylax comme on l'explique ordinairement ; mais il s'en faut bien que ce Géographe ait été entendu, & qu'ainfi il ait placé des Iberes dans les Gaules; ni que les Liguriens dont il parle, foient

ceux qui étoient immédiatement ou au-delà, ou en-deçà du Rhône. Les Iberes qu'il met au-delà des Liguriens, font les originaires du païs, qui occupoient les Provinces qui s'étendoient depuis Tarteffe & les Colonnes d'Hercule, jufqu'à Empuries; de même, les Liguriens que Scylax dit être mêlés avec les Iberes, c'eft la colonie des Marseillois établis à Empuries, qui, avec les naturels du canton, occupoient une ville, qui en renfermoit deux dans une même & feule enceinte en forte cependant que la ville étoit partagée en deux par un mur, qui formoit deux villes parfaites, dont l'une étoit occupée par les Marseillois, & l'autre par les Iberes. Le quartier des Marseillois étoit fur la mer, & celui des Iberes regardoit les terres. Scylax traite les Marfeillois de Liguriens, parce que Marseille leur métropole étoit dans la Ligurie Tranfalpine.

Les Marfeillois avoient deux autres colonies en Espagne, Rozes & Hemerofcopium, & une quatriéme au moins dans le païs des Volces,

qui étoit Agde. Quoique Scylax n'en dife rien, il eft vifible, qu'il les comprenoit dans les paroles qu'on cite de fon Periple; & comme les Marseillois tenoient par tout à peu près la même conduite qu'à Empuries, & y obfervoient les mêmes chofes, il eft certain que c'eft des Marseillois d'Empuries, de Rozes, d'Hemerofcopium, & d'Agde, qu'il dit, qu'après les Iberes venoient des Liguriens & des Iberes mêlés ensemble. Et pour le convaincre que je n'avan→ ce rien, qui ne foit exactement vrai, il fuffit de jetter les yeux fur ce qui precede & fuit ce paffage : le voici tout entier tel qu'on le lit dans l'original. Les premiers hommes de l'Europe, dit Scylax, font les Iberes peuple de l'Iberie. Le fleuve Iberus. Il y a dans cette contrée deux ifles qu'on appelle Gades; dans une defquelles il y a une ville, qui eft à une journée des Colonnes d'Hercule Enfuite eft un comptoir, éria gé en ville Grecque, à qui on a donné le nom d'Empuries: fes habitans font une colonie des Marfeillois. Il faut fept jours fept nuits pour ranger les côtes d'Ibe

rie. Après les Iberes viennent les Ligu riens & les Iberes mêlés enfemble. Les Liguriens emploient deux jours & une muit à faire le trajet d' Empuries à l'em

bouchure du Rhône.

Il y auroit ici une infinité de réflexions à faire; mais je les concentre toutes en un fort petit nombre, qui fervent à répandre quelques lumieres fur nos antiquités.

La premiere eft que Scylax n'a point connu d'autres Liguriens que les Marseillois ; & qu'ainfi l'Auteur moderne ne sçauroit conclure, ni des Liguriens que Scylax place entre l'Iberie & le Rhône, ni des colonies qu'il eft certain que les véritables Liguriens ont conduites en Espagne,que les Volces des Gaules eûffent une origine Ligurienne.

La feconde eft, que quand on fuppoferoit que Scylax a connu les véritables Liguriens, on ne pourroit pas inférer des conquêtes que ce peuple a faites dans l'Iberie, qu'il fe foit P. 75. emparé du païs des Volces, qui eft entre leur païs originaire & les Efpagnes ; parce que c'eft par mer, & non par

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