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Pag. 28.

» Les Alpes, avant que d'être » ainfi appellées, fe nommoient réel»lement les monts Riphées : c'eft ce » que rapporte Pofidonius dans A>thenée: c'eft ce que foutient Protarchus dans Etienne de Byzan

»ce. »

J'abandonne volontiers Pofidonius à M. Gibert. Cet Auteur comparé à un point de Géographie, qui a précedé de plus de quinze fiecles celui où il a vêcu, eft fi récent, qu'il ne mérite, ni d'être écouté, ni d'être cité. Ce qui eft d'autant plus certain, qu'il ne s'eft avifé de convertir, de fon autorité privée, les Alpes de notre Occident en monts Riphées, que parce qu'il a défefperé de découvrir la véritable pofition des monts Riphées des anciens.

Pour Protarque, il eft fi éloigné d'avancer ce qu'on lui fait dire, qu'il affûre manifeftement le contraire. En effet, voici les paroles d'Etienne de de Byzance exactement rendues en François: Protarque dit que les Alpes portent auffi le nom de monts Ri phées, & qu'on appelle Hyperboréens les

peuples qui habitent aux pieds des Alpes. Or pour peu qu'on foit initié aux myfteres de l'ancienne Géographie, en lifant les paroles de Protarque, on eft convaincu que cet Ecrivain ne parle nullement de cette partie des Alpes, qui féparoient l'Italie de la Germanie & des Gaules, & qui étoient feulement connues de Pofidonius: Mais que ces paroles tombent néceffairement fur les Alpes, que les anciens plaçoient à l'extrémité du Nord de l'Europe, telles qu'étoient les Alpes Carpathiennes, ou ces montagnes qu'on appelle encore fur les lieux, les Alpes de Transilvanie, qui Léparent cette Province de la Valachie, ou quelques autres montagnes femblables du Septentrion: car les anciens étendoient les Alpes jus ques-là.

Cette vérité a bien été entrevûë par quelques-uns de nosSçavans des derniers tems; mais aucun d'eux n'a pû la confiderer à toutes fortes de jour, faute, non-feulement d'une autorité expreffe, fur laquelle il pût fe décider, mais encore de fçavoir le peu de

fonds qu'il falloit faire fur celle dePo fidonius.Mais aujourd'hui le voile eft levé, & c'eft Onomacrite qui nous rend cet important fervice. En effet, cet Auteur fi antérieur à Protarque, & fort connu de l'Auteur moderne, après avoir fait franchir les monts Riphées aux Argonautes, les introduit dans l'heureux climat des Hyperboréens ; & au fortir de-là, il les fait paffer immédiatement dans le pays des Cimmeriens, « peuple, dit»il, qui eft condamné à paffer sa vie » dans les téņebres, parce que le mont Riphée & le mont Calpien à l'O»rient, le mont Phlegre au Midi, & les hautes Alpes à l'Occident, lui dérobent en tout tems la clarté du » foleil.»

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Εν μὲν γὰρ Ρίπαιον ὄρος, καὶ Κάλπος ἀυχίων
Ανατολίας εἴργεσ', ἐπικέτλιται δ' πυραύρη
Α' σον ἐπισκιάζεσαι μεσημβριὸν μέρα φλέγει
Δείελον αὖ κρύπτεσι φάος τ' ἀνωνίες Αλ

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Κείνοισι μερόπεσιν, ἀχλὺς δ ̓ ἐπικέκλιταί ἀιε!.

Onomaer. Argon. fol. 35. verfo, édit
Aldin. an. 1517.

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Un témoignage fi clair & fi précis m'exempte de faire des réflexions, qui ne ferviroient qu'à répan dre des ténébres cimmériennes fur le point important, que je viens d'éclaircir.

§. VI.

Vraie fignification du mot Riphée. Les monts Riphées étoient près de la caverne par où l'on defcendoit aux Enfers ; & cetr te caverne étoit au fond du Nord,

» Le nom même de Riphées eft Là me purement Celtique, & fignifie dans me. » cette langue les montagnes du froid, ? telles qu'on dépeignoit celles dont il s'agit."

Arvaque Riphais numquàm viduata
pruinis.

L'Auteur moderne ne perfuadera à qui que ce foit, que le nom de Riphées foit purement Celtique, & qu'il fignifie dans cette langue les montagnes du froid, à moins qu'il

ne cite quelque Ancien, fur la foi duquel on puiffe compter. Je trouve au contraire dans Servius, que Riphée a une origine Greque, & qu'il fignifie impétuofité. Riphai autem montes Scythia, ut diximus, à perpetuo ventorum flatu nominati : nam poù Gracè impetus & ὁρμὴ ὑπὸ τὸ ῥίπτειν· Serv. Geor gic. 111. p. 140. Ainfi en attendant, on peut s'en tenir en fûreté de conscience à la fignification marquée par Servius; parce qu'outre que ce font les Grecs, qui ont les premiers parlé des monts Riphées, ils les ont auffi connus, & pour ainfi dire, baptifés plufieurs fiécles avant qu'ils fçûffent s'il y avoit des Celtes dans le monde.

Au refte, une preuve certaine que dans le vers cité par l'Auteur moderne le nom Riphées ne fignifie ni loin ni près, ce qu'il lui fait fignifier, c'eft qu'il y eft emploïé pour marquer la pofition des lieux, qui font aux environs de la caverne, par où les Anciens difoient que l'on defcendoit aux Enfers. Caverne que Virgile, en cet endroit, Onomacri

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