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de cent années de pleines lunes, fans éprouver la moindre incom-« modité:ils paffent leur vie,exempts «< de peines & de chagrins. Une eau « plus douce que le nectar leur fert " de boiffon, & les fruits de la terre « font tous leurs feftins. La férénité" eft égale fur le vifage des vieillards" & des jeunes. Toutes leurs actions " font reglées par l'équité, & leurs « paroles font dictées par la pruden-"

ce.«

Au fortir de cette heureuse con-" trée, les Argonautes entrerent dans « celle des Cimmeriens. Ces derniers" font condamnés à ne voir jamais la« clarté du foleil: car d'un côté les" monts Riphées & Calpiens qu'ils« ont au levant, & de l'autre la mon-" tagne de Phlegre qui eft au midi,« comme les Alpes qu'ils ont au cou-« chant leur dérobent toute la lumie-«< re qu'ils pourroient recevoir de cet** aftre; & par-là ils font toûjours dans les ténébres. «

Je laiffe les Argonautes au milieu de leur course, pour obferver que, felon Onomacrite, felon même tous

les Auteurs de l'antiquité, fans ex ception d'aucun, la Colchide & le païs des Hyperboréens font deux païs différens, à plufieurs centaines de lieuës l'un de l'autre ; & que l'un eft au levant de la Grèce, & l'autre à fon nord: donc la Colchide n'eft, & ne fçauroit être le païs des Hyperbo

réens.

Mais ce n'eft pas le feul avantage qu'on doit tirer du recit de notre ancien Poëte: voici quelques obfervations qui ont échappé à l'érudition de MM. les Abbés Gedoyn & Banier, qui paffent pour avoir épuifé la matiére.

La premiere eft qu'il y avoit deux fortes d'Hyperboréens; les Hyperboréens Nomades, & les Hyperboréens Macrovies. Les premiers étoient barbares & cruels; les autres au contraire étoient les plus doux de tous les hommes, & tels que les anciens ont représenté ceux dont nous parlons. L'espace qui féparoit les uns des autres étoit d'environ seize journées de chemin, avec cette circonftance, que les Hyperboréens Ma

crovies étoient fitués au voifinage de la mer glaciale; ce qui les diftingue des Macrovies d'Ethiopie, qui ont été connus de Denys Periégete, Vers 560. & dont une colonie alla s'établir dans l'ifle d'Erythie après la mort de Geryon.

La deuxième, que les monts Riphées font fur les côtes de la mer morte, & par conféquent aux extrémités feptentrionales de l'Europe. C'eft donc en vain que quelques modernes, fur l'idée du feul Pofidonius qui ne mérite aucune créance, entreprennent de les placer en Occident & de les confondre avec les Alpes.

La troifiéme, qu'Onomacrite ne place pas les Hyperboréens au même endroit que les autres Auteurs les mettent. MM. les Abbés Gedoyn & Banier ont dit la même chose touchant les Ecrivains qui font venus à leur connoiffance. Cependant les Hyperboréens étoient un peuple qui peut-être exiftoit, ou peut-être n'exiftoit point. Je ferois plus porté à croire l'un que l'autre ; mais je n'ofe le dire. Je me borne donc à foûtenir

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1°. qu'entre tant d'Auteurs qui ont parlé des Hyperboréens, on ne fçau roit en produire aucun, qui ait été dans leur païs, ou qui ait conversé avec eux; 2o. qu'il eft prefque impoffible de trouver deux Auteurs, qui donnent au païs des Hyperboréens précisément la même pofition. D'où je conclus que c'eft perdre fon huile & fon tems, que de s'amufer à la chercher. Sans compter que c'eft une de cès queftions, qu'un honnête homme ne doit fçavoir, que pour avoir le droit de la mépriser, & de foûtenir qu'elle ne mérite pas, qu'un autre honnête homme s'applique à la développer.

CHAPITRE III.

De toute antiquité les Gaules n'ont eu qu'un feul & même nom.

"Nomacrite qui vivoit en la cin quantiéme Olympiade, ou, se

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>>lon d'autres,en la cinquante-einquié »me vers le tems de Cyrus, & quia

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écrit les Argonautiques que nous avons fous le nom d'Orphée, défigne❤ laGaule fous un nom affez fingulier: «< car ayant dit, que les Argonautes arriverent à l'ifle d'Iernie aux envi-" rons de l'Océan Septentrional, il a- « joûte qu'en partant de-là,ils laiffe-" rent à gauche une ifle couverte de " pins où étoient les vaftes & fuperbes demeures de Cerès; ifle environnée" de rochers, toûjours ceinte d'un « nuage, & inacceffible aux mortels. « L'on ne peut douter à cette description, & à fa fituation, que cette ifle " ne foit la Grande Bretagne. Entre " cette ifle donc & le païs de Tartef-" fe, il met l'ifle de Circé & le païs Lycéen, puifque Tarteffe défigne «< 'Elpagne, ou comme on l'appel-" loit autrefois, l'Iberie.Le païs Lycéen, qui eft placé entre la Grande " Bretagne & l'Iberie, ne peut être « que notre Gaule.»

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Je ne m'arrêterai ici qu'autant qu'il eft nécessaire de détromper ceux qui pourroient fe perfuader fur la foi de l'Auteur moderne, qu'Onomacrite a défigné la Gaule fons le nom de

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