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turel, même dans les fujets les plus élevez; de forte qu'abandonnant ce modele, il faut que vous ayez recours à vôtre imagination, qui ne s'occupant que de ce qui éclate, produira quelquefois des pensées qui furprendront & plairont d'abord: mais un peu de réflexion fait bientôt appercevoir le faux à travers tout le brillant qui le couvre & l'on est tout étonné de voir le dégoût & l'ennui fuccedent pour jamais au plaifir & à l'admiration. Virgile, qui eft tout fimple & tout naturel, eft toûjours lû avec un nouveau plaifir; & Lucain au contraire, qui s'étudie à briller par tout, n'est n'eft gueres lû plus d'une fois. Enfin,

que

Rien n'eft beau que le Vrai,le Vrai feul eft aimable.

Ainfi pour revenir aux Anciens, ce n'eft pas parce qu'ils ont fuivi ce goût-là, qu'il eft le meilleur, mais c'est parce qu'il eft le meil

leur,

leur, qu'ils l'ont suivi. D'abord je voulois faire toutes mes Odes de la même mefure, que celles d'Anacreon, qui répondent à nos Vers de fept & de huit fillabes: mais deux raifons m'en ont empêché. La premiere eft la crainte que j'ai euë que cet affujettiffement fi exact ne me jettât quelquefois dans la neceffité d'être sec & forcé. La feconde eft que j'ai craint auffi que cette mefure toûjours la même dans cinquante-cinq Odes, ne fût ennuieufe au Lecteur. Elle ne l'eft point dans le Grec: mais nos oreilles Françoises ne s'accommodent pas fi aifément d'une uniformité de tons; & Malherbe n'a pas fait toutes fes Odes de la même mesure.

Ce n'eft pas que les Vers de même mesure ne plaisent infiniment dans nos Poëmes Dramatiques qui font de longs ouvrages; & le Lutrin, qui eft un poëme Epique

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de plus de douze cens vers mefurez également, fait un très-grand plaifir dans fa lecture: mais les Vers Heroïques ont cet avantage par deffus les petits Vers, que leur mefure ayant plus d'étendue, elle recule davantage les rimes, & les fépare dans une distance qui donne du plaifir à l'oreille, fans la fatiguer, au lieu que les Vers de fept ou huit fillabes finiffant vite, ramenent plutôt les rimes, qui, nous frappant frequemment, l'oreille, ne manqueroient pas de nous devenir infupportables dans un Ouvrage de longue haleine. On me repliquera que les Odes, dont il s'agit ici, ne font pas des Ouvrages de longue haleine, Chacune en particulier, je l'avouë; mais toutes enfemble, qui peut me le nier?

Je ne parle que des cinquantecinq Odes, qui font le plus connues pour être d'Anacreon, quoy qu'il yen ait quelques autres qu'on luy

attribuë : mais outre que je ne voy. pas de certitude qu'elles foient de luy, & qu'il y en a bien certainement qui n'en font pas, je les ay trouvées trop inferieures aux precedentes, pour les faire paroître enfemble. Je fay qu'il y a des gens, qui,en ramaffant avec foin les moindres reftes d'un Auteur, pensent par là témoigner à fa memoire l'eftime qu'ils font de luy. Mais en verité ils la luy témoigneroient bien mieux, en fupprimant tout ce qui peut diminuer dans l'efprit des Lecteurs l'admiration qu'il a meritée d'eux par des ouvrages achevez.

LA VIE

D'ANACREON.

NACREON étoit de A Teos, Ville au milieu de l'Ionie; c'eft pourquoi il

s'eft fervi dans toutes fes

Odes du langage Ionien, à la referve de quelques-unes qui font écrites en Dorien; ce qui a donné lieu à quelques gens de croire que celles-là n'étoient pas de lui.

Il étoit d'une naiffance très-illuftre, felon un paffage de Platon, où l'on voit qu'il étoit parent de Solon, dont le pere étoit de l'ancienne famille de Codrus, & la mere coufine germaine de la mere de Pififtrate. Codrus fut ce Roi

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