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De l'autre en même temps, & d'un effort égal,
Tire, & jufqu'à son sein amene

La corde, qui cede avec peine.

Le trait part;
mais l'oiseau par un détour soudain
L'évite, & prés de foy l'entend fiffler en vain.
Elle en rougit de honte, & d'une main hâtée
A juste un autre trait fur fon arc qu'elle tend;
Mais ce trait décoché ne perce que le vent.
Sa rougeur en redouble; & trop précipitée,

Trop pleine d'un ardent courroux, Qui ne luy permet pas d'être juste en fes coups, De fes fleches en vain elle épuife le reste. Jufques où le dépit l'emporta cette fois! Elle met fous fes pieds, & l'arc, & le carquois, Les brife, & dans l'étang les jette, & les detefte. Des tranfports de Philis les bizarres éclats Firent rire l'Amour, témoin de l'avanture; L'Amour, qui dés long-temps attaché fur fes pas, De fa legereté reçut plus d'une injure. Voila, dit-il, le fort que prés d'elle j'endure. Il n'eft point de cœur, qu'aifément

Mon arc victorieux ne bleffe:

Mais le fien trop leger, toujours en mouvement, Echappe à tous mes coups, & trompe mon adresse..

*******

TRADUCTION

DE

L'IDILLE LATINE

DE

BUCCHANAN:

O FORMOSA AMARYLLI, &c.

Il étoit en Portugal lors qu'il la compofa. Les uns prétendent qu'il y regrette Paris fous le nom d'Amarillis, à l'exemple de Virgile qui fous ce même nom regretta auffi Rome. D'autres croyent qu'il avoit une veritable Amaryllis.

Belle Amarillis, déja loin de tes yeux,

Sept hivers, fept eftez m'arrêtent dans ces lieux :
Mais j'attefte d'Amour la puiffance immortelle,
Que ny de fept hivers la froidure cruelle,
Ny de fept longs eftez la brulante chaleur,

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En changeant l'univers,n'ont point changé mon cœur,
De mes tendres chansons toy seule es la matiere,
Soit lorfque le foleil commence la carriere,
Soit lorfqu'au fond des bois on fuit l'ardeur du jour,
Soit quand la trifte nuit vient regner à fon tour.
Et quand tout eft caché fous fes nuages fombres,
Toujours je te crois voir au travers de ses ombres,

Je te parle, t'embraffe; & des fonges charmans
Retracent à mes yeux nos plus heureux momens.
Mais dés que le fommeil a quitté ma paupiere,
Mes chagrins renaiffans ainfi que la lumiere,
Je quitte ma cabanne, & feul au fond des bois,
Guidé par la douleur qui fait trembler ma voix,
Aux antres,
aux rochers, aux arbres, aux fontaines,
Les yeux noyez de pleurs, je raconte mes peines.
Echo, feule fenfible à mes vifs déplaisirs,

Dans un antre voifin imite mes foupirs.

Souvent du haut d'un roc élevé dans la nuë, Vers le vafte Ocean tournant ma triste vuë, `Aux vents, aux flots, aux Dieux j'adresse ces difcours Repetez mille fois, & méprisez toujours.

O vafte mer,

& vous, aimables Nereïdes, Portez-moy fur les bords où vont mes vœux rapides: Ou, pour un malheureux fi c'est trop demander, Par un naufrage au moins que j'y puisse aborder. Combien de fois, preffé de mes douleurs mortelles, Ay-je dit aux Zephirs, dont j'enviois les aîles: Doux Vents, qui devez voir la belle Amarillis, ↑ Contez-luy les regrets du fidele Daphnis. Qu'ainfi fur les rochers des hautes Pyrenées, Ne fe brifent jamais vos aîles fortunées : Qu'ainfi le Dieu du jour, au gré de vos souhaits, Diffipe devant vous les nuages épais.

Combien de fois, helas ! quand d'une aîle rapide,
Eurus, en fe jouant, frisoit la plaine humide,
Luy dis-je O toy qui viens de l'aimable se jour,
Où regne la Beauté pour qui je meurs d'amour,
Dis-moy, de fon-Daphnis fe fouvient-elle encore?
Mais luy fans repliquer, plus fier, plus je l'implore,
D'un murmure infultant m'explique son courroux'
S'enfuit. Un froid mortel glace mon cœur jaloux.

Ainfi je me confume; ainfi Bergers, Bergeres,
Et Nymphes, & Sylvains, danfans fur les fougeres,
En vain penfent charmer mes ennuis rigoureux,
La belle Amarillis a feule tous mes vœux.

Cependant quoy que trifte, errant, inconfolable,
A Lycifque, à Melis j'ay pu paroître aimable:
Lycifque, dont on vante & la danse & la voix,
Melis, dont l'efprit doux fçait faire aimer ses loix,
Iberes toutes deux, riches, & dans un âge
Qui du plus vif éclat fait briller un visage.
. Leurs meres fouhaitant que je les puiffe aimer,
Les excitent fans ceffe au foin de me charmer;
Tandis que fecondant leurs yeux & leurs careffes,
Leurs peres en fecret me font mille
promeffes,
Me proposent pour dot cent brebis, cent agneaux,
Par moi-même choifis dans leurs nombreux trou-

peaux.

Mais ny ces cent agneaux offerts avec leurs meres,
Ny les difcours flateurs de ces jeunes Bergeres,

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Ny plaintes, ny presens, ny d'autres biens promis,
N'ont pû tenter ce cœur à toy feule foumis.
Comme fur les rofeaux l'emporte ce haut chêne
Le printemps fur l'hiver, & fur l'Hebre la Seine,
Autant Amarillis, par l'éclat de fes yeux,
Surpaffera toujours les Nymphes de ces lieux.
Souvent dans ces ruiffeaux que groffiffent mes larmes
La foigneufe Melis vient confulter fes charmes,
Se teindre les cheveux, m'y tendre des liens,
Et puis vient à mes yeux faire briller les fiens.
Elle croit bien me plaire, & fans doute elle est belle.
Pourquoy tous ces chagrins, infenfé, me dit-elle?
Que te fert chaque jour de verfer tant de pleurs?
Notre terre pour toy peut avoir des douceurs.
Prens de ces fruits, jouïs des biens dont elle est pleine,
Et quitte une efperance & fi lente & fi vaine.

Souvent quand pour danfer au fon du chalumeau,
La Jeunesse à l'envi s'affemble fous l'ormeau,
Tandis qu'indifferent je regarde la fête,
Je vois qu'auprès de moy Licifque exprès s'arrête,
Et feignant par hasard de me tourner le dos,
Sur un air, en danfant, elle ajuste ces mots :

Il faut de Nemefis redouter la puiffance. Nemefis vange auffi les amours qu'on offense. J'ay vû, moy, qu'un Chasseur, d'un vain defir épris, Negligeant, pour un cerf, un dain qu'il auroit pris, N'a rapporté le foir, en faisant sa retraite,

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