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De tant d'Amans trahis ne crains tu point le fort? Tant d'Amans, qu'on juroit d'aimer jufqu'a la mort, Tendres, foumis, conftans, remplis de mille charmes. Mais non. J'en ay trop fait, je t'ay mis hors d'allar

mes.

Quel exemple pourroit te donner de l'effroy?
Jamais, depuis qu'on aime, aima-t-on, comme moy.

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Miracle! nouvelle imprevuë !

Iris, qu'on avoit toujours cruë

Faite de marbre & de rocher,

Eft de chair comme nous, & fe laiffe toucher.
Toucher, c'est déja beaucoup dire.

Ce n'eft encore rien. Elle verfe des pleurs.

Ce n'eft pas encor tout. Jugez de fon martyre.
Un volage la quitte, après mille faveurs,

Sans qu'un crime fi noir, dans l'esprit de la Belle,
-Puiffe un moment effacer fes appas.

Mais qu'il eft bien puni! qu'il y perd, l'infidelle !
Elle vouloit l'avoir à tout moment prés d'elle;

Le flattoit, le baifoit, le mettoit dans fes draps,
Sur fon fein... Sur fon fein? Qu'entendez-vous,Poëte,

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Par ces mots-là? J'entens qu'elle avoit un moineau

Familier, enjoué, d'un plumage fort beau,
Plus charmant que ne fut la celebre Fauvette,
Plus aimé que celuy que Catulle regrette.

L'ingrat, le fripon s'envola

L'autre jour par la fenêtre,

Sans que depuis on l'ait vû reparoître,
Et c'eft ce qu'elle pleure... Ah! dites donc cela.

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Jufte Ciel

Ufte Ciel qu'ai-je vû? quelle crainte me glace?
Pren garde, cher Damon, c'eft toy

Que cette vifion menace.

Je craindrois moins fi c'étoit moy.

Hier, lors que la nuit commençoit fa carriere,

Par ma rêverie emporté,

J'allois toujours fuivant un fentier écarté;

Quand un bruit vers l'endroit, où l'on voit la riviere

Couler à flots tardifs au bas du cimetiere,

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Jy cours.Quel fpectre, ôCiel ! Quelle horrible figure!

Je vois ce monftre affreux funeste à la nature.
Ses membres font des os, & fans chair, & fans peau.
Tel eft un corps feché dans le fonds d'un tombeau.
Telle enfin de la Mort on nous fait la peinture.
D'abord je voulois m'échapper:

Mais mon corps, dans l'horreur foudaine
Dont je me fentis frapper,

Sur mes pieds chancelans fe foutenoit à peine,
Et tout ce que je pus, rempli d'un tel effroy,
Ce fut de me cacher, retenant mon haleine,
Derriere un arbre épais que je vis prés de moy.
De là je l'obfervay, d'un œil plein de furprise.
Je la vis, prés de l'eau, fur fes genoux affife.
La Cruelle, aiguifant cette terrible faulx,
Par qui toute vie est tranchée,

Agitoit avec bruit la maffe de ses os;
A ce travail alors tellement attachée,
Et baiffant en forte les yeux,

Qu'elle ne me vit point arriver dans ces lieux.
Auffi-tôt qu'elle crut sa faux bien affilée,

Elle la prend, fe leve, & de fureur troublée,
Hauffant fon effroyable voix

Qu'animoit la fierté du regard & du geste :
Voicy, dit-elle, cette fois,

Voicy de quoi punir cet ennemy funefte,

Dont l'art, contre mes coups protegeant les humains,

Fraude par-tout mes droits, & trompe mes desseins.
Quelle étoit mon erreur, & par quelle indulgence
Ai-je pû fi long-tems retarder ma vangeance?
En vain de mille maux divers

Sur les corps des Mortels attirant l'influence,
Je voudrois faire ici redouter ma puissance;
Contrainte de ceder à ses secours offerts,
Je le vois tous les jours m'enlever quelque proie.
Par lui, par fon fatal favoir,

Je n'entens plus ici ces cris de desespoir,

Je ne vois point ces pleurs qui font toute ma joie, Et ma faux méprifée à peine a le pouvoir

De trancher les destinées

Des vieillards accablez fous le faix des années.
Et je pourrois encor, fans colere, & fans cœur,
De tant de noirs affronts laiffer vivre l'Auteur ?
Vivent, vivent plûtôt au delà des limites
Qu'aux Mortels ici-bas la nature a prescrites,
Tant de Medecins ignorans,

Qui, par cent moiens differens, Trouvant l'art de tuer, fans commettre des crimes, M'immolent tous les jours de nouvelles Victimes. Mais toi, traître Damon, nom par moi detesté, Nom que je n'entens point, fans fremir de colere, Meurs, & reçoi te falaire

Que ton audace a merité :

Ou, pour parer le coup qui va t'être porté,
Voions comment tu pourras faire.

Là ce monftre fe tût, & du fond des tombeaux
Soudain d'horribles cris fortirent.

Les oiseaux de la nuit à sa voix répondirent,
Le Fleuve épouvanté retint long-tems ses eaux ;
Et les ombres qui s'épaiffirent,

Derobant fon depart à mes timides yeux,

Seul avec les hiboux je me vis dans ces lieux.

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DEux beaux yeux, une belle bouche,

Capables d'enflammer le cœur le plus farouche,
De la froideur du mien s'appercevant un jour,
Refolurent entre eux, pour en tirer vangeance,
De s'en aller en diligence

L'accufer de concert au tribunal d'Amour.
Plus rouge que jamais de honte & de colere
La bouche fe chargea de parler pour tous trois.

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