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Elle dit qu'en tous lieux mon cœur vain, temeraire
Se rioit de l'Amour, & traitoit de chimere
Tout ce qu'on publioit du bonheur de fes loix;
Qu'il difoit que jadis pour le repos du monde,
Il eût bien mieux valu que l'onde,

Qui de Venus fut le berceau,

De la Mere & du Fils eût été le tombeau;
Et qu'on devroit laiffer, en haine de leurs crimes,
Dans leurs temples deserts leurs autels fans victimes,
De l'Amour à ces mots quel devint le couroux?
Il fe tourne d'abord vers fes gardes fideles,
Et de fes yeux ardens jettans des étincelles :
Fermes foûtiens d'un trône, où je regne avec vous,
Vous, dit-il, qui favez fans peine,
Dans vos pieges fecrets attirer tous les cœurs,

Regards charmans, fouris flateurs,

Courez; que mort ou vif en ces lieux on l'amenè. Soudain, cachant leurs fers, & leurs traits aiguifez, Sous un air fimple deguisez,

Ils partent, & d'abord tendent fi bien leur piege,
Que mon cœur malheureux

Se laiffe envelopper, & ferrer de cent nœuds.
Ainfi pris & lié, traité de facrilege,

Au trône de l'Amour ce Captif eft traîné,

Et là, fans autre procedure,

Il eft auffitôt condamné

D'être

D'être mis à la torture.

Pourquoi ce tourment rigoureux,

S'il veut de fon erreur faire un aveu fincere,
Dit alors un Soupir Avocat ordinaire
Des pauvres accufés au Senat amoureux?
De cette remontrance on connut la justice,
Et foudain on ceffa les apprets du fupplice.
Mais mon cœur par l'Amour étant interrogé,
Il eft vrai, lui dit-il, je t'ai trop outragé,
Et jufques à ce jour, ta mortelle adversaire,
La froide indifference... A ce nom odieux,
Indigné qu'on l'osât prononcer à fes yeux,
L'Amour ne put retenir sa colere,
Et fans plus écouter ce difcours trop fincere,
D'un air, & d'un ton furieux,

Il ordonna, pour premiere vangeance,
Que mon cœur fût le but de cent traits inhumains,

Et voulut de fes

propres mains

Executer cette fentence...

Mon cœur de toutes parts fe vit bientôt percés

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Puis de flêches tout heriffé,

Ce Dieu vangeur le jette encore

Dans un grand feu qui le devore,

Chargeant les trois Témoins d'avoir soin deformais

De l'entretenir à leurs frais.

Chacun de fon devoir avec zele s'acquite.
Jamais feu ne brûla, ni fi fort, ni fi vîte.
Mais, ô miracle furprenant,

Que mon cœur autrefois cut tant de peine à croire !
Dans ces feux, dans ces maux, il trouve maintenant
Son bonheur & fa gloire.

Grand Dieu, dit-il fouvent, qu'heureuse eft ta viЄtoire!

Que doux font les tourmens, qui me font soupirer! Dure, dure à jamais une telle fouffrance.

Ah malheureufe indifference!

A quel aimable Dieu je t'ofois préferer!

SUR LES PLAISIRS AISEZ.

ELEGIE.

Oui, les plaifirs aifez touchent feuls mon envie,

Sur eux feuls eft fondé le bonheur de ma vie.
Le mélange des maux, loin d'exciter mon cœur,
A mes defirs éteints en corrompt la douceur.
Je ris de ces Amans, dont l'ame opiniâtre
Contre un objet cruel fair gloire de combattre,
Qui veulent que la glace irrite leurs ardeurs,
Et goûtent mieux un bien affaissonné de pleurs.

Quiconque eft fi bizarre au choix de fes delices, Doit ne fe promener qu'auprès des precipices, Doit n'aimer le printems qu'après de longs hivers Doit au mépris des fleurs dont nos prez font

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Couverts

Aller chercher ces fleurs, qu'un jeu de la nature Sur le fommet des monts produit à l'avanture › Doit fouhaitter enfin, pour goûter les beaux jours, Qu'un orage fouvent vienne en troubler le cours. Loin de moi ces amours penibles & chagrines Rofes, dans les jardins fechez fur vos épines, Tandis que de ma main, pour leur gloire cueillis Les œillets vont parer le fein d'Amarillis.

***KAKAKKKKKKK:KMKMM

LE MOINEAU DE MAD,

Qu

A elle-même.

EPIT RE.

U'entens-je, ma belle Maîtreffe?
tens-je,

On dit que mon départ vous caufe une trifteffe,

Que jufqu'ici rien ne fauroit bannir,

Cette tendre amitié fans doute m'eft bien chere,
Et je voudrois la fatisfaire:

Mais je ne me faurois refoudre à revenir.

Il eft vrai que la fervitude

Perd chez vous ce qu'ailleurs on y trouve de rude.
Plus d'un cœur en secret envioit ma prison.
Une cage toûjours propre, toûjours couverte

:

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De fleurs, felon la saison.

Et qui m'étoit toûjours ouverte ;
Une chambre fort belle, où j'avois le plaifir

D'exercer, felon mon defir,

Mes aîles que vous laiffiez croître;
Les mets qu'on vous fervoir, vos carrefles enfin:
Penferoit-on qu'il fût un plus heureux destin !
Hier j'en entretenois, fur les branches d'un heftre,
Un Moineau, dont l'efprit me parut fort moral.
Banni, banni, dit-il, ce fouvenir fatal;

Et fonge deformais que tu n'as plus de maître.
On peut, à moins, de frais goûter un fort plus doux,
Un grain de chenevi, qu'on trouve parmi l'herbe,
Eft d'un goût plus exquis pour nous,

Que ces mets qu'on nous offre en un palais fuperbe. Une chambre fort belle étoit l'heureux fejour

Où tu pouvois voler & jouer tout le jour :
Mais cette chambre, en fon enceinte,

Limitoit ta course contrainte.

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