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Demêle d'un Poële tragique avec un Auteur comique.

entendu tout ce dialogue; et, au bruit que les auteurs faisaient en se battant, il a jugé qu'ils étaient aux prises. Il s'est levé, et par compassion pour ces Français, quoiqu'Italien, il a appelé du monde. Un Flamand et deux Allemands, qui sont ces personnes que vous voyez en robede-chambre, viennent avec l'Italien séparer les combattants.

Ce démêlé me paraît plaisant, dit don Cleophas. Mais, à ce que je vois, les auteurs tragiques, en France, s'imaginent être des personnages plus importants que ceux qui ne font que des comédies. Sans doute, répondit Asmodée. Les premiers se croient autant au-dessus des autres, que les héros des tragédies sont au-dessus des valets des pièces comiques. Eh! sur quoi fondent-ils leur orgueil, répliqua l'écolier? est-ce qu'il serait en effet plus difficile de faire une tragédie qu'une comédie? La question que vous me faites, repartit le Diable, a cent fois été agitée, et l'est encore tous les jours. Pour moi, voici comme j je la décide, n'en déplaise aux hommes qui ne sont pas de mon sentiment je dis qu'il n'est pas plus facile de composer une pièce comique qu'une tragique; car si la dernière était plus difficile que l'autre, il faudrait conclure de là qu'un faiseur de tragédies

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serait plus capable de faire une comédie que le meilleur auteur comique ; ce qui ne s'accorderait pas avec l'expérience. Ces deux sortes de poëmes demandent donc deux génies d'un caractère différent, mais d'une égale habileté.

Il est temps, ajouta le boiteux, de finir la digression: je vais reprendre le fil de l'histoire que vous avez interrompue.

CHAPITRE XV.

Suite et conclusion de l'histoire de la force de l'amitié.

Siles valets de dona Theodora n'avaient pu empêcher son enlèvement, ils s'y étaient du moins opposés avec courage, et leur résistance avait été fatale à une partie des gens d'Alvaro Ponce. Ils en avaient entre autres blessé un si dangereusement, que ses blessures ne lui ayant pas permis de suivre ses camarades, i , il était demeuré presque sans vie étendu sur le sable.

On reconnut ce malheureux pour un valet de don Alvaro ; et comme on s'aperçut qu'il respirait encore, on le porta au château, où l'on n'épargna rien pour lui faire reprendre ses esprits : on

en vint à bout, quoique le sang qu'il avait perdu l'eût laissé dans une extrême faiblesse Pour l'engager à parler, on lui promit d'avoir soin de ses jours, et de ne le pas livrer à la rigueur de la justice, pourvu qu'il voulût dire où son maître emmenait dona Theodora.

Il fut flatté de cette promesse, bien qu'en l'état où il était il dût avoir peu d'espérance d'en profiter. Il rappela le peu de force qui lui restait, et, d'une voix faible, confirma l'avis que don Fadrique avait reçu. Il ajouta ensuite que don Alvaro avait dessein de conduire la veuve de Cifuentes à Sassari dans l'île de Sardaigne, où il avait un parent dont la protection et l'autorité lui promettaient un sûr asile.

Cette déposition soulagea le désespoir de Mendoce et du Tolédan : ils laissèrent le blessé dans le château, où il mourut quelques heures après, et ils s'en retournèrent à Valence, en songeant au parti qu'ils avaient à prendre. Ils résolurent d'aller chercher leur ennemi commun dans sa retraite : ils s'embarquèrent bientôt tous deux sans suite, à Dénia, pour passer au Port-Mahon, ne doutant pas qu'ils n'y trouvassent une commodité pour aller à l'île de Sardaigne. Effectivement, ils nefurent pas plus tôt arrivés au Port-Mabon, qu'ils

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