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EUPHEMIE.

Mais j'étois à Paris depuis deux jours.

DAMIS.

Madame

On n'a jamais brûlé d'une fi belle flâme.

Plus l'aveu vous en plaît, plus mon cœur eft content Et mon bonheur s'augmente en vous le racontant,

EUPHEMIE.

Je fuis fûre, Damis, que cette confidence
Vient de votre amitié, non de votre imprudence

DAMIS,

En doutez-vous?

EUPHEMIE

Eh! eh!... mais enfin entre nous

Songez au vrai bonheur, qui vient s'offrir à vous. Hortenfe a des appas ; mais de plus cette Hortenfe,

Eft le meilleur Parti qui foit

pour vous en France.

DAMIS.

Je le fçai.

EUPHEMIE.

D'elle feule elle reçoit des loix,

Et le don de fa main dépendra de fon choix.

Et tant mieux.

DAMIS.

EUPHEMIE.

Vous fçaurez flatter fon caractere,

Ménager fon efprit.

DAMIS.

Je fais mieux, je fçai plaire.

EUPHEMIE.

C'est bien dit ; mais, Damis, elle fuït les éclats,
Et les airs trop bruïans ne l'accommodent pas.
Elle peut, comme une autre,avoir quelque foibleffe
Mais jufques dans fes goûts elle a de la fageffe,
Craint fur-tout de fe voir en fpectacle à la Cour,
Et d'être le fujet de l'hiftoire du jour.

Le fecret, le miftere eft tout ce qui la flatte.

DAMIS.

Il faudra bien pourtant qu'enfin la chofe éclatte

EUPHEMIE.

Mais près d'elle en un mot quel fort vous a produit?
Nul jeune homme jamais n'eft chez elle introduit.
Elle fuït avec foin, en perfonne
perfonne prudente,
De nos jeunes Seigneurs la cohue éclatante.

*

DAMIS.

Ma foi chez elle encor je ne fuis point reçû.

Je l'ai long-temps lorgnée, & grace au Ciel j'ai plů.
D'abord elle rendit mes billets fans les lire;

Bien-tôt elle les lût, & daigne enfin m'écrire.
Depuis près de deux jours je goûte un doux espoir;
Et je dois en un mot l'entretenir ce foir,

EUPHEMIE.

Eh bien, je veux auffi l'aller trouver moi-même,
La Mere d'un Amant qui nous plaît, qui nous aime,
Eft toûjours que je croi reçûë avec plaifir.
De vous adroitement je veux l'entretenir,
Et difpofer fon cœur à preffer l'hymenée,
Qui fera le bonheur de votre destinée.
Obtenez au plûtôt & fa main, & sa foi.

Je vous y fervirai, mais n'en parlez qu'à moi.

DAMIS.

Non, il n'eft point ailleurs, Madame, je vous jure,
Une Mere plus tendre, une amitié plus pure;
A vous plaire à jamais je borne tous mes vœux.

EUPHEMIE.

Soïez heureux, mon Fils, c'eft tout ce que je veux.

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MA

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A Mere n'a point tort, je sçai bien qu'en ce monde Il faut,pour réüffir, une adreffe profonde. Hors dix ou douze Amis, à qui je puis parler, Avec toute la Cour je vais diffimuler. Ça pour mieux effaïer cette prudence extrême, De nos fecrets ici ne parlons qu'à nous-même. Examinons un peu fans témoins, fans jaloux Tout ce que la Fortune a prodigué pour nous. Je suis dans une Cour, qu'une Reine nouvelle Va rendre plus brillante, & plus vive & plus belle Je ne fuis pas trop vain ; mais entre nous je croi Avoir tout-à-fait l'air d'un favori du Roi,

Je fuis jeune, affez beau, vif, galant, fait à peindre, Je fçai plaire au beau Sexe, & fur-tout je fçai feindra. Colonel à treize ans ; je penfe avec raison

Que l'on peut à trente ans m'honorer d'un bâton.

Heureux en ce moment, heureux en efperance,
Je garderal Julie, & vais avoir Hortenfe.
Poffeffeur une fois de toutes les beautez,
Je lui ferai par jour vingt infidelitez ;

Mais fans troubler en rien la douceur du ménage,
Sans être foupçonné, fans paroître volage,
Avec cet air aifé, que j'attrape fi bien,

Je vais être de plus maître d'un très-gros bien.
Ah! que je vais tenir une table excellente !
Hortense a bien, je crois, cent mille francs de rente.
J'en aurai tout autant; mais d'un bien clair & net.
Que je vais déformais couper au Lanfquenet!

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Embraffons-nous encor, Commandeur,je te prie.

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