Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Et charmant dans les bagatelles ;
Souffrez, qu'on presente à vos yeux
L'aventure d'un téméraire,

Qui perd ce qu'il aime le mieux,
Pour s'être vanté de trop plaire.

Si l'Héroïne de la Piece

*, eût eû votre beauté,
On excuferoit la foibleffe
Qu'il eût de s'être un peu vanté.
Quel Amant ne feroit tenté

De parler de telle Maîtreffe

Par un excès de vanité,

Ou par un excès de tendreffe?

L'INDISCRET,

COMEDIE.

SCENE PREMIER E.

3

EUPHEMIE, DAMIS.

EUPHEMIE.

Attendez pas mon Fils, qu'avec un ton fevere
Je déploïe à vos yeux l'autorité de Mere.

Toûjours prête à me rendre à vos juftes raifons,
Je vous donne un confeil, & non pas des leçons.
C'est mon cœur qui vous parle ; & mon experience

Fait

que

ce cœur pour vous se trouble par avance.

A

1

Depuis deux mois au plus vous êtes à la Cour.
Vous ne connoiffez pas ce dangereux féjour.
Sur un nouveau venu le Courtifan perfide
Avec malignité jette un regard avide;
Penetre fes défauts, & dès le premier jour,
Sans pitié le condamne, & même fans retour.
Craignez de ces Meffieurs la malice profonde.
Le premier pas, mon Fils, que l'on fait dans le monde,
Eft celui dont dépend le refte de nos jours.
Ridicule une fois, on vous le croit toûjours.
L'impreffion demeure. En vain croiffant en âge,
On change de conduite, on prend un air plus sage.

On fouffre encor long-temps de ce vieux préjugé.

On eft fufpcct encor, lorsqu'on eft corrigé ;

Et j'ai vû quelquefois païer dans la vieillesse
Le tribut des défauts, qu'on eût dans la jeuneffe.
Connoiffez donc le monde, & fongez qu'aujourd'hu
Il faut que vous viviez pour vous, moins que pour

DAMIS.

Je ne fçais où peut tendre un fi long préambule.

EUPHEMIE.

Je vois qu'il vous paroît injuste & ridicule.

lui.

Vous méprisez des foins pour vous bien importans
Vous m'en croirez un jour : il n'en fera plus temps.
Vous êtes indifcret. Ma trop longue indulgence
Pardonna ce défaut au feu de vôtre enfance :
Dans un âge plus mûr, il caufe ma fraïeur;
Vous avez des talens, de l'efprit, & du cœur ;
Mais croïez qu'en ce lieu tout rempli d'injuftices,
Il n'eft point de vertu, qui rachette les vices,
Qu'on cite nos défauts en toute occafion,
Que le pire de tous eft l'indifcretion,

Et qu'à la Cour, mon Fils, l'Art le plus neceffaire

N'eft pas

de bien parler, mais de fçavoir se taire

Ce n'eft pas en ce lieu, que la focieté
Permet ces entretiens remplis de liberté ;
Le plus fouvent ici l'on parle fans rien dire,
Et les plus ennuïeux fçavent s'y mieux conduire.
Je connois cette Cour. On peut fort la blâmer;
Mais lors qu'on y demeure il faut s'y conformer.
Pour les Femmes fur tout, plein d'un égard extrême,
Parlez-en rarement, encor moins de vous-même.
Paroiffez ignorer ce qu'on fait, ce qu'on dit,
Cachez vos fentimens, & même vôtre efprit.

Sur tout de vos fecrets foïez toûjous le maître; Qui dit celui d'autrui, doit paffer pour un traître Qui dit le fien, mon Fils, paffe ici pour un fot, Qu'avez-vous à répondre à cela ?

DAMIS.

Pas le mot

Je fuis de votre avis : je hais le caractere De quiconque n'a pas le pouvoir de se taire ; Ce n'eft pas-là mon vice; & loin d'être entiché Du défaut, qui par vous m'est ici reproché, Je vous avoue enfin, Madame, en confidence, Qu'avec vous trop long-temps j'ai gardé le filence Sur un fait, dont pourtant j'aurois dû vous parler Mais fouvent dans la vie il faut diffimuler. Je fuis Amant aimé d'une Veuve adorable, Jeune, charmanté, riche, auffi fage qu'aimable, C'est Hortense. A ce nom, jugez de mon bonheur, Jugez, s'il étoit fçû, de la vive douleur De tous nos Courtifans, qui foûpirent pour elle. Nous leur cachons à tous notre ardeur mutuelle. L'amour depuis deux jours a ferré ce lien,

Depuis deux jours entiers, & vous n'en fçavez rien.

« AnteriorContinuar »