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VII.

La premiere condition que demande faint Augustin, c'est la foi, qu'il exprime par ces termes: Ambulans in fide,MARCHANT dans la foi. Par où il nous fait comprendre que la foi dont il parle ici n'eft pas une conviction fterile des myfteres de notre religion; mais une foi agiffante & operante par la charité, dont la preuve la plus eflencielle eft qu'elle nous fafle marcher dans tous les commandemens de Dieu. Et comme cette condition demande qu'il y ait une conformité entre la foi & notre vie, elle demande par confequent qu'il n'y ait pas de contrarieté entre les fentimens de la foi & le témoignage que notre confcience nous rend interieurement de nos actions pallées: c'est-à-dire, qu'elle demande que la foi ne les condanne pas, & ne nous falle aucun reproche effenciel fur notre vie paffée, ce qui eft conforme à ce que dit l'Apôtre faint Jean: Sinotre cœur ne nons reprend point, nous 1. Ioan avons de laffurance devant Dieu. Il faut 3. 25. donc avoir cette affurance que notre cœur ne nous reproche rien, ce qui ne fe doit pas entendre fans doute des reproches des petits pechés, mais de ceux qui font incompatibles avec l'amitié de Dieu. A-iiij

VIII.

Il eft clair par-là qu'on ne peut avoir cette affurance, lorsque la foi condanne en nous des actions criminelles non reparées. Car on en peut être exemt en deux manieres,ou parcequ'on n'en a jamais commis, ou parcequ'on les a effacées par une veritable pénitence. Mais fi l'on ne peut fe rendre témoignage ni de l'unni de l'autre, on ne fauroit dire avec verité, ni avec une confiance raisonnable, que l'on a marché dans la foi. Car ce n'est pas marcher dans la foi que d'être dans un état contraire à la foi. Or l'état d'impénitence eft formellement contraire à la foi qui nous appelle à la pénitence, & qui nous declare que fi nous ne la faifons nous perirons tous: Nifi pœnitentiam egeritis, omnes fimiliter Luc. 13. peribitis.

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Il faut donc par neceffité que notre confcience nous rende témoignage, our d'une innocence entiere, ou d'une folide pénitence. Mais à qui rend-elle ce témoignage ? Et combien par confequent cette condition eft-elle råre?

I.X..

Tout le monde eft affez perfuadé de la rareté de l'entiere innocence; c'est-àdire, de l'exemtion totale des pechės. mortels pendant toute la vie, & l'on ne

fonde guères la confiance de fon falut que fur ce que l'on fe perfuade que f Ton en a commis on en a obtenu la rémiffion. Mais pour fe le perfuader avec raifon, il faut favoir au-moins les conditions d'une veritable pénitence, étant impoffible de s'aflurer de l'avoir faite, fans favoir au-moins en quoi elle confifte.Cependant il ne paroit que trop que: la plupart du monde ne le, fait pas.On s'imagine que faire pénitence, confifte feulement à fe confefler de fes péchés à un Prêtre, & à en obtenir l'ab-folntion. Ce font en effet des conditions neceffaires, mais ce ne font pas les feules. Tout homme qui a fait un peché mortel s'eft detourné de Dieu, il a abandonné Dieu pour le tourner vers la créature; il y a mis fa derniere fin, il l'a préferée à Dieu. Il faut donc que pour retourner à Dieu il se convertiffe à lui; il faut qu'il le préfere à toutes les créatures, & qu'il mette en lui fa derniere fin. Voilà ce qu'on appelle converfion.

Mais cette converfion ne peut être ve ritable, fr elle ne nous fait hair les pechés que nous avons commis, fi elle ne nous fait réfoudre à les quitter & à les Funir. Car elle nous doit faire aimer le jufte arrêt de Dieu, qui nous ordonne: de faire pénitence dans cette vie : 82

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quoiqu'elle nous puifle faire obtenir le pardon fans cette pénitence actuelle, elle ne l'obtient jamais fans une réfolution effective de la faire.

Voilà bien des chofes aufquelles on penfe pen, que l'on examine peu. Et cependant fans cet examen le témoignage que l'ame fe rend de fa penitence eft incertain & bien peu fondé; & ainfi c'est avec bienpen de fondement qu'elle juge qu'elle marche dans la foi.

X.

Il ne fuffit pas pour marcher dans la foi, qu'elle ne condanne pas notre vie paflée, ou qu'elle nous donne une jufte confiance d'avoir recouvré la vie de l'ame, finons l'avons perdue; il faut de plus qu'elle nous donne lieu de croire que nous l'avons confervée; fans cela, nous aurions lieu de douter de la fincerité de notre converfion. Car pour être veritablement convertis, il faut non feulement avoir renoncé à tout peché mortel, mais il faut encore s'être établis dans une vie qui en foit exemte. Il faut donc encore que la foi ne condanne rien dans notre vie prefente comme contraire à fes regles & a fes préceptes, & pour cela il eft neceffaire que nous ayons une jufte confiance que nous fommes

dans l'état & dans l'emploi où Dieu nous veut, & que nous y rempliffons tous nos devoirs eflenciels. Car il est bien clair que ce ne feroit pas marcher dans la foi, fi la foi condannoit notre état prefent & notre vie prefente. Ceft donc encore le fujet d'un examen ferieux, de confiderer avec foin fi notre confcience ne nous reproche point quelque déreglement dans nos actions prefentes.

XI.

La troifiéine chofe dont nous de-vons nous allurer pour croire avec raifon que nous marchons dans la foi; c'eft de favoir fi le gros de nos actions & de notre vie elt conduit par la lumiere de la foi. Car fi ce que nous avons en vue, & que nous nous propofons dans nos actions eft quelque chofe d'humain & de temporel; c'eft pour cette chofe que nous vivons, c'eft cette chose qui nous conduit, & non pas un bien qui nous foit proposé par la foi. La vue de notre efprit s'arrête à ce bien temporel. Elle eft renfermée dans le temps, & nous ne pouvons dire avec verité que nous marchons dans la foi. Car la foi eft une lumiere qui ne nous propofe que des chofes invifibles & éternelles. En un mot, le defit de posleder Dieu, de fatisfaire à nos

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