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l'homme,& qu'ils ont rapporté la juftice à l'homme, & non pas l'homme à la juftice. Or il fuffit pour le bien de I'homme qu'il ceffe d'être injufte; fes autres actions, de pleurer fes injuftices paffées, de les punir, font pour la juftice même, c'est-à-dire, pour Dieu : & c'estpourquoi ils ne les ont point connues.

XLI.

Les difcours des Predicateurs, ne font que des Paraphrafes du fermon de S. Jean.

La prédication de faint Jean, c'est-àdire, du plus grand de tous les hommes, eft comprise en quatre lignes de l'Ecriture; mais ces quatre lignes valent mieux que tous les difcours de tous les Philofophes, & que les quarante mille volumes de la Bibliotheque de Ptolémée. Faites penitence: le Royaume des Cieux approche. Faites de dignes fruits de pénitence. Connoifjez le Meffie. Voilà tout, & c'eft tout en effet; puifqu'il fuffit pour aller au ciel. Il nous marque la voie, il nous apprend à y marcher, il nous montre notre guide, notre liberateur.

Tous les difcours des Prédicateurs ne font que des paraphrafes de ce premier fermon. Tout y eft compris. On déve lope feulement ce qu'il renferme.

XLII.

Raifon d'engagement impie.

La raifon de l'engagement eft une rai-fon d'impieté; car quand on fait une chofe par engagement, quoique l'on fache qu'elle eft injufte, c'est comme fi l'on difoit: la juftice en foi-même vaut mieux que l'injuftice; & fi j'étois à recommencer, je préfererois l'une à l'autre, étant certain que la juftice a au-moins cet avantage, qu'elle eft plus honorable selon le monde; mais une injuftice jointe à la fauffe gloire de la conftance vaut mieux que la juftice qui feroit jointe à quelque témoignage d'inconftance: je fuis dong refolu de continuer.

Ce raifonnement fuppofe ou que la juftice n'eft rien qu'une vaine idée, ce qui eft un Athéifme, puifque la juftice eft Dieu-même, ou que cette juftice telle qu'elle foit, eft moins confiderable qu'un faux honneur, ce qui eft une horrible impieté. On met dans un des côtés de la balance la juftice, c'eft-à-dire, Dieu, & dans l'autre côté le faux honneur de demeurer ferme dans fes fentimens, & l'on préfere cet honneur à Dieu, voilà ce que c'eft que l'engagement.

XLIII.

Les hommes afpirent à l'infaillibilité. Les hommes defirent d'être immua bles par l'impreffion de cette vanité qui a fait defirer à leurs premiers Peres d'être comme des Dieux, & ne pouvant être immuables dans la verité, ils veulent être immuables dans le vice.

Ils aiment mieux continuer dans l'erreur, que de reconnoître qu'ils y ont été. Ils afpirent tous à l'infaillibilité, & à l'exemtion de toutes fautes, & ne pouvant les éviter en effet, ils emploient feur puiffance à empêcher qu'on ne leur mette leurs fautes devant leurs yeux

XLIV.

Gardes contre la verité.

Les gardes qui font à l'entrée du Pálais des Princes, ces Piques, ces Hallebardes, ces Moufquets ne font pas tant pour empêcher que l'on ne nuife à leur perfonne, que pour repouffer ceux qui voudroient leur dire la verité, & les aver tir qu'ils ne font pas infaillibles.

XLV.

Le fiyle de l'Ecriture inimitable.

Il y a dans l'Ecriture un caractere inimitable à tous les hommes ; nul de ceux

qui n'ont point voulu paroître plus que des hommes, ne s'eft avifé de le fervir de ce langage, & ceux qui ont voulu l'imiter, comme Mahomet, Henri Nicolas, en font plus éloignés que les Singes ne le font des hommes

XLVI.

La mauvaise maniere de reprendre les

Ecrits.

Ceux qui difent en general qu'il y a des fautes dans des Ecrits de certaines perfonnes fans les particularifer, ont trop bonne & trop mauvaise opinion des Auteurs de ces écrits. Ils l'ont trop bonne, s'ils croient qu'ils ne foient point un peu· bleffés de ces reprehenfions vagues; & trop manvaife, s'ils les jugent incapables · de fouffrir qu'on les avertiffe de leurs fautes en particulier.

XLVIL

Peu de vertu à fouffrir les avertiffemens de bonne grace.

Il faut une affez grande vertu pour fouffrir en patience les avertiffemens & les réprehenions, quand on nous les fait de mauvaise grace, devant le monde, & fans nous y avoir preparés; mais il ne faut qu'une vertu fort commune, ou plutôt il n'en faut point du tout, &

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il fuffit d'être raifonnable pour fouffrir que l'on nous avertiffe en fecret, avec charité, avec préparation dequelques défauts, principalement fi cene font pas des défauts de mœurs, mais des défauts d'écrits qui dépendent du jugement public. XL VIIL

Differentes regles des actions.

Il y a des actions qui regardant Dieu purement, n'ont pour regle que la feule loi de Dieu : mais il y en a d'autres qui devant être proportionnées aux hommes, doivent auffi fe regler par la connoiffance de leurs difpofitions. Je m'étonne donc que des perfonnes de pieté puiflent avoir tant d'éloignement qu'on leur dise librement les impreffions que leurs écrits font dans l'efprit.

XLIX.

Les objets du monde font comme des miroirs.

Quoique nous nous imaginions voir les corps, nous ne voyons proprement que la fumiere, ou plutôt l'image du luminaire. Si l'on a une glace très-polie, expofée à une chandelle, & que l'on y regarde, on y verra l'image de la chandelle, & on n'y verra prefque point la glace, & fielle étoit parfaitement polie, onne la verroit point du tout. Si cette

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