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42.

gociations, par la faveur des puiffances, car Dieu cachant quelquefois fa conduite fous ces fortes de moyens,qui les affuroit qu'il ne choifiroit point cette voie ? LXXIII.

Vifite de Dieu.

Il y a un tems que nous devons connoître, & un teins que nous devons igno

rer. Nous devons connoître le tems où Tue. 19. Dieu nous vifite. Si cognoviffes tempus vifitationis. C'est-à-dire, que nous devons écouter ce qu'il nous dit prefentement par toutes les manieres dont il nous parle, par les maux, par les créatures, par les fuperieurs, par les ennemis. Mais nous devons ignorer les temps que Dieu s'eft refervés en fa puiflance. Ce n'eft pas à vous, dit Jefus-Chrift à fes Apôtres, à Javoir les tems & les momens que le Pere a refervés à fon pouvoir.

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LXXIV.

Multiplication de ce qui eft dit par l'efprit

de Dieu.

C'est une étrange chofe qu'une feule parole dite par l'efprit de Dieu fait de plus grans effets, & fe multiplie plus en quelque maniere par les fruits que Dieu en tire, que tous les plus grans difcours quoiqu'utiles & pleins de bonnes chofes

Que favons-nous des paroles que fainte Elifabeth a prononcées? trois ou quatre mots qui font partie de la Salutation Angelique, & ces trois ou quatre mots se multiplient tous les jours infiniment par l'ufage des fideles, & les fruits que Dieu

en tire.

LXX V.

Efprit humain étroit & injufte. Les homines font compofès de bonnes & de mauvaises qualités, & qui regarderoit les unes & les autreségalement, regleroit fon eftime & fon affection felon ces qualités prifes toutes enfemble. Mais l'efprit humain eft fi étroit qu'il ne s'occupe d'ordinaire que des unes ou des autres ; c'est l'amour-propre qui l'applique & qui le conduit d'ordinaire dans ce choix; nous ne voyons dans ceux qui nous aiment & qui nous témoignent de l'eftime & de la confiance, que leurs bonnes qualités; nous les fentons vivement, parceque l'amour-propre les approche & nous les met en vûe; & pour leurs défauts, ou nous ne les voyons pas, ou nous les voyons de loin d'une maniere foible & languillante.

Mais quand une perfonne nous a cho-quès, toutes fes bonnes qualités s'éloignent de notre vûe, & fes défauts s'en

approchent. Ceux que nous n'apperce vions qu'à peine, nous paroiffent infupportables. C'eft comme ces lignes qui font paroître les traits qui ne paroiffoient point auparavant.

Quel eft donc le danger de celles qui font obligées de porter des jugemens des autres, d'où dépend leur bonheur ou leur malheur éternel? Combien doiventelles craindre ces illufions de l'amourpropre, & d'être favorables au-contraire aux autres par ces impreffions. Une perfonne leur témoignera grandes déferences, grande confiance, grande affection, cela leur ouvrira les yeux pour voir tout ce qu'elles ont de bon, & diminuera tout ce qu'elles ont de mauvais.

LXXVI.

Secherenje.

La fechereffe eft un défaut affez con fiderable, parcequ'elle éloigne de nous les perfonnes foibles, & que la plupart des Chrétiens font foibles, elle leur ferme le cœur, elle rend incapable de les fervir, il faut donc effayer de l'éviter, & pour l'éviter il la faut connoître, & prendre pour raifon une conduite toute contraire à celle à laquelle notre inclination nous porteroit.

Si la fechereffe n'eft pas un défaut d'a

mour veritable, c'est au moins un défaut d'amour apparent, qui fait qu'on ne donne à ceux avec qui on vit aucune marque d'affection ni d'eftime: on n'entre jamais dans aucun de leurs interêts, on ne témoigne prendre part à rien de ce qui leur arrive de bien & de mal, on les entretient comme fi on entretenoit des gens venus d'un autre monde, on n'a aucune application à leur faire paroître de la gratitude, on s'acquitte des devoirs de civilité avec une froideur qui glace le cœur, on ne fait paroître par aucune marque qu'on fe fie à eux, ni qu'on agrée rien de ce qui vient d'eux ; fi l'on croit avoir quelque fujet de se plaindre d'eux, on fe plaint à tout le monde hormis à eux-mêmes, comme ne les jugeant pas capables qu'on entre en éclairciffement avec eux. Si l'on eft d'un autre sentiment qu'eux fur quelque point, on ne leur en parle jamais, mais l'on garde feulement une reserve extrême avec eux. On témoigne grande facilité à croire le mal, & peu de difpofition à croire le bien, l'on le tient refferré & renfermé dans foi-même, fans jamais fe communiquer en rien.

Les perfonnes foupçonneuses & défiantes font d'ordinaires feches , parcequ'elles apprehendent toujours de mauais effets de toutes les ouvertures qu'el

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les font. Ainfi elles fe tiennent refferrées, & font toujours comme en garde contre les hommes, en pratiquant trop à la let

tre ce qui eft dit dans l'Evangile. DonMatt.10. nez-vous de garde des hommes. ČA VETE autem ab hominibus. Elles croient qu'on fera mauvais ufage de tout. Ainfi elles n'expofent rien, elles reflemblent un peu à ces avares qui par la crainte incertaine des voleurs tiennent les moindres meubles enfermés à la clef.

Les préventions font auffi une fource ordinaire de la fecherelle particuliere qu'on a pour certaines perfonnes. On fe forme des idées d'eux, fouvent fur des fignes affez legers, & l'on y demeure enfuite opiniâtrément attaché, & quand on vient à leur parler,on le fait en fuivant cette idée & ce phantême qu'on s'eft formé, d'où il arrive par neceffité que T'on n'entre point dans leur efprit, qu'on ne les entend pas, & que l'on n'eft pas entendu d'eux, ce qui forme un entretien difcordant, la douceur & l'agrément de l'entretien confistant dans l'union des fentimens de l'efprit, & des mouvemens du cœur.

Cette difpofition de fechereffe eft contraire à ce qui eft dit de Jefus - Chrift dans l'Evangile : Il ne brifera point le rofeau caffé, il n'achevera point d'éteindre la me

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