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che qui fume encore. ARUNDINEM quaffa- Mat. 12 tam non confringet, & linum fumigans non 20. extinguet.

Elle eft contraire à cette benignité & à cette douceur du Sauveur qui a paru à tous les hommes. Benignitas & humanitas apparuit Salvatoris noftri Dei.

C'est un défaut plus grand dans les perfonnes élevées, parcequ'il eft plus fufpect de fierté & de inépris.

Il est contraire à la charité, car fi nous ne pouvons contenter les gens en leur accordant ce qu'ils demandent, contentons-les au- moins par des témoignages d'affection: Si non potes, affabilem te præfta, fi nous ne leur fervons point, ne les bleflons pas.

LXXVIL

Souffrir les perfonnes feches.

La vertu chrétienne doit confister à éviter la fechereffe en foi, à la fouffrir dans les autres, & même à y remedier. autant que l'on peut.

Pour fouffrir plus facilement la fechereffe des autres, il faut confiderer qu'il eft injufte de n'aimer les gens que par rapport à nous, & encore par des témoignages inutiles d'affection. Une personne eft feche, mais elle vous donne de bons confeils, fi vous les lui demandez jelle

Tit.3.4

eft feche, mais elle eft prête d'expofer fon corps & fa fanté pour vous affifter effectivement dans les chofes neceffaires, elle eft touchée vivement des chofes de Dieu, elle eft genereufe, ferme, patiente. n'y a-t-il pas de la baffeffe à perdre le fentiment de tant de qualités vraiment grandes, par l'attache tendre que nous avons à des choses de néant.

Nous devons faire un état particulier des perfonnes feches, mais vertueuses, parcequ'elle nous donne plus lieu de connoître fi c'eft Dieu ou nous-mêmes que nous aimons dans les autres. Ces perfonnes fi tendres & fi pleines de témoignages d'affection nous trompent fouvent, nous nous imaginons que nous aimons la vertu en elles, & nous n'y aimons que notre propre fatisfaction.

Saint Auguftin dit que lorfque l'on aimoit les Martyrs dans l'état horrible où le déchirement de leurs membres les réduifoit, il n'y avoit que la beauté de la juftice qui pût caufer cet amour. Il en eft de même dans les perfonnes feches, quand on les aime, on peut avoir quelque confiance que c'eft Dieu & la Juftice que l'on aime.

LXXVIIL

De l'entretien.

L'entretien eft utile pour se foulager

&

& pour s'inftruire. Les penfees purement interieures ne font pas allez fenfibles. Ceux dont les pensées font affez vives, n'ont pas beaucoup befoin d'entretien, si ce n'eft pour fe délaffer.

Quoique l'on fe parle à foi-même,on parle mieux néanmoins en parlant à d'autres; l'obligation de fe faire entendre fait faire un effort à l'efprit, la prefence d'un auditeur l'excite, il agit plus vivement, & par confequent plus agréablement. La prefence d'un autre fait penfer à diverses chofes aufquelles on ne penferoit pas. Elle fournit des penfées, elle les fou

tient.

L'entretien eft dangereux, c'est un mélange d'efprits corrompus. Ceft un air de gens qui ont la peste & qui nous la communiquent.

L'efprit fe forme plus par l'entretien que par toute autre chofe. On oublie ce qu'on lit. On ne le fait que quand on l'a dit. Vous voyez quantité de personnes qui n'ont rien appris dans les lieux où l'on inftruit les gens à deffein, qui fe forment dans le monde, & ne font prelque plus reconnoiffables. L'efprit s'y dégage, s'y dénoue, y devient appliqué.

L'entretien fait une partie confiderable de la vie. C'est ce qui unit ou definit les amitiés. C'est le principal moyen d'é

Tome VI.

M

difier ou de fcandalifer les autres. Ceft une maniere commune à tous les fideles d'édifier le prochain. C'eft une charité toujours prête & qui ne coûte rien.

Qu'y auroit-il de plus heureux que la focieté des hommes, fi tous leurs entretiens étoient édifians. Il y a bien des manieres d'édifier fans paroître prêcher. On édifie en faifant paroître les fentimens & les mouvemens que l'on doit avoir fur toutes les chofes qui fe prefentent. On édifie en excufant le prochain. On édifie en fe moderant lorfque les autres s'impatientent. Il n'y a qu'une perfonne qui prêche, & il ne le fait qu'à certaines heu res,à certains jours. Pour un Predicateur il y a cent mille perfonnes qui s'entretiennent. Les Predicateurs mêmes pour une heure qu'ils employent à prêcher, en employent mille à s'entretenir.

Il faut que l'entretien ait toujours une fin raisonnable. La fin raifonnable eft de tirer avantage de l'entretien du prochain, ou de lui fervir.

La fin de fe foulager ou de foulager le prochain peut être de charité, quand on ne pafle point les bornes de la neceffité C'est ce qui peut autorifer les difcours agréables comme ceux des chofes de la nature, des nouvelles publiques. Quand on fe porte à ces entretiens par railon

par charité, ils peuvent devenir bons. Mais pour cela il faut choifir des perfonnes ennuyées qui ont befoin de foulagement, & non des perfonnes occupées. Il ne faut pas faire perdre le tems en ces fortes de chofes, non feulement aux Prêtres, mais à toutes les personnes qui l'employent réellement.

Si vous êtes foible, & que vous ne puiffiez fouffrir la folitude de votre maifon, vous pouvez peut-être vous foulager en faisant quelques vifites, mais prenez garde de ne pas charger exceffivement ceux à qui vous les ferez. C'est un grand fardeau qu'un homme qui ne sautoit fe porter foi-même, il le doit donc au moins partager en n'en chargeant pas un de fes amis entierement. Il faut penfer que cet homme n'a peut-être pas le mê me befoin que nous, qu'il peut employer utilement fon tems.

La plupart des vifites ne font autre chofe que des inventions de fe décharger fur autrui du poids de foi-même que l'on ne fauroit porter.

Une des plus grandes & des plus importantes foibleffes du monde, eft de ne pouvoir demeurer feul. Cela nous rend dépendans de tout le monde, met notre repos entre les mains d'autrui, oblige à acheter les foulagemens par mille fervi

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