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vitudes, nous rend incapables d'une infinité de chofes.

Je ne fai d'où vient que les Predicateurs fe corrigent fi peu de la longueur de leurs fermons, & les caufeurs de la longueur de leurs vifites, n'est-ce point la vanité qui les trompe : comme ils font fatisfaits de ce qu'ils difent, ils penfent le même des autres.

Qui auroit un peu d'adreffe il y auroit à profiter pour foi-même & pour les autres dans tout entretien; on pourroit facilement tourner le difcours fur quelque matiere qui nous feroit utile, fi on n'avoit plus deffein d'inftruire les autres, que de s'inftruire.

Quand on entretien quelque perfonne celebre dans une profeffion, on ne devroit pas manquer d'entretien, car il n'y auroit qu'à le mettre fur fa profeffion. Il eft utile d'apprendre quelque chofe de rout, principalement quand il n'y a rien de meilleur à faire.

Il faut avoir la vue dans l'entretien de profiter aux autres, & de profiter des autres. L'honnête divertiffement qu'on fe procure & qu'on procure aux autres.eft une efpece de profit & d'utilité. Pour profiter des autres il les faut jetter fur les magieres qu'ils favent;un homme qui a voyage, fur les voyages; un homine favant

dans l'hiftoire, fur les hiftoriens un critique fur la critique; un Medecin, fur la medecine. Il eft utile pour cela, quand on prévoit qu'on fera obligé d'entretenir une perfonne, d'avoir une provision de queitions à lui faire.

Qui feroit autant appliqué qu'il devroit à faire profit de toutes chofes trouveroit peu de perfonnes dans l'entretien defquelles il ne fe pût inftruire. Ce font tour jours des homines, & les actions de l'efprit humain font toujours admirables. Ils ont leus paífions, ces paffions les occupent, ils voient certaines chofes, ils n'en voyent pas d'autres il eft beau de confiderer les bornes & le cercle dans lefquels l'efprit de chacun eft renfermé. Les uns l'ont plus petit, d'autres l'ont plus grand. Mais il est fort petit à l'égard de

tous.

Un Ange qui connoît les bornes dans lefquelles le plus grand efprit du monde eft refferré, s'étonne de fa petiteffe. Croiton qu'un Prince dont la reputation s'étend dans la plus grande partie de la terre, ou un Miniftre d'Etat qui femble avoir dans fa tête les affaires de tout un Royaume, ait l'efprit fort étendu? tout cela se réduit à d'étranges abregés, & à des racourcis terribles. Les Rois n'ont

dans l'efprit qu'un certain nombre de

gens qu'ils connoiffent, & à l'égard defquels ils veulent fe fignaler, & ces gensfont en petit nombre, numerabiles, ils me voyent le refte que dans une certainė confufion.

LXXIX.

Il eft utile de s'affliger des maux
qu'on attend.

Il y a des gens qui craignent peu les maux & les inconveniens futurs, parcequ'étant portés à bien efperer, ils fuppofent facilement qu'ils n'arriveront pas,& qui s'affligent peu de ces maux lorfqu'ils font arrivés, parcequ'ils les regardent comme fans remede, & qu'ils difent qu'il ne fert de rien d'y penser, ni de s'en affliger.

Cette difpofition paroît commode, & néanmoins elle eft capable de nous engager dans de grandes imprudences. La douleur de l'efprit a la même utilité que celle du corps. Car comme la nature nous éloigne par la douleur corporelle des chofes qui peuvent nuire à notre corps, ,de même la douleur de l'efprit eft utile pour nous porter à éviter ce qui la canfe, quand il y a lieu de le faire.

C'eftpourquoi quand il eft arrivé que par imprudence on s'eft engagé dans quelque mauvaife affaire, je ne croi pas qu'il foit bon de n'y penfer plus, & de

regarder avec indifference ces mauvais évenemens que nous avons attirés; car pourvu que l'inquietude n'aille pas trop loin, il eft utile au-contraire d'envisager les mauvais effets de notre imprudence, & de les fentir. Ce fentiment faifant une impreffion plus vive fur l'efprit, nous fait tirer de notre imprudence l'avantage de nous munir de réfolutions fortes contre de pareils inconveniens.

L'utilité des fautes eft de nous afferimir & de nous roidir contre les défauts qui nous y ont engagés, & elles font d'au tant plus cet effet que nousy penfons da vantage.

LXXX.

Imprudens font quelquefois plus prudens que ceux qui n'ont point fait de fautes d'imprudence.

On dit quelquefois que des gens font imprudens, parcequ'ils ont fait de certaines fautes d'imprudence, & d'autres paffent au-contraire pour prudens, parcequ'ils les ont évitées, mais ces jugemens peuvent être faux; car fi ceux qui ont fait ces fautes en ont tiré l'avantage qu'ils doivent, ils font d'autant plus prudens, qu'ils ont été plus imprudens, & fouvent au-contraire les autres font d'autant plus coupables d'imprudence, qu'ils en one

moins fenti le mal, & qu'ils fe fient plus à leur prudence.

LXXXI.

S'édifier des mauvais exemples.

Les mauvais exemples étant fi communs, & les bons fi rares, ceux qui ne s'édifient que des bons fe doivent êdifier rarement, & être au-contraire très-fouvent fcandalifés.

Pour ne manquer jamais de fujets d'édification, il faudroit apprendre à s'édi fier des mauvais exemples, car on n'en manque jamais, au-lieu qu'on manque fouvent de bons.

Nous le ferions fi nous étions raifonnables, fi nous avions le même foin de nos ames, que nous avons de nos corps. On s'inftruit dans les hôpitaux & par la vûe des malades de la nature des maladies, & du moyen de les guérir,& l'on n'apprend guere cette fcience que par ce moyen. Čependant il femble qu'il eft encore beaucoup plus aife & plus naturel d'apprendre à éviter les maladies fpirituelles, & à en guérir, en les voyant dans les autres.

Car il ne fuffit pas pour éviter les ma ladies du corps, de les haïr & d'en avoir de l'horreur, & elles n'en font pas moins contagieufes, quoique nous en ayons

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