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la justice des arrêts de mort, mais comment auffi tuer certainement un homme dans le doute fi on a droit de le tuer?

Je pense que voici la folution de cette difficulté, chaque homme mérite la mort à l'égard de Dieu, c'eft-à-dire, qu'il n'y ajamais d'injustice à Dieu de condanner les hommes à la mort, il n'y en peut donc aussi avoir aux hommes, lorsqu'ils usent du droit de vie & de mort en la maniere que Dieu l'ordonne. De forte que pour tuer juftement, il ne faut qu'avoir ce droit, & l'exercer felon les regles de Dieu. Or Dieu veut que les Etats politiques fubfiftent, cela eft entièrement neceffaire. Depuis le peché, l'homme ne peut demeurer libre & fans loix dans l'é tat de déreglement où il eft. Ce feroit un brigandage continuel, s'il n'y avoit point de police. Il faut donc qu'il y en ait. Or nulle police ne peut fubfifter fans le droit de vie & de mort; il faut donc croire que Dieu l'a donné à ceux qui font les chefs de cette police, & il eft impoffible aussi que ces polices fubfiftent,fi l'usage de cette police dépend du jugement de chacun, il eft donc jufte que les inferieurs ne se rendent pas juges des guerres, ni des arrêts de mort, mais qu'ils s'en rendent fimplement executeurs.

La déclaration de la guerre eft unar

reft de mort prononcé par le Prince contre tous les fujets du Prince qui s'oppofent à l'execution des volontés de celui qui declare la guerre ; les foldats font les executeurs de cet Arreft. Ce font d'illuftres bourreaux envoyés par le Prince. Ils executent l'Arreft de mort donné contre ceux qu'ils appellent leurs ennemis. II fuffit pour être innocens de leur morr que l'Arreft foit donné par une puisfance legitime, & qu'il ne foit pas notoirement injuste: Ils ont alors le droit de vie & de mort entre leurs mains, & ceux qu'ilstuent font justement tués, non par l'ordre particulier du Prince qui les a condannés, mais par l'ordre general du monde qui eft une partie de la loi de Dieu qui donne pouvoir de nuer à tous les foldats qui fuivent un Prince legitime dans une guerre douteufe. Ceux qui font tués ne fe peuvent plaindre, parcequ'ils méritent la mort, & qu'il eft juste que des gens qui méritent la mort foient tués pour conferver l'ordre du monde & la police generale des Etats, qui étant nn plus grand bien que la vie des particuhers, pent fervir de motifs à Dieu pour faire avancer la mort à des perfonnes, qu'il y a déja condannés par leur naiffance.

Ce n'est donc point en confequence

du jugement du Prince qui entreprend la guerre que l'on fuppofe n'être que probablement jufte,que les foldats tuent juftement, mais c'eft en confequence de la loi des Etats abfolument neceffaire pour les conferver, qui permet aux foldats de tuer ceux qui s'opposent à leur Prince, lorfqu'il n'a pas vifiblement tort. Or cette loi n'eft pas probable, mais certaine, & ainfi les foldats fuivent une lumiere certaine.

XC.

Allegories.

Il faut prendre garde qu'en fuivant trop facilement fes vues & fes penfées, on ne tombe infenfiblement dans l'inconvenient exprimé par le Prophete quand il dit, Si je difois que je parlerois de Pf. 72 la forte,j'ai d'abord reconnu que je condan- 15. nois toute la fainte focieté de vos enfans. Si dicebam, narrabo fic, ecce nationem filiorum tuorum reprobavi, parcequ'il arrive fouvent que ce que l'on condanne ainfi durement eft autorife par l'exemple & la pratique d'une infinité de Saints.

Le moindre égard que l'on puiffe avoir à ce que les Saints ont pratiqué eft de ne le condanner qu'après avoir bien examiné tout ce qu'ils auroient pu alleguer pour deffendre leur pratique,

Ceux qui rejettent avec tant de mépris les allegories ne paroiffent pas être aflez touchés de la crainte de l'inconvenient que nous venons de marquer.

La maniere d'expliquer l'Ecriture par allegorie eft tellement autorifée par l'exemple de tous les Peres, & fur tour de faint Auguftin, de faint Cyrille d'Alexandrie, de faint Gregoire, & de faint Bernard, qu'il n'y a point de pratique dans laquelle tous les Saints foient plus d'accord, que dans celle-là.

Eft-il croyable que tous les Peres fe foient fi groffierement abufés; & qu'une voie qu'ils ont crue propre à l'édification des peuples, puifle être traitée de ridicule, comme étant clairement vaine & inutile.

Il eft certain encore que ces Peres ont été édifiés de ces allegories, & qu'ils s'en font fervis pour édifier les peuples, qu'ils ont réuffi dans ce deffein. Eft-il croyable que Dieu ait permis qu'ils fe foient fervi des moyens ridicules pour une fin fi fainte, & qu'ils ayent réuffi en les employant?

Cela mérite donc fans doute qu'on y faffe réflexion, & qu'on ne fe précipite pas fi fort dans fes jugemens, & peut-être qu'aprés y avoir bien penfé on fe croira obligé de moderer des cenfu res fi feveres.

Ceft premierement un article de foi qu'il y a quantité d'allegories dans l'ancien Teftament, puifqu'il y en a quantité qui font expliquées & canonisées dans le Nouveau.

Non feulement il y a des allegories confacrées par l'Ecriture, mais le Dogme même qui fert de fondement aux allegories, y eft formellement établi; car il eft dit que tout ce qui arrivoit aux Juifs leur arrivoit en figure. Hæc in figura 10. 11. Contingebant illis.

I. Cor.

Or il eft fans apparence de restraindre cela au feul paffage de la mer rouge, comme il eft ridicule auffi de prétendre qu'il n'y a dans tout l'ordre des facrifices marqués dans la Loi, que ce qui eft expliqué par faint Paul, qui foit allegorique. JESUS-CHRIST declare luimene que Moyfe a écrit de lui. Il expliqua à fes Difciples après la Refurrection ce qui étoit écrit de lui dans les Ecritures en commençant par Moyfe, ce- Luc. 24, pendant fi l'on vouloit exclure les alle- 17. gories, on trouveroit peu de chose de JESUS-CHRIST dans les Livres de Moyfe.

C'eft fur ces raifons que les Peres ont conclu que l'ancien Teftament étoit figuratif, qu'outre le fens litteral, il contenoit auffi un rapport au Nouveau. L'on ne voit pas que l'on ait droit de

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