Imágenes de páginas
PDF
EPUB

font vraiment humbles doivent être bien aifes que le monde foit de cette humeur; autrement fi l'humiliation étoit toujours fuivie de l'élevation, ce feroit une espece d'hypocrifie de s'humilier.

Ón voit dans les Communautés que ceux qui fe font valoir, qui exigent de grans égards, accoutument en quelque forte le monde à leur rendre ces devoirs; & le mettent en poffeffion de je ne fai combien de privileges, & qu'au-contraire ceux qui s'abaiffent & ne se soutiennent pas y font opprimés & rabaillés en une infinité de rencontres; cela est vrai,mais auffi les premiers avec toute leur confideration font peu aimés. On eft plus appliqué à remarquer leurs défauts, on s'en entretient davantage en fecret, ils ont moins d'eftimme réelle & d'amour ef fectif que ceux qui fe rabaiffent & s'humilient, & comme l'amour & l'eftime valent mieux que le refpect & les devoirs exterieurs, il fe trouvera qu'ils font encore de meilleure condition que les autres, & qu'il eft vrai en ce fens, Qui se humiliat exaltabitur. QuICONQUE s'abaisse Luc. 14. fera élevé.

[ocr errors]

C'est une injuftice de vouloir s'humilier en apparence & s'élever en effet.

XCV.

Confeffeur.

Dans les autres profeffions on fe danne pour les pechés particuliers que l'on y commet, mais les méchans Confefleurs fe dannent par les pechés de toutes les profeffions, & l'on peut dire à la lettre que leur langue, comme le dit faint Jac- cq.ie que, eft un monde d'iniquité. UNIVERSITAS iniquitatis.

Un mauvais Confeffeur recevra le jugement de ceux qui paffent leur vie dans le jeu, pour avoir approuvé cette vie de jeu. Il recevra le jugement des Comédiens pour avoir approuvé la Comédie. Ilfera traité d'ufurier quand il approuvera I'nfure. Il fera púni comme ayant diffipé les biens de l'Eglife pour avoir approuvé. le mauvais ufage des biens de l'Eglife. I recevra la condannation des mauvais riches pour avoir approuvé leur dureté.

Que fait cet homme dans ce Confeffronal? Il fe charge des pechés de ceux qu'il confeffe fans les en décharger, il aide les gens à fe danner & fe danne avec eux, c'eft là l'emploi de la plupart des Confefleurs.

Qu'il y a de Confeffeurs qui ne font que les miniftres de la colere de Dieu fur les homines, qui ne font que l'Office de celui

Ny

21.22.

qui fe prefenta à Dieu pour tromper 3. Reg. Achab: J'irai, dit-il, & je ferai un efprit menteur dans la bouche de tous les Prophétes. ERO fpiritus mendax in ore omnium Prophetarum. Ils font donnés par juftice aux hommes qui meritent d'être trompés. Pourquoi y-a-t'il tant de mauvais Confeffeurs? c'eft qu'il y a bien des gens dans l'Eglife qui méritent d'être trompés.

Un Miniftre de la juftice de Dieu fur les hommes destiné à les aveugler, ne laiffe pas d'être à l'égard de plufieurs, miniftre de fa mifericorde. Il trompe ceux qui méritent d'être trompés, il éclaire ceux qui méritent d'ètre éclairés ; mais il fe trompe toujours lui-même, parceque le profit qu'il fait à certaines ames l'empêche de reconnoître le mal qu'il fait à d'autres & à lui-même.

XCVI.

Ceux que Dieu fecourt immediatement, lui font plus obligés.

Il y en a qui fe plaignent de ce que les autres n'ont point penfé à les fecourir dans leurs befoins, qu'ils ne fe sont point apperçus de leur neceffité, & qu'ils leur ont témoigné peu de bonne

volonté.

Mais ces perfonnes devroient penfer que c'eft Dieu qui infpire aux autres ces

penfees de pourvoir aux receffités des autres, & qui les fait réuffir. Or que leur importe que Dieu l'ait fait en une maniere plutôt qu'en une autre, s'il n'a pas donné ces penfées à leurs amis, c'eft qu'il avoit deffein de les foulager en une au

tre maniere.

Ils ont donc plus d'obligation à Dieu ? de les avoir fecourus indépendainment des créatures, & de les avoir moins chargés d'obligations qui font toujours onereuses,mais ils n'en doivent pas favoir mauvais gré aux autres, puifque ce défaut d'application vient de ce que Dieu n'avoit pas choifi cette voie de les fecourir, & ainfi n'a pas fait naître des occafions qui leur ayent donné cette penfée,

XCVII

Difpofition des hommes à l'égard des
avertiffemens.

Les homines ont établi qu'à l'égard du corps & des affaires temporelles il ne faloit pas avoir grande liaison avec les gens, ni les connoître beaucoup pour leur donner les avis que l'on croit utiles àleur fanté ou à leur fortune, mais ils ont jugé tout autrement de ce qui regarde Fame & le falut. Car ils ne permettent qu'à peu de perfonnes d'avertir les autres

Nj

2

[ocr errors]

de ce qui peut nuire ou fervir à l'un & l'autre.

Qui feroit le malade qui se fâchât qu'on lui enfeignât les remedes pour guérir d'une maladie dangereuse, & qui les rejettât fous pretexte que celui qui les lui donne ne le connoît que depuis peu de tems.

qu

Qui feroit le vieillard qui s'offenfât 'on lui montrât un fecret de vivre long-tems fans incommodité, & qui accufat d'indifcretion ceux qui dans la feule vûe de le fervir lui offriroient ce fecours, fous pretexte qu'il feroit peu conn d'eux.

Qui feroit l'avare qui refuferoit d'écouter une propofition avantageufe pour: augmenter fon bien, fous pretexte que celui qui la lui feroit n'auroit pas d'autorisé fur lui..

Nous permettons à tous les hommes de nous aimer felon le corps, de voir nos maladies, & de nous en fouhaitter la guérifon. Mais à l'égard de l'ame nous ne voulons ni que les autres voyent nos · maux, ni qu'ils nous les découvrent quand ils les voyent; nous leur fermons la bouche fi-tôt qu'ils nous en veulent parler les remedes qu'ils nous propofent nous offenfent, & tout ce qu'ils nous difent pour notre bien paffe dans

« AnteriorContinuar »