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notre efprit pour indifcretion. Nous defirerions qu'ils nous regar daffent comme exemts de tous défauts, -& que ce fût la fource de leur amour

envers nous.

Ceft là le fond & la pente naturellede notre cœur, & s'il fouffre quelquefois les avertissemens de quelqu'un, c'est. en quelque forte malgré lui, c'eft pour ne pas paffer pour bizarre & de mauvaife humeur. Ceft enfin qu'il ne les peut empêcher parce qu'ils y font obligés par profeffion.

Mais comme il reçoit auffi ces avertiffemens par contrainte contrainte, il les borne: auffi tant qu'il peut, il les refferre, il veut qu'on ait un caractere pour cela.

XCVIII.

On n'eft pas mieux dans la folitude que: dans le monde quand on eft vuide

de Dieu.

gran

Ceft en vain qu'on fe fépare des des affaires : fi Dieu ne remplit le vuide qu'elles laiffent, on éprouve dans la folitude les mêmes foibleffes, les mêmes diftractions. Pour peu d'affaires que l'on ait, il y en a toujours affez pour remplir un cœur que Dieu ne remplit pas. Les petites affaires deviennent grandes, quand nous n'en avons point de gran

des, parceque l'efprit qui n'eft pas dif trait ailleurs s'en occupe tout entier. On le noye dans un ruiffeau quand on n'a pas la force de fe relever, l'ame fe peut abîmer dans les moindres affaires au défaut des grandes.

XCIX

Royaume interieur dont l'amour-propre
diftribue les charges.

Il y a dans le cœur de tous les hommes un petit Royaume qui eft compolé de leurs mouvemens interieurs, & perfonne n'eft fi efclave qui n'ait en fon pouvoir plufieurs actions exterieures qui dependent de fes mouvemens, car chacun eft maître & Roi de fon eftime, de fa confiance, de fon affection, de fes louanges, de fon application, de fa conduite fpirituelle, de fa familiarité, & de même des mouvemens & des actionsoppofées, & quand je dis que nous en fommes les maîtres, je veux dire que toutes ces inclinations ne font pas de fimples paffions involontaires,mais qu'elles ont quantité d'effets volontaires & libres, dont par confequent nous fommes les maîtres, quelque pauvres & def titués que nous foyons. Ce font des préfens que nous pouvons faire aux autres, & comme des charges & des offices

que

nous leur attribuons. Aux uns nous donnons notre créance & notre estime, & à d'autres notre tendreffe, notre appliçation, notre familiarité, nous avons ouverture pour les uns, & nous sommes fermés pour les autres. Nous avons inclination & tendreffe pour l'un, & antipathie pour l'autre. Nous choififfons l'un pour le confulter, nous craignons de nous adreffer à l'autre. Que fi l'on veut favoir quel confeiller nous prenons pour, diftribuer tous ces offices, fi nous voulons bien fonder notre cœur il fe trou vera, que c'est l'amour-propre, & que c'est lui qui eft la premiere fource de ces inclinations differentes.

Une perfonne nous témoignera de la bonté, de la confiance, de l'eftime; c'en eft affez pour couvrir à nos yeux tous fes défauts, ou pour les faire juger peu confiderables, nous nous lions infenfiblement à elle, nous nous ouvrons; nous remarquons fes bonnes qualités, nous les eftimons. D'autres font moins complaifans, moins appliqués à nous faire paroître de l'inclination, ils connoiflent nos défauts, & les condannent un peu. Cela nous ouvre les yeux fur leurs défauts, les ferme pour leurs vertus, & diminue par confequent l'eftime, la créance, l'ouver

ture.

Les perfonnes les plus fpirituelles onts beaucoup à s'examiner fur ce point, & à prendre garde fi la confiance qu'ils prennent en certaines perfonnes plutôr qu'en d'autres, fi la tendrefle qu'ils éprouvent à l'égard de quelques-uns, plutôt qu'à l'égard des autres, ne vient point de ce principe corrompu.

Car fi elles n'y prennent garde, elles verront qu'ordinairement elles fe laissent aller à celles qui les flattent.

Il eft rare que des perfonnes un peur affectionnées, & qui favent s'ouvrir à une fuperieure, & lui témoigner de la confiance & de l'affection, ne la gagnent. Et il eft rare au contraire que celles qui font froides, feches per careflantes y réuffiffent. C'est que nous jugeons fou vent des vertus plutôt par rapport à nous que par rapport à Dieu.

Chacun le fait un cercle d'amis pour fe répandre avec liberté, & choifit pour cela non ceux dont il peut plus profiter; mais ceux qui ont plus de confiance en lui,& fur l'efprit defquels il domine da

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C'est une grande affaire que d'être chargé de fon ame.

Il y a des gens qui fe plaignent de.

ff'avoir rien à faire dans le monde, mais c'eft qu'ils ne favent pas ce qu'ils y ont à faire. Le Gouverneur de Monfieur le Dauphin n'y a-t-il rien à faire ? Celui à qui l'on auroit donné le foin d'instruire un Roi n'y auroit-il rien à faire? Nous avons tous plus à faire que cela.Dieu nous a donné à conduire un de ses enfans, un coheritier de Jefus-Chrift, une ame qui eft fon épouse,une Reine qui doit regner éternellement avec Jefus-Chrift. Qu'eftce que la grandeur de tous les Rois eft en comparaison de cette ame? Dieu l'a commife à notre garde pour la former, la conduire, l'inftruire, la corriger, l'a vancer. Voila notre charge effencielle, elle fuffit à un Chrétien, & il doit faire toutes les autres par rapport à celle-la

CI.

Le repos chrétien a fes occupations On fe perfuade facilement que les gens n'ont point d'affaires, parceque l'on ne met de ce nombre que certaines occupations qui engagent dans le commerce du monde, & que l'on en exclut les plus importantes, & comme chacun a pour foi-même les mêmes fentimens que pour les autres, on entre aifément dans cette difpofition de fe confiderer comme payant point d'affaires, fi-tôt qu'on eft:

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