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Tout eft pour Jelus-Chrift, JefusChrift eft pour nous.

CIV.

Prudence neceffaire pour ne pas legerement communiquer aux autres certaines idées qu'on fe fait.

Il eft dangereux de fe former des idées aftrenfes de certaines aufterités & de certains états; car on fe rend de beaucoup plus foibles à l'égard de ces états que fi on y étoit réduit, & l'on communique aux aux autres par fes difcours les mêmes impreffions, ce qui leur peut être dangereux. Il y en a à qui la Religion auroit été tres-ntile,& quin'en ont été détournés que par ces idées outrées qu'elles ont tiré des difcours qu'on a faits imprudemment devant elles. Une raillerie temeraire peut renverfer la vocation d'une perfonne, & la détourner de fa voie, il eft donc très-utile de parler de tout fagement & moderément, & de ne s'abandonner point aux idées d'imagina

tion.

CV.

Adreffe de l'amour propre à fe diffimuler fes défauts.

C'est une adreffe de l'amour propre quand il eft repris de quelque défaut d'en

wifager à l'heure même, non la vertu qui tient le milieu entre les deux excès, mais le vice oppofé qui n'eft pas moins grand que celui dont on les reprend & de se deffendre par là.

Ainfi lorfque l'on fait remarquer aux perfonnes lentes qu'elles perdent une partie de leur vie par leur peu d'activité. Vous voudriez donc, difent-elles, que nous fuffions des têtes de fouffre & de falpêtre, comme s'il n'y avoit point de milieu entre une lenteur parefleuse & fans action, &une activité precipitée.

On ne nuit pas feulement aux autres en leur donnant l'exemple de divers défauts, mais on leur nuit encore davantage en leur apprenant l'art de les défendre. Or c'est ce qu'on fait fouvent fans y prendre garde; car les autres fe forment fur ce modele, & elles apprennent à fe juftifier dans leurs défauts par ces adreffes qu'on leur a montrées. Ainfi l'on ne doit donner aux autres l'exemple d'au cun défaut, ou l'on ne doit pas au-moins les inftruire dans l'art de les défendre.

Il y a mille adresses pour se justifier dans fes défauts, qui font toutes dangeceufes & contagieufes.

Celle de faire envisager le vice oppose en eft une, c'en eft une autre de faire rearder comme des Anges les perfonnes qui

qui font exemtes de ce défaut, afin qu'il He paroiffe pas fort étrange qu'on n'ait pas une vertu angelique.

Cen eft une autre de remarquer divers défauts dans ceux, ou qui nous reprennent, ou qui ont la vertu que nous n'avons pas, afin qu'avec notre défaut ils nayent aucun avantage au-deffus de

nous.

La fin de l'orgueil, quand il fe défend, n'eft pas tant que fon défaut ne paroiffe pas, que d'en éviter l'humiliation. Or il lui eft indifferent pour cela, ou de foutenir ce défaut qu'on lui reproche comme n'étant point un défaut, ou d'en faire voir d'auffi grans dans les autres. Car par l'un & par l'autre on évite de paroître au-deffous d'eux.

L'humilité étant la vertu fondamentale du Chriftianifme, & la voie de l'humilité étant l'humiliation, c'eft nuire aux autres confiderablement que de leur apprendre des manieres ingenieufes pour éviter l'humiliation.

Or c'eft une adreffe ingenieuse de fuir l'humiliation, de faire regarder certai nes vertus comine impoffibles, ou ceux qui les ont, auffi défectueux que les au

tres.

Yayant une extrême pente dans tout le monde à parler & à décider de tout au Tome VI.

Ω

hazard, on eft obligé pour refifter à cette pente de parler de toutes chofes avec retenue, avec crainte, avec modeftie: & ceux qui en parlent décifivement & hardiment nuifent beaucoup aux autres en favorifant la pente de la nature.

On ne confidere pas affez les fuites des défauts, ce n'eft rien, dit-on, que de décider, de parler un peu trop hardiment, cela n'eft pas vrai.

Premierement l'air décifif impofe aux perfonnes peu éclairées & les emporte Or c'eft un mal confiderable que de porter les autres à quelques faux jugemens.

2. L'air décifit engage à foutenir le fentiment qu'on a rendu fien en le propofant, ainfi il y a de l'amour-propre, ce qu'on ne fe feroit pas mis en peine de défendrefi on l'avoit proposé par forme de doute. On le défend parcequ'on l'a propofé dogmatiquement, on entre en conteftation fur cela, & l'on s'engage dans toutes les fuites des conteftations.

CVI.

Commencement de la vocation fouvent foible.

Les commencemens de toute vocation font fort foibles & fort incertains, le moindre vent les peut ébranler, & ils reffemblent tout-à-fait à des defirs pure

ment naturels. Une fille nourrie en Religion dira qu'elle veut être Religieuse, tant qu'elle fera dans le Monaitere, fitôt qu'elle en fera fortie, fi l'on hii propofe un mariage elle y con entira fans peine: s'enfuit-il de là que fi demeurant dans le Monaftere, elle eût continué à vouloir être Religieufe, elle n'auroit donc point eu de vocation, ou que fa vocation n'eût confifté qu'en ce foible defir qu'elle avoit témoigné d'être Religieufe; cela ne s'enfuit point du tout. On n'auroit pas du méprifer le defir qu'elle témoignoit d'être Religieufe,on l'auroit dû cultiver,mais on nel'auroit point dû recevoir à laReligion que ce defir n'eût éte éprouvé & affermi. Ainfi fa vocation n'auroit point confifté dans ce defir feul, c'en auroit été toutau-plus un foible commencement, mais dans ce defir affermi & fortifié, & il ne faut pas conclure qu'on admette dans les Religions quantité de volontés foibles & vacillantes, parcequ'elles l'ont été en un certain état.

Il n'eft pas néanmoins befoin que la volonté d'être Religieufe foit affez forte pour refifter à toutes les occafions qu'on trouve dans le monde, puifque l'on fe retire du monde pour fuir ces occafions, il fuffit qu'elle foit affez forte pour refifter

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