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Prov. 4.

27.

TROISIEME TRAITE.

DU MAL QU'IL Y A de détourner une perfonne de la pratique de l'obéiffance.

I.

'EMPESCHE Z point, dit le Sage, de faire le “bien celui qui le peut faire : Faites-le vousmême fi vous le pouvez. NOLI prohibere benefacere eum qui poteft: fi vales,& ipfe benefac. Il eft bien clair qu'il n'y a rien de plus contraire à la charité que ce qui eft deffendu par ce précepte ; car la charité nous obligeant de defirer le bien du prochain, quelle raifon peuton avoir de l'empêcher de faire le bien, puifqu'il ne peut acquerir en cette vie un plus grand trefor que celui de fes bonnes œuvres. Si vous n'avez pas le courage de les faire, au-moins ne les enviez pas à ceux qui les veulent faire. Le pouvoir & la volonté qu'ils en ont font des dons de Dieu: les empêcher d'en ufer, c'ett

Du mal qu'il y a de détourn. &c. III. Tr. 43 donc s'oppofer expreflément à Dieu.

II.

Or il n'eft pas moins certain que l'on fait ce qui eft deffendu par cette maxime, quand on détourné quelqu'un de faire une bonne œuvre, qu'on le porte à quitter une vie plus parfaite pour en embraffer une moins parfaite, & enfin lorfqu'on lui infpire de l'éloignement de quelque confeil évangelique, comme de la pauvreté, de l'obéiffance, de la virginité, quoiqu'il fut accoutumé à le pratiquer: la pratique qu'il en faifoit marquoit qu'il le pouvoit faire, & qu'il en avoit la volonté. C'est donc s'opposer à Dieu que de l'en détourner. Or comme c'eft pratiquer le confeil de l'obéiffance que d'en faire vœu dans une Religion, c'eft auffi le pratiquer, quoique dans un degré inferieur, que de fe foumettre dans une focieté reglée à la volonté des St perieurs avec la même exactitude que l'on fait dans les Religions. Cela eft toujours & plus fur & plus parfait, que de fe conduire par fa volonté propre & par propre lumiere, & parconfequent c'est s'opposer à une bonne anvre, & empêcher le prochain de faire le bien, que de le dégoûter de cette pratique. Il y a toujours dans cette conduite un renonce

fa

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PS. 68.

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ment à fa propre volonté, à son sens, à sa lumiere, un aveu que l'on fait à Dien de fon imprudence & de fon incapacité pour le conduire foi-même. On dit à -Dieu en fe foumettant à l'obéiffance en toutes chofes; Seigneur, vous connoisse mon peu de fageffe: DEUS, tu fcis infipien

tiam meam.

L'homme s'eft perdu par l'amour de T'indépendance, il eft jufte qu'il retourne à Dieu par la dépendance & par la fou miffion; & la réfolution que l'on prend de vivre de cette forte eft une reconnoiffance de cette juftice & de ce befoin.

III.

Demander s'il eft permis de détourner une perfonne de cet affujettiffement, en lui confeillant de fe donner plus de liberté, c'eft demander s'il eft permis de confeiller à quelqu'un de quitter un reginte falutaire & für auquel on s'eft accoutumé, & dont on s'eft toujours bien trouvé, pour en prendre un qui feroit trèsdangereux; c'eft demander s'il eft permis de nuire au prochain: car c'est lui nuire que de lui perfuader de fe priver d'un avantage fpirituel très-considerable, & dont il a beaucoup de befoin pour le Bien de fon ame.

I V

Qui ne condanneroit une personne qui par un confeil temeraire en auroit engagé une autre à perdre cinquante mille écus de fon bien ? Cependant il s'en faut bien qu'une telle perte égalât devant Dieu celle du merite d'une bonne œuvre & de la pratique d'un confeil évangelique. S. Auguftin ne veut pas qu'une fille qui a réfolu de demeurer vierge, abandonne fondeffein pour quelque avantage temporel qu'on lui puiffe propofer, ni même pour des biens fpirituels qu'elle pourroit procurer aux autres en fe mariant: comment donc pourroit-on dètourner en confcience une perfonne, du bien de l'obéiffance & du renoncement à fa propre volonté, qui eft de même în confeil évangelique, & un confeil qui tend à notre fanctification auffi bien que la virginité?

V.

Que diroit-on d'une perfonne qui étant dans une maison de filles qui vivroient dans l'éloignement du mariage, non par væn, mais par une fimple préference de cet état à celui des perfonnes mariées, les entretiendroit de difcours capables de leur caufer du dégoût de cette forte

de vie en leur témoignant qu'elle ne la goûte point, en leur demandant à quoi bon s'impoler ce joug, & enfin en leur donnant lieu de le regarder comme incommode & inutile tout ensemble? Ne blâmeroit-on pas avec raison cette avocate du mariage d'une extrême indifcretion, & n'auroit-on pas fujet de lui dire qu'elle s'eft rendue par-là responsable devant Dieu de tous les mauvais effets de ces difcours & de l'affoibliffement qu'ils pourroient avoir caufé dans l'efprit de celles qui les auroient écoutés, en reveillant en elles les paffions naturelles, & en leur ôtant l'eftime & l'amour d'un genre de vie qu'elles regardoient avec raifon comme plus fûr, plus utile à leurs ames & plus agréable à Dieu ? Or n'est-ce pas à peu près la même chofe d'affoiblir fes difcours l'amour de l'obéissance en des perfonnes qui la pratiquent & de leur infpirer de l'éloignement de cer affujettiflement? En l'un & l'autre on prend le parti de la cupidité contre la perfection Chrétienne. Car la cupidité porte pour le moins avec autant de force à fe décharger du joug de l'obéiffance, & à fe mettre en état de vivre à fa volonté, qu'à embraffer la condition du mariage.

par

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