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XIX.

C'eft proprement cet efprit qui diftingue les Arbitres équitables, de ceux qui ne le font pas. Car comme ceux qui ont les vrais principes d'équité & de justice réduifent tout à la verité réelle fur laquelle Dieu juge, & font en forte que les formes n'y foient pas contraires, les autres prennent fujet de certaines formalités pour ruiner les causes les plus juftes dans le fond.

X X.

Il y a de certaines équités arbitrales fort ordinaires qui confiftent à faire enforte que chacunfe relâchant de fes prétentions, perfonne ne perde tout & ne gagne tout. Ces accommodemens font juftes dansles chofes douteufes & de bonne foi;mais ils ne doivent être pratiquès qu'à l'extremité dans les affaires où il y a de la mauvaife foi de part & d'autre. La raifon en eft que quelque accommodement de cette forte que l'on faffe, celui qui obtient le bien d'autrui par des moyens injuftes, n'en devient point legitime poffeffeur. La Sentence des Arbitres n'en transfere point veritablement le domaine: & celui qui obtient ce qui ne lui apparient point devant Dieu n'en eft pas

moins obligés à reftitution,quelque Tran faction & quelque Sentence qui y foit intervenue. Ainfi dans ces fortes d'accommodemens on laiffe celui qui eft de mauvaise foi en un état miferable, & on l'accable d'un poids effroyable en lui donnant ce que Dieu ne lui donne pas.

XXI.

Il n'y a donc que la feule neceffité qui puiffe excufer ces fortes d'accoinmodemens, lors qu'on ne peut obliger les perfonnes de mauvaise foi à la reconnoître & que l'on ne les peut convaincre felon les loix. Car alors il eft permis de les porter à relâcher quelque chofe de ce qu'elles devroient abandonner entierement, en fuppofant que plus elles relâcheront, & moins elles feront malheureuses. On peut alors penfer à établir une paix temporelle,lorfque l'on ne leur en peut procurer une fpirituelle & veritable, & en les avertiffant que l'on ne peut jamais poffeder legitimement ce que l'on acquiert par le menfonge. On leur peut laiffer ce qu'elles ne veulent pas rendre, jufqu'à ce qu'il plaife à Dieu de les tou

cher.*

*Voyez S-Aug. Sermon, 24. de Verbis Apoftoli & de Serm. Domini in monte, fur ces paroles, Sicut & nos dimittimus debitor. & S. Thomas dans la queftion du Scandale. 2. 2. q. 43. favoir s'il faut abandonner les biens temporels à caule du fcandale.

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Left aifé de connoître par ces principes que le different dont il s'agit entre Sempronius & Mævius eft du nombre de ceux qui font déja jugés devant Dieu, avant qu'ils le foient par les hommes. I s'agit d'une certaine quantité de hardes. Sempronius affûre qu'il les a données, Mævius nie avec ferment qu'il les ait re çues. La famille de Sempronius affûre la même chofe que Sempronius. Il femble que celle de Mævius faffe auffi de même que Mævius. H eft impoffible que les uns & les autres fe trompent de bonne foi. Il faut donc que les uns ou les autres foient des méchans, des fourbes devant Dieu que les uns ou les autres foient coupables d'iujuftice, de parjure & de menfonge.

II.

Il s'agit de même d'un Teftament, & les maximes en font conftantes. 11 eft certain qu'un Teftament quand il feroit le plus veritable du monde, s'il eft extor

qué par menaces,par mauvais traitemens, par des injures, par des reproches, par des brutalités,ne vandroit rien & ne donneroit à celui qui s'en voudroit fervir,aucun veritable droit.

Il eft certain encore qu'un Teftament dont la datte eft conftamment falfifiée, dont le corps de l'écriture eft justement fufpect de fauffeté, ne vaut rien.

Le different ne confifte donc point dans le droit, mais dans les faits dont on fauroit certainement la verité, fi les uns ou les autres étoient finceres. Sempronius & fa famille foutient que Mævius a fait à sa femme, pour en obtenir un Teftament, tous les mauvais traitemens dont il s'eft pu avifer; qu'il l'a menacée une infinité de fois de la rendre la phis malheureuse de toutes les femmes; qu'il l'a outragée; qu'il l'a abandonnée; qu'il lui a refufé toutes chofes dans l'extremité de fa maladie. Si ces faits font vrais, le Teltament ne vaudroit rien quand il feroit même veritable.Dieu fait la verité de ces faits, & les Parties ne la peuvent pas ignorer. Il condanne donc encore dans ce jugement les uns ou les autres d'injuftice & de menfonge.

Sempronius foutient qu'on lui a montré ce Teftament non datté aprés la mort de fa fille. Mævius le nie & foutient

qu'il a toujours été datté. Ce fait est décifif. La moindre fauffeté dans un Teftament olographe, est une tache d'huile qui annulle l'acte, comme Titius (l'AvoGat arbitre) en eft convenu, & comme en conviennent les plus fameux Avocats de Paris.

Ileft impoffible que l'un & l'autre foit de bonne foi: c'est donc encore un pro cès devant Dieu que celui de la validité de ce Teftament.

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Il s'enfuit de là que mulle Sentence arbitrale, nulle Tranfaction ne peut mettre en fureté de confcience ceux qui auront affuré des chofes fauffes, & qui en auront defavoué de veritables. Et que fi par malheur la Sentence des Arbitres ne fe trouvoit pas conforme à celle de Dieu, elle ne difpenferoit nullement celui en faveur de qui elle feroit rendue, de la reftitution exacte à laquelle il eft obligé par la loi de Dieu, parcequ'il en feroit toujours injulte poffeffeur.

I V.

Non feulement ceux qui s'emparent du bien d'autrui par des parjures, font obligés à la reftitution de ce bien, & new

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